Chapitre 7

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Quand Belle fut enfin repérée, les trois compères purent alors démarrer leur voyage. Aloys monta son cheval, Brave, avec aisance, Mahaut pourtant dans les bras. Jehane le regarda faire et tenta de l'imiter. Elle se serait sentie honteuse d'avouer n'être jamais montée à cheval. Il lui ne fallut heureusement qu'une tentative pour s'installer en amazone sur Belle. 

La suite du chemin fut pour le moins chaotique. Jehane était secouée en tous sens. La montée imposée aux filles était fort instable. Aloys semblait équilibré, une part de sa masse à droite, l'autre à gauche. Jehane pestait intérieurement de cette obligation stupide. Elle n'eut que peu de temps pour ruminer. Bien vite, ils furent de retour à Soledad. Il parut soudainement étrange à Jehane de l'avoir trouvé si facilement. Ce village se trouvait à quelques petits kilomètres seulement de chez elle. Comment se faisait-il qu'elle ne l'avait jamais remarqué ? 

Jehane observait le hameau qui s'offrait à elle. Les chaumières étaient de toutes parts. L'agitation était omniprésente. On s'interpellait aux paliers de demeures. Les enfants riaient et couraient. Deux garçons qui devaient avoir son âge traversaient le village à cheval. L'un avait sa petite sœur hissée sur les genoux. Le bourg grouillait de vie. Elle inspira ce bon air comme une bouffée réparatrice. Ce hameau était si différent de son palais vide et silencieux. Les gens vivaient serrés mais heureux. C'était un petit coin de paradis à ses yeux.

— Désolé, ce lieu est inconvenant pour une dame de votre envergure, s'excusa Aloys.

— Tutoyez-moi Sieur Aloys, je suis juste Jehane, une jeune fille plus jeune que vous qui plus est.

— Nous avons le même âge Princesse.

— Pas de Princesse ici. Jehane. Juste Jehane.

— Bien, mais cela me paraît hors de toute bienséance. Votre rang induit le respect et...

— Aloys ! s'écria une petite fille, l'interrompant et sauvant ainsi Jehane d'une discussion malaisante.

Elle se tenait près du groupe. Elle était haute comme la jambe de la bête sur laquelle ils étaient montés. Elle avait ses cheveux bruns relâchés, flottant au vent. Elle fixait Aloys de ses grands yeux noisettes, d'un air admiratif.

— Ah ! Ma petite Esther !

— J'suis pas petite ! J'ai onze ans !

Onze ans ?  s'étonna Jehane. Elle lui en aurait donné bien moins.

— C'est ça puceron ! Tu pourrais aller chercher Isabeau et le Sage s'il te plaît ?

— Le guérisseur, ta mère, le Sage, Edwin, Constance, Azenor, Lubin, Flavien et Baudoin seront à ta porte. Amène Mahaut dans la grande salle de chez Gontran le Sauvage ! s'exclama-t-elle.

Aloys acquiesça et s'exécuta. Esther s'écria.

— Arnaud, Isidore !

Les deux ados montés à cheval qui se poursuivaient quelques instants plutôt s'arrêtèrent.

— Allez me chercher le Sage ! Arnaud, laisse descendre Perrine. Qu'elle aille me trouver le guérisseur !

Arnaud semblait donc être celui qui tenait sa sœur, la dénommée Perrine, sur ses genoux. Il la fit descendre. Perrine, donc, s'élança à la recherche du guérisseur.

— Chez Aloys au plus vite ! s'exclama Esther dans sa direction.

Jehane suivit Aloys qui s'éloignait des directives d'Esther. Elle observait du coin de l'œil l'agitation dans le hameau.

— Où va-t-on ? questionna-t-elle.

— Chez moi, répondit Aloys.

— Pourquoi Esther a promis qu'autant de gens seraient à votre porte ? Vous n'avez demandé que le Sage et Isabeau.

— C'est ainsi ici, rit Aloys. Et "ta porte" pas de vouvoiement je t'en prie.

— Compris.

— J'ai demandé ma mère et le père de Mahaut. Esther a vu sa blessure, le guérisseur était donc logiquement à quérir. Flavien, Azenor, Constance et Lubin sont fournis avec. Quant à Edwin et Baudoin, elle sait qu'ils seront là. Ils sont toujours là. Quand il y a un rassemblement ces deux-là se sentent obligatoirement concernés.

Jehane rit devant l'air désespéré d'Aloys. Il avait un sourire en coin. Il aimait éperdument sa communauté, cela se voyait. Aloys descendit du cheval. Jehane l'aida à allonger Mahaut qui s'était endormie. Quelques secondes plus tard, on toqua à la porte. Jehane alla ouvrir. Elle ne s'attendait pas à ce qu'elle vit alors. 

Esther était accompagnée d'Arnaud, Isidore, Perrine, deux vieux hommes et une jeune femme. Ils étaient suivi d'un convoi exceptionnel. Quatre femmes, le même nombre d'adolescents, deux guerriers, une dizaine de jeunes enfants, trois cochons, cinq poulets et huit veaux se serraient les uns aux autres pour tenter d'apercevoir la blessée.

— Aloys, s'écria Jehane.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— La petite Esther est là...avec tout le village et le contenu d'une ferme.

— Pardon ?

Aloys accourut. Il s'activa. Devant la mimique qu'affichait la princesse, il fut plié de rire. Il fit entrer toute la joyeuse troupe.


Umbria, le Royaume de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant