1. Un jour ordinaire

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Le chant patriotique nous réveillait chaque matin aux premières lueurs du jour. Un chant vieux d'une centaine d'années qui avait toujours fait partie de  mon quotidien. Depuis le nouveau régime, chacune de nos actions était rythmée, millimétrée à la seconde près. Je pressentais alors naturellement les premières notes arriver et me redressais dans  mon lit pour le chanter machinalement. Je patientais en soufflant et expirant. 1,2,3, inspire. 1,2,3, expire. Toujours rien. Le silence. Le silence régnait dans l'atmosphère. M'étais-je trompé? Je jetais un coup d'oeil à mon alarme, troublé de m'être mépris . 15 ans que je l'entendais à 6:00 précise, je n'en revenais pas de m'être trompé. Non. Impossible, il était 6:02. Le chant avait deux minutes de retard. En 25 années d'existence, il n'avait jamais été en retard d'une seule seconde. J'accourais ouvrir la fenêtre de ma cellule  pour regarder ce qui se passait dehors. 6:03, la main sur le rebord toujours rien.

-Maman, t'es réveillée? murmurais-je a mon holotalk. C'est bizz...

**Holotalk: appareil permettant de discuter en 3d au travers d'hologramme(s), avancée technologique de la montre connectée)**

6:04

Une déflagration retentit brusquement. Le souffle de l'explosion qui en suivit me projeta au sol d'une violence extrême. Tétanisé, tremblant de la tête aux orteils, mon coeur battait à vive allure tandis que la douleur se répandait dans tout mes muscles. Un sifflement strident résonna dans ma boite crânienne, alors, allongé, incapable de me relever ou de faire taire la douleur, je me suis évanoui.

Ma dernière pensée fut pour ma mère. Elle habitait la cellule juste en face de la mienne. Je me souvins avoir vu son hologramme sur l'holotalk  sans avoir pu l'entendre pour autant. Je remarquais son visage consterné avant que tout s'arrête. J'espérais qu'elle se portait bien malgré tout...Bip , bip, bip.

Bip, bip, bip.

Bip, bip, bi...

J'ouvrais lentement les yeux, dans un état vaseux encore étourdi. Je remarquais que mon environnement avait changé. Où étais-je ? Et surtout comment étais-je arrivé là?

-Monsieur Right ? Je suis Anna votre infirmière. Comment vous sentez-vous?

- J'ai connu de meilleurs jours, plaisantais-je.

-Je vois que vous n'avez pas perdu votre sens de l'humour. En quelle année sommes nous ?

-En...2132? demandais-je ?

- Tout à fait. Vous avez été emmené d'urgence après l'attaque de place du Souverain Neutre. Je suis navrée, nous n'ayons pas pu sauver votre bras.

Le sifflement à l'oreille recommença. Mon expression faciale changea. Mon bras?

-Vous aurez-néanmoins une prothèse de dernière génération, cela ne devrait pas poser de problème pour les actions du quotidien.

Je contastais que le bras droit me manquait. Je ne ressentais pas de douleur sûrement du à la forte dose d'anesthésiant. Cela aurait pu être pire, j'aurai pu mourir.

-Et pour les sifflements ? Il y a t'il quelque chose que nous puissions faire ?

J'avais l'impression que mon crâne allait exploser à chaque fois qu'ils apparaissaient.

-Cela devrait se résorber d'ici deux à trois jours. Il vous faudra du repos.

-Et ma mère ? Me souvins-je . Où est-elle ? Puis-je la voir?

-Et bien... Votre mère a ... commençait-elle.

Un médecin arriva. Il était grand, brun et paraissait avoir un peu plus d'ancienneté que sa collègue. Il ne laissait rien transparaître, froid, aucune empathie.

-Votre mère est dans un état critique. Nous faisons notre possible pour lui sauver la vie. Nous vous demanderons pour des raisons évidentes de rester calme et de songer à votre propre guérison.

"Pour des raisons évidentes" " songer à ma propre guérison", j'oubliais souvent que le monde auquel j'aspirais n'existait que dans les livres interdits. Ceux où l'on pouvait lire des expressions telles que "pleurer de rire" "crier de douleur" "ta gueule ". Dans le monde du Grand Souverain tout devait être mesuré. Et il s'en assurait grâce à des capteurs situés dans l'hypothalamus des nouveaux nés.

Il avait tout une ordre d'hommes machines qui patrouillaient à travers le pays. Ils emmenaient les déviants dans la vallée du progrès. Le dernier homme a avoir été enlevé , l'avait été 13 ans auparavant pour "manifestation contre le régime". Il était "trop heureux "de fêter les dix ans de sa fille. Depuis, plus personne n'avait eu de nouvelle de lui ni même de ceux qui l'avaient été avant lui. Fêter les anniversaires était aussi devenu un sujet tabou...

L'hôpital était plein d'hommes machines. Les patients devaient endurer la souffrance en silence sans quoi ils auraient pu être déporté vers la vallée du progrès. Si il y avait bien un lieu où ils auraient du être, c'était bien ici.

-Je resterai calme. Dès que vous jugerez que mon état est stable, j'aimerai la voir s'il vous plaît , leur-dis-je.

-Très Monsieur Right. Nous coopérons, merci de faire de même, me dit-il avant de s'en aller.

L'infirmière sourit légèrement puis se ressaisit en voyant un homme machine l'observer.

-Je reviendrais vous voir d'ici 1h. N'hésitez pas à m'appeler grâce a ce bouton sur votre gauche, dit-t-elle avant de s'en aller.

Les choses prenaient une direction toute autre dans ma vie paisible et je sentais qu'elles allaient changer, pensais-je en regardant mon bras amputé.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 18, 2024 ⏰

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