Chapitre 8

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Esther fut la première à entrer. Isidore, Arnaud et Perrine la suivirent. Les vieux hommes aperçurent Mahaut au loin et accoururent. Une jeune femme entra. Elle avait l'air grave. Aloys lui ressemblait beaucoup. Elle la déduit être Isabeau, la mère d'Aloys. Elle avait de beaux cheveux blonds, semblables au sien. Elle était si belle qu'elle aurait pu être la reine de n'importe quel royaume. Jehane ne doutait pas que plus jeune, elle avait dû avoir tous les hommes de la contrée à ses pieds. Peut-être même que son propre Père, le Roi Manassé l'avait courtisée. Cela semblait difficilement croyable, auquel cas Isabeau serait sûrement sa mère. Être courtisée par un guerrier de cette envergure ça ne se refusait pas. Enfin, cela lui paraissait être une évidence.

Isabeau lui sourit, la sortant de sa rêverie et se dirigea vers son fils. Elle le pressa contre son épaule. Elle suivit ensuite ces deux compagnons vers Mahaut. Aloys entraîna Jehane à l'écart.

— Ma mère, le guérisseur et le Sage vont parfaitement s'occuper de Mahaut. Il serait peut-être temps que je t'escorte jusque chez toi. Je n'aimerais pas que notre village ait plus de conflits avec le Roi qu'il n'en a déjà.

Jehane tiqua.

— Quel genre de conflits ? demanda-t-elle d'un air innocent.

— À dire vrai...

Aloys sembla hésiter. Il gratta sa nuque du bout des doigts. Il hésitait.

— À dire vrai, se décida-t-il, le Roi, enfin ton père veut nous couper les vivres.

— Pourquoi ? s'étonna Jehane.

— Je n'en sais rien.  Je n'ai fait qu'épier cette conversation.

— Moi aussi, j'ai épié un dialogue entre mes parents.

— Qu'as-tu fait ? s'exclama-t-il.

— Moins fort ! ordonna-t-elle. Ne t'offusque pas ainsi ! J'ai fait la même chose que toi, si je peux me permettre de te le rappeler.

—  Mais tes parents sont les monarques dirigeants de ce royaume ! Ce que tu as fait pourrait être considéré comme de la haute trahison !

Jehane écarquilla les yeux. Elle n'avait jamais vu cela de la sorte. Elle pâlit.

— Je t'emmène, allons-y ! dit Aloys.

— Non, je vais rester. Au moins une nuit. 

— Pourquoi donc ?

— Ta communauté est parfaite. Elle grouille de vie. Je ne sais pas si je reviendrais de sitôt. J'aimerais au moins partager un repas et m'assurer que Mahaut va bien ! S'il te plaît, laisse-moi profiter un peu avant de devoir affronter le calme austère du palais.

Aloys soupira, mais avant qu'il eût pu protesté sa mère interrompit la conversation.

— Qui est cette jeune fille Aloys ? demanda-t-elle amicale.

Jehane décida de mentir.

— Je m'appelle Aglaé, je suis originaire d'un hameau lointain. Je suis en voyage vers le Palais d'Umbria, le Chef de mon village m'envoie.

— Enchantée Aglaé ! Puis-je vous demander, sans être indiscrète bien sûr la raison pour laquelle ton Chef a envoyé une si jeune femme en périple dans Umbria.

— Bien sûr, je vais transmettre des informations confidentielles au Prince Héritier Nikholas, je suis...

L'idée dégoûta Jehane mais elle n'avait pas le choix, il fallait qu'elle trouvât une justification.

— ...sa promise.

—  Votre père, Aglaé, négocie donc votre mariage ? s'étonna Isabeau qui adorait ce sujet, cherchant elle-même à marier Mahaut et Aloys.

— Exactement. Il a ouï dire que Nikholas voulait me rencontrer. Faute de pouvoir se déplacer, il m'a transmis les informations.

— Personne n'a été envoyé avec vous pour vous chaperonner ? s'étonna Isabeau.

— Eh bien, non, valait-il mieux cela à mon avis ! Imaginez qu'en route vers ma rencontre avec mon promis, le chevalier tombât sous mon charme ! Comme Tristan et Iseut. Cette union est bien trop importante pour notre hameau ! Mon père n'aurait pas pris le risque.

— Votre père ?

— Oui, mon père fait partie...

Jehane se risqua. Elle espérait qu'Isabeau ne connût pas l'intégralité des Conseils de chaque village.

— ...du Conseil du Chef.

— Vous aimez Béroul ? demanda Isabeau tout à coup.

— Oui ! J'adore Tristan et Iseut !

Soudain, Jehane s'en voulut pour sa spontanéité. Elle ne doutait pas que nombre des villageois ne sussent ni lire ni écrire. Apprécier à son point Béroul, cela relevait de l'inhabituel dans de telles circonstances de vie. Elle se mordit la lèvre inférieure. Isabeau finit par lancer.

— Eh bien ma chère Aglaé ! Si je ne devrais dire future Reine Aglaé. Vous me rappelez fort ma sœur au même âge.

Jehane sourit.

Umbria, le Royaume de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant