10 : Emily

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Septembre 2023


Il est vrai que j'ai peut-être abusé lors de l'annonce de départ de mon frère. Je n'avais pas réalisé que je passerai toutes mes journées au boulot et que je ne verrais donc Eyden que le matin. Surtout que maintenant, l'été touche à sa fin. La chaleur reste mais mon contrat de travail est fini : je rentre en première année d'université. Ma première année en tant qu'apprentie avocate. Quatre ans en droit, puis un an afin de préparer mon examen pour l'école d'avocats et obtenir mon CAPA.

En plus, par rapport à cinq ans, six mois, c'est court. Plus que cinq maintenant, mon frère reviendra et je pourrai virer Eyden de la maison. Alléluia.

Le premier jour, j'appelle Kara (avec qui je vais évidemment passer ces cinq ans), complètement en stress.

- Kara ?

- Allô ma poule, comment ça va ?

- Je suis sur le point de faire une crise d'angoisse. On rentre à l'université, tu te rends compte ?

- Ouais, absolument. Je suis chaude comme la braise.

Évidemment, elle n'en a pas fini avec ses connotations coquines. Mais je la connais assez bien pour savoir qu'elle saura éviter de balancer ce genre de trucs en cours !

Je ris bêtement tandis que je parfais mon maquillage, habillée d'un jean noir et d'un blazer ; juste histoire de faire bonne impression à l'université.

- Moi aussi ! je réponds, enthousiaste. Ça me tiendra éloignée du connard sexy qui me sers de baby-sitter... K ? T'es toujours là ? je l'appelle, n'ayant pas de réponse pendant plus de deux secondes.

- Tu as bien dit "connard sexy" ? Je rêve, tu trouves Eyden sexy ! T'as enfin ouvert le yeux ! Je t'aime, ma poule.

- D'abord, j'espère que tu m'aime pour plus que ça, et ensuite, je n'ai pas dit ça. Eyden n'est pas sexy. C'est juste un con.

- Ouais, c'est ça. Peut-être que j'ai déjà pris les devants en tant qu'avocate, et que notre conversation est enregistrée... Histoire de te faire réaliser que tu mens comme une arracheuse de dents !

- Je ne mens pas ! Je ne l'ai pas dit, c'est tout.

- Ne me l'a fait pas, à moi. Ton nez s'allonge tellement qu'il sonne à ma porte. Allez, va manger, on se retrouve après !

- Bref. À tout à l'heure, K. Je t'aime.

- Pas moi ! lâche-t-elle avant de raccrocher.

Je secoue la tête et range mon téléphone dans ma poche. Je descends les escaliers et trouve Eyden en train de faire cuire des œufs. Je les sens parce que je ne peux pas les voir, car Eyden est dos à moi et dos nu, surtout. Ses tatouages ne s'étendent pas sur son dos comme je l'avais peut-être secrètement espérer... et un frisson me parcourt.

Une semaine s'est écoulée depuis notre petite virée voiture. Rouler vite au point de brûler la gomme des pneus, ça m'arrive souvent. Ça me déstresse, et c'est peut-être ce que je devrai faire avant d'aller en cours.

En tout cas, c'est la première et dernière fois que j'emmène Eyden, autant que le câlin. J'étais pas très bien ce jour-là, pour des raisons personnelles. Mon corps a décidé de me faire souffrir, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Être une femme, plus les courbatures... c'était pas les meilleurs jours de l'été.

Un truc me perturbe depuis ce jour-là, je n'arrive pas à le sortir de ma tête. Dans la voiture, j'ai ressenti le vrombissement du moteur dans tous mes membres. Ça m'a apaisé, et étonnamment, le regard qu'il m'adressait quand je l'ai regardé m'a encore plus détendue. Je voyais qu'il avait conscience que je savais ce que je faisais, et donc qu'il n'avait pas peur d'un accident ou encore qu'il n'irai pas raconter ça à mon frangin.

Six mois pour s'apprivoiser [sous bêta-lecture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant