Le Deuxième Monde

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  Sous les ciels mortuaires, brûlés de vices, le soleil rougit. Il darde ses échafauds au bord des fleuves, des larmes goulûment installées au regard perdu d'un homme. Il se tient seul, au milieu des tempêtes vermillons sans périr aux flammes brunes qui écartent le sol. Des allées carminées éclatent les bouées écarlates, une figure s'embrume dans le crépitement inconstant des fards garances, deux billes de saphirs qui troublent les vents dorés. Une fumée incandescente traverse les ponts de cristal érubescents, laissant des traînées de poudre noirâtres au bas d'une tunique gravée de rubis. Deux pieds indolents rattrapent le corps envahi de l'homme, un être s'enlace à lui en des souffles rutilants, ils ont l'air de se connaître sans se voir.

Une marée rousse l'écarte, elle prêche son sein et garde son visage en joute. Son front couronné d'étoiles ambrées ouvre les safrans de son corps halé. Des déraisons fantasques embrasent ses airs charmant ; c'est un homme aussi, aux idylles sulfureux et sans désarroi d'être, face à San et ses troubles impétueux. Les déserts s'étendent et l'étreignent, il bascule entre les touches roussâtres du Deuxième Monde sans observer la quintessence et la jouissance des lieux épanchés pour lui.

SAN
Ma mère est morte.

Les mots volent et cognent les restes des poussières cuivrées. L'être les voit, et il avale leur sens empourpré de chagrin — ou ce qui le tairait — dans ses exhalaisons rubescentes.

SAN
Existe-t-elle encore en moi ?

Le temps s'élargit, il coule les flots avinés de la vie et perd l'espace de ses mains entassées. L'être embrasse encore ces courtes paroles, ses doigts lèchent l'embrasure des feux ardents et les renvoie aux abîmes profondes des cœurs.

WOOYOUNG
Est-elle encore faite de ta vie ?

SAN
Il n'y a pas besoin de moi pour être, de chacun naît le monde, et en chacun il se meurt pour l'ailleurs du soi. Comment peut-elle exister encore en moi ?

WOOYOUNG
Nous sommes des autres, du chemin de l'expérience et esclaves de nos temps collectifs. La vie ne se meurt que s'il ne peut y avoir aucun héritage. En ce soi il n'y a rien.

Sans garde, la main de Wooyoung brûle une caresse sur sa joue, elle pleure des éclats rougeoyants. Ses faïences s'ouvrent pour que les sillons croulants éventrent ses mots ; rien ne fait plus sens.

WOOYOUNG
À travers l'espace, le temps, nous ne somme fait que du néant, des pluies impétueuses de l'absurde, de ce soi rien ne s'encense. Il n'y a que la décision d'exister, et de faire exister.

SAN
Mais sans moi, comment puis-je devenir à mon regard ? Comment puis-Je ?

WOOYOUNG
Les tempêtes hurlent, San. Si tu deviens quelqu'un seulement à travers ton regard, alors à ta mort tu n'existeras plus, mais tu ne peux être sans les autres, car ce soi n'a d'essence que l'illusion d'être. Être réellement, c'est être du Monde.

Les vents sifflent, leur véhémence ne tarit qu'en leur cœur, et le Deuxième Monde s'affaisse.

SAN
Alors vivant, pourquoi déciderais-je d'exister ? Est-ce réellement à toi de choisir une réalité ?

WOOYOUNG
Oui, je choisis d'exister, de devenir, sans croire à l'essence de l'humanité ou à ce moi subversif qui jamais ne sera. Et alors ; Je est un autre qui n'a que l'étranger pour vivre, et Je périra dans l'être du Monde. Je suis l'autre.

SAN
Tu choisis de croire, mais tu ne peux pas définir la réalité. Ne devrions-nous pas choisir de n'être rien plutôt que d'accomplir l'inconscience ? Comment refouler le mal d'agir ? Le mal d'être ce qui ne peut pas être ?

WOOYOUNG
Si seul l'existence en un soi t'écartes du mal, c'est que tu ne comprends pas l'existence. Que serions-nous si nous étions quelque chose ? Tu penseras plus tard à devenir.

Les dernières accalmies s'estompent et la fièvre encense ses maux de ne plus être certain. San voit les éclaboussures âpres s'ébruiter au creux des yeux de Wooyoung, il s'efface en laissant des grenades écrasées derrière lui. Une dernière fois, il enfonce ses dents dans le fruit interdit, et la vermeille maudit, sinueuse et sournoise, elle trompe ses sens. Les embrassades se tarissent et se taisent enfin.

WOOYOUNG
Va découvrir le Troisième Monde.

Le Deuxième Monde s'effrite et les nuées rouge se recouchent, replient leurs gouges enfiévrées et il ne reste à San que l'ombre d'une grenade à la peau arrachée.

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𝐏𝐑𝐄𝐋𝐔𝐃𝐄𝐒 𝐃𝐄 𝟒𝟕𝟔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant