Soledad,
Au plus proche de la moisson, dans un village reculé nommé Soledad, se tenait un Conseil. Le Chef qui y siégeait semblait particulièrement tendu. Les voix se levaient tour à tour. Le Chef ne paraissait pourtant pas s'y intéresser.
— Chef Gontran le Sauvage, nous sommes en danger, il faut protéger notre peuple.
— Je vous entends, Gautier, mais que puis-je faire ?
— Laissez la parole aux femmes du village, peut-être auraient-elles plus d'idées que vous, lança une voix qui entra dans la pièce. J'ai ouï dire qu'elles avaient beaucoup d'esprit. Beaucoup plus que vous Sieurs !
C'était Aloys. Un jeune garçon d'une quinzaine d'années. Il était grand et robuste. Ses épaules larges étaient recouvertes d'une veste de fourrure blanche. Sa tenue et sa cuirasse bleu marine reflétait tout de sa grandeur. Il était impressionnant. Aloys était le fils du Chef et ses opinions divergeaient de celles de son père. Ils étaient entrés dans un conflit monstrueux depuis qu'une épée de Damoclès était suspendue au-dessus de leur tête. Malgré la tension environnante, Aloys mettait un point d'honneur à mettre en valeur ses opinions. Peut-être par provocation, mais surtout parce qu'il y accordait beaucoup d'importance et croyait dur comme fer en chacune de ses convictions.
— Aloys ne dites pas de sottises ! Les femmes ! ricana-t-il. Bien que certaines soient assez...
Le Chef hésita.
— ...douées pour le combat, reprit-il.Je ne sais pas s'il serait raisonnable de leur permettre un avis. Quand bien même, je ne pense pas qu'elles auraient plus d'idées que nous !
— Au contraire, nombreuses femmes ont de bonnes idées, contredit Mahaut une jeune fille de l'âge d'Aloys.
—Moi-même j'en ai une justement ! dit une jeune femme en se levant.
C'était la femme du Chef. Elle était resplendissante. Ses cheveux qui étaient d'un blond profond contrastaient sur une tunique en laine verte. Elle aurait été très belle, si elle n'était pas habitée par une telle colère. Elle plantait son regard vert d'eau dans les yeux de son mari. Elle soutint le regard de chacun des membres du Conseil. C'était une pratique très viking que d'exposer son fort caractère comme un trophée. Elle avait épousseté sa tunique de coton, qui recouvrait sa robe verte. Elle avait resserrée sa ceinture en cuir marron autour de sa taille. Elle s'était approchée des jeunes adolescents. Elle semblait forte et convaincue. La seule chose qui pouvait dévoiler la crainte qu'elle éprouvait était son étrange manière de triturer sa tresse.
— Pour nous débarrasser de notre ennemi, faudrait-il que nous sachions de qu'il s'agit. Je pense que pour l'instant il serait sage de battre en retraite.
— Si bien dit ! assura Mahaut. Cela me paraît très sage à moi !
— Mais à dire vrai, chuchota Isabeau ce n'est pas vraiment cela mon idée grandiloquente.
Aloys qui voyait avec crainte que sa mère eût possiblement été en train de faire capoter son plan, fut pris d'une étonnante inquiétude.
— En vérité, je songeai à ce que nous célébrions vos épousailles* dans quelques mois jeunes gens. Ainsi, pourrait-on profiter des quelques dernières minutes de la paix avant de nous engager dans une telle bataille.
— Excusez-moi Mère mais je crains d'avoir mal saisi, s'offusqua Aloys. Ce n'est pas le sujet et puis telle n'est pas la question ! N'est-ce pas Mahaut ? Nous n'avons aucunement l'intention de nous marier ! Mahaut est ma meilleure amie, presque ma sœur.
Mahaut ne répondit pas. Elle ne savait que dire.
— Mahaut ? demanda Aloys soudain livide.
Mahaut leur sourit, gênée.
— Je prends cela pour un accord, s'empressa d'ajouter Isabeau, la mère d'Aloys.
— Mère !
— Nous pourrions faire coudre la robe que tu porteras à vos épousailles ma belle Mahaut ! Avec...
— Dame, tenta de l'interrompre Mahaut.
Malgré les protestations d'Aloys et Mahaut, Isabeau ne cessait plus que de débiter des paroles qui sonnaient fausses à l'oreille des jeunes adolescents.
— Je pense que nous aurons l'accord de ton père le Sage !
— Mère nous étions en train de parler d'une chose très sérieuse et...
— Autant s'agit-il d'un veuf qui sombre peu à peu dans la folie à cause de la perte de sa femme, ta mère, autant il sait tout même qu'il te faut une figure maternelle et puis, nous sommes la famille du Chef et...
— Isabeau ! s'exclama le Chef.
Isabeau sursauta et regarda Gontran. Aloys s'attarda un instant son père se rangeait-il de son côté ?
— Si réjouissante que cette nouvelle soit, pourrais-tu aller en discuter avec les jeunes promis en DEHORS de la salle de Conseil. Ce lieu n'est pas fait pour s'acagnarder**! Vous n'avez donc qu'à aller prendre des mesures et je ne sais quoi d'autre ! Vous êtes priés Dames, et vous Aloys, de ne plus interférer avec le Conseil.
Aloys allait exploser. De quel droit le traitait-on de la sorte ?
— Cessez ! hurla Aloys. Je parlais avec vous d'un sujet sérieux ! C'est de l'avenir de ce village que nous parlons Sieurs !
Pris par sa colère, il détacha son épée du mur. Il la passa à sa ceinture et sortit. On entendit résonner des sabots sur les pavés du village. Mahaut soupira, enfila un manteau de fourrure et s'élança à sa suite sous les protestations d'Isabeau. Elle monta une jument de l'écurie du Chef à la recherche du jeune homme.
*Ce mot signifie célébration de mariage à l'époque médiévale. Son équivalent actuel serait les noces.
**paresser
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Umbria, le Royaume de l'Ombre
AdventureManassé Willem était un roi des plus parfaits. Léto Duncan, la reine la plus courageuse. Jehane, la princesse la plus altruiste. Nikholas était l'Héritier, l'espoir. Umbria était le plus beau royaume. Il fallait pourtant ne pas oublier que c'était l...