FALLEN SWAN

1.

Nate

Je peux le faire.
Je vais rentrer dans son bureau et tout lui expliquer.
Il ne peut pas se passer de moi, je suis son meilleur joueur, merde ! Allez Nate Evans, entre dans ce foutu bureau. Je frappe à la porte et, entre la tête baissée, incapable de croiser son regard.

- Vous avez demandé à me voir coach ?
- Assieds-toi, aboie t-il.

Merde.
C'est pire que je le pensais. Juste en voyant l'expression lugubre sur son visage, je sais que je vais me faire botter le cul. Je m'installe en face de lui et remue sur ma chaise, incapable de tenir mes jambes en place. On étouffe ici, je ne me souvenais pas que cette pièce était si petite.

- Allons droit au but gamin, il recule de son siège et referme son ordinateur. Tu sais pourquoi je t'ai convoqué ?

Tous les muscles de mon corps se tendent.
Je me contente d'acquiescer en silence, sachant qu'à cet instant, il n'apprécierait certainement pas l'une de mes réponses insolentes.

- J'ai reçu les résultats de tes derniers examens de littérature. Deux F sérieusement ?

- Pour ma défense, coach je-
- La ferme.

Je me renfonce dans mon siège et me tais. Quand le coach Simmons vous dit de la fermer, croyez-moi, il vaut mieux obéir.

- Je suis désolé gamin, mais je n'ai pas le choix.
- Non, coach, s'il vous plaît, ne faites pas ça...

Il enlève sa casquette aux couleurs de Stanford, se passe la main dans les cheveux et soupire profondément. Ma gorge se serre et mon cœur s'emballe. Je reconnais ce regard plein de frustration et cette voix qui laisse entendre qu'il regrette mais qu'il n'a pas d'autre option.

- Tu connais les règles Evans. Tant que tu ne remonteras pas ta moyenne, tu es officiellement écarté des prochains matchs.

J'entre dans les vestiaires et m'effondre sur l'un des bancs. Exclu de tous les prochains matchs, jusqu'à nouvel ordre. Je savais qu'en intégrant Stanford, je ne pourrais pas faire l'impasse sur mes notes malgré mon statut d'athlète, mais j'étais loin d'imaginer que ça finirait par me desservir. Je connaissais les règles, je savais que lorsque le coach Simmons découvrirait que j'avais échoué à mes deux examens, il m'exclurait des prochains rencontres. Mais bon sang, entre le savoir et le voir, il y a un monde.

Foutue Margaret Clark et son cours de littérature appliquée ! Qui se serait douté que derrière cette bouche pulpeuse et ses énormes lunettes façon star du x, se cachait une névrosée avec une aversion pour les sportifs ? J'aurais dû me douter de quelque chose après son discours de début d'année, sur l'implication qu'elle attendait de ses élèves et sa volonté d'abolir les privilèges et le laxisme accordés à certains étudiants.

Je laisse retomber ma tête contre le dos d'un des casiers. Deux F dans la même matière en moins de deux mois, c'est presque humiliant, même pour moi.

Oui, j'ai obtenu une bourse pour Stanford uniquement grâce à mes performances au foot. Non, je n'excelle pas dans toutes les matières et n'enchaine pas que les A, mais je ne suis pas le sportif débile que tout le monde pense. C'est juste que pour moi, le foot a toujours été ma priorité. Tant que je maintiens la moyenne, on me laisse tranquille et je peux continuer de jouer. Cependant, il n'y aura bientôt plus de foot si cette garce de Margaret Clark continue de distribuer à ses élèves des F comme des petits pains.

Cette année devait être différente. C'est ma première année de capitanat, toute l'équipe compte sur moi et je suis en train de tout foutre en l'air. Quand Brady Miller, notre ancien capitaine, s'est blessé l'été dernier, ça a été un gros coup dur pour l'équipe. Miller était le meilleur receveur de toute la côte Ouest, quasiment inarrêtable. Il était censé passer pro l'an prochain, alors quand on a su que son état ne lui permettrait plus de jouer au foot, ça a été un véritable choc, j'ai bien cru qu'on ne s'en relèverait pas. Puis le coach m'a choisi pour le remplacer. Certains gars dans l'équipe ont bien plus d'ancienneté et d'expérience, mais c'est moi qu'il a choisi pour prendre la relève. Le coach et mes équipiers ont décidé de me faire confiance et de croire en moi. Je suis censé suivre les traces de Miller et nous mener jusqu'au championnat national, je ne peux pas me permettre de tout faire foirer.