Chapitre deux

4 0 0
                                    


Nos pères s'entendent bien, même un peu trop à mon goût. La dernière fois que nous sommes venus dans le royaume du roi Théodore, nous étions enfants. Jadis, nous ne faisions que jouer. À des jeux complètement stupides, je me dois de le dire. Zayn restait toujours sur le côté pour admirer la nature, dans le plus grand des silences. Duncan pourchassait la princesse Yelena, et la petite dernière de notre famille était bien trop jeune pour participer à nos aventures. Et puis, il y avait Hana. Dieu, comment pouvait-on avoir une si grande beauté si jeune ? Je l'admirais, ne serait-ce que pour sa grande culture. Je passais mes après-midi à l'écouté parler de tout et de rien. Car oui, nous ne sommes pas venus qu'une seule fois. Mais ce fut la dernière fois, ce jour-là.

Hana et moi, avions dix ans peut-être, je ne m'en souviens pas bien. J'aime à dire que c'était durant notre enfance lorsque je raconte cette histoire, ce que je ne fais pas souvent d'ailleurs. Ce jour-là, on avait décidé d'aider un petit oiseau qui s'était blessé. Nous l'avions trouvé près d'un arbre. Le pauvre était tombé, sûrement encore trop jeune. Hana l'avait pris dans ses mains, et je me suis approché pour regarder l'oiseau aux couleurs plus que surprenantes. Il n'y avait que dans cette partie du royaume que l'on pouvait voir d'aussi belles créatures. L'oiseau avait des ailes colorées qui reflétaient la lumière du soleil. Il nous regardait paniquer, et Hana a réussi à l'apaiser. Je ne saurai l'expliquer, encore aujourd'hui. C'est comme si son regard avait transmis toute sa tendresse à l'oisillon. Rassuré qu'on ne lui veuille aucun mal, l'oiseau s'était calmé. Hana m'avait incité à le prendre, pour qu'elle regarde de plus près si la blessure était grave. Et je me souviens, de ce malheur qui a rempli mes mains, cette fois-là. Je ressentais de la tristesse, de la colère et l'envie d'abréger ses souffrances. Ce que jamais, je n'aurais osé ressentir. Je n'avais pas bougé un seul de mes doigts, que l'oiseau était en train de se tordre de douleur dans mes mains. Une partie de moi aimait cela, et ça m'horrifiait.

Hana m'avait crié d'arrêter, mais je ne pouvais pas, je n'y arrivais pas. Alors, elle s'est approchée rapidement de moi pour essayer de prendre mes mains. On dit que quand l'âme d'une personne la quitte, on le voit à travers son regard. Cette fois-là, j'ai vu toute forme de vie quitter le regard d'Hana. Lorsqu'elle a déposé ses mains sur les miennes, l'oiseau s'est empressé de partir comme il le pouvait, et elle est tombée. Hana était au sol, elle respirait, mais elle avait l'air d'avoir perdu son âme. Elle ne lâchait pas mes mains, et de mon côté, j'en étais incapable. Et, je jure avoir vu son âme, ce jour-là, quitter lentement son corps. Jusqu'à ce que Duncan arrive et nous sépare. Je ne pouvais m'empêcher de la fixer. Duncan m'avait dit, et je m'en souviens bien, de courir pour aller chercher notre père. Il allait me le dire une seconde fois, mais quelque chose nous a tous les deux surpris à ce moment-là. Les magnifiques cheveux d'Hana, d'un brun lumineux, avait maintenant de la compagnie. Une mèche blanche s'était installée. Et puis, je ne me souviens plus de rien, et elle, ne se souvient même pas de cette journée.

Depuis ce fameux jour, plus aucune des deux familles ne s'est réunie. Mais nous voilà, à peu près dix ans plus tard, en direction du royaume centrale de Temissiara. Pourquoi maintenant, aucun de nous ne le sait, mon père demeure silencieux. Je viens seulement d'apprendre à contrôler ce qui sommeil en moi, est-ce vraiment une bonne idée ? Mais durant ces dix années, je me suis fait une promesse, celle de ne jamais aimer, de ne plus jamais blesser, et surtout de ne plus jamais l'approcher.

Mais lorsqu'on arrive enfin à destination, et que mon regard se pose sur elle, sa beauté fait s'accélérer ma respiration. Il ne me reste qu'une seule solution, être froid, comme je l'ai été après qu'elle se soit réveillée ce jour-là, sans se souvenir des dernières heures. Tout simplement parce que c'est la seule solution, ou du moins la seule que j'aie trouvée, pour que le dragon ne fasse pas tomber la fleur. 

Falling flower for the dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant