Umbria, le Royaume de l'Ombre

Chapitre 1

1185

Léto et Jehane se promenaient dans les jardins royaux. Jehane avait atteint quinze ans et ressemblait profondément à sa mère.

La douceur d'un matin de printemps envahissait le corps des deux royales. Elles marchaient d'un pas léger, si petites dans la grandeur des jardins. Si elles gardaient le silence, elles conversaient dans leur for intérieur respectif. Elles se comprenaient, sans un mot. Elles étaient l'une pour l'autre, une personne de confiance avec laquelle elles entretenaient une parfaite osmose. Nul besoin de s'exprimer pour être comprise. C'était une sorte de magie. Leur don.

Les cheveux d'or de la jeune Jehane virevoltaient au vent tandis qu'elle avançait de son pas sautillant. Son regard de glacier était empli d'une étincelle rieuse.

Léto éprouvait une grande tristesse en la voyant. Elle était si douce, si gentille, si altruiste et pourtant, elle savait pertinemment à quelle vie la jeune fille était destinée. Jehane méritait tellement plus. Léto avait passé sa vie entière à se battre et à faire ses preuves. Ce n'était pas de cette vie qu'elle voulait pour son enfant.

Au loin, une silhouette se détachait de la forêt, sortant Léto de sa réflexion. Ses vieux souvenirs la firent se contracter. Mais ce n'était pas un ennemi. Elle n'en doutait pas. Puisse le monde toujours connaître la paix, se surprit-elle à penser.

Plus la silhouette se rapprochait plus le Roi Manassé s'avérait être reconnaissable. Jehane sourit à l'idée de saluer son père à qui elle vouait la plus grande des adorations.

Il arriva alors à leur hauteur.

— Bonjour Père, chantonna Jehane.

— Manassé ! Comment allez-vous ? Je ne vous ai guère vu ce matin, lança Léto.

— Bonjour Mesdames, dit-il froidement.

Mesdames ? s'étonna Jehane. Comme si sa mère la comprenait, car c'était le cas, elle lui saisit la main. Ne relève pas Jehane je te prie, pensa la Reine.

— Jehane, se pourrait-il que vous regagniez votre chambre je vous prie ?

Mais qu'arrivait-il à son père ? Il avait une manière si étrange de s'exprimer. Jehane regarda sa mère qui lui lâcha doucement la main en signe d'encouragement. Voyant qu'elle ne réagissait pas sa mère intervint.

— Vas-y ma chérie, nous reprogrammerons notre balade dans les jardins.

— Cesse de la pouponner ! Elle a quinze ans !

Perte de vouvoiement froid, remarqua Jehane sans rien dire.

— Je ne la pouponne pas, c'est notre fille ! C'est tout...assura Léto.

— Il suffit ! Jehane ! Regagne ta suite ! Léto j'ai à vous parler !

Tutoiement autoritaire et vouvoiement respectueux, fluctuations du langage très étranges. Il se passe quelque chose ! ne put s'empêcher de remarquer Jehane avant de s'éloigner sagement.