À Dieu ma princesse

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À Dieu ma princesse

Fier de ma réalisation ici. Toutefois, je suis au bord de l'effondrement, je suis épuisé. Depuis maintenant trois jours je n'ai fait que travailler, sans me soucier d'autre chose si ce n'est en finir au plus vite et retrouver ma douce princesse, Hawa. Ma petite fille est née, il y a à peine cinq mois et pourtant aujourd'hui elle représente ma raison d'être. J'arrive aujourd'hui à travailler plus et à endurer plus facilement la fatigue car rien que le fait d'être l'artisan de sa vie me motive davantage. Cet être minuscule et fragile ne compte que sur moi. Maintenant je dois aller la retrouver, elle me manque même si la dernière fois que j'ai entendu son doux et innocent sourire ne fait même pas plus de six heures. J'avais appelé sa mère.
Je me dépêche de rejoindre ma voiture au sous-sol, je ne saurais pas conduire dans mon état actuel alors c'est mon demi-frère Aziz Kane qui se chargera du volant. Arrivé au sous-sol, je lui fais un grand sourire avant de lui balancer les clés de la voiture. Il les rattrape sans problème et c'est dangereux de lancer des clés comme ça, tu ne grandis pas mon vieux, me dit-il sèchement. Je lui dis d'arrêter, toujours avec le sourire, la vie ne serait pas si amusante si nous ne faisions que ce qui est sans danger et n'oublie pas le véritable défi de cette vie, c'est de vieillir avec une âme d'enfant. A ce moment j'ouvre la portière passagère et prends place alors qu'Aziz démarre prudemment.

J'aime bien Aziz sur bien des domaines c'est pourquoi je le garde toujours près de moi. Aziz est l'homme le plus prudent que je connaisse, il garde toujours son calme et évalue les moindres détails avant d'entreprendre quelque chose. Tout le monde pense que c'est un lâche mais heureusement c'est mal le connaître, il n'hésiterait pas à s'amputer une jambe si c'était la meilleure décision face à une situation donnée. Et pour ce sang froid je l'admire, lui qui est prudent et calme. Et moi à ses antipodes je suis plutôt désinvolte et relaxe. Je suis de ceux qui aiment s'amuser et en rire plus tard, cela même au travail. Ce caractère me vaut la sympathie de tous, jusqu'à mes employés. Ce caractère me pousse souvent à prendre les projets que tout monde qualifie d'impossible, surtout par Aziz. Pour moi le défi ne réside qu'en ce qui ne peut être fait par personne, l'impossible n'est qu'un état d'esprit. J'ai non seulement foi en moi mais surtout au dévouement de toutes ces personnes qui travaillent avec moi et pour cause, ils ne m'ont jamais laissé tomber. Ils font des heures supplémentaires avec le sourire aux lèvres, puisent dans leurs heures de pause pour avancer dans les projets, et même les week-ends ils sont là si c'est nécessaire. J'avoue que j'ai la meilleure équipe au monde et cela rends facile la réalisation des projets les plus utopiques et le meilleur est que nous le faisons dans des délais toujours inhumaines. Aujourd'hui, nous avons fini les derniers ajustements d'un projet qui devrait être livré dans six mois. Il s'agissait de l'électrification d'une zone rurale à Matam.

Je me mets à regarder à travers le vitre de la voiture et me rends compte que nous sommes presque arrivé, néanmoins, il nous a fallu deux heures de route pour quitter Dakar et joindre Tivaouane où se trouve la maison familiale de ma femme. Une fois devant la porte, je descends et laisse Aziz garer la voiture avant de me rejoindre sur le pas de la porte. Nous attendons que l'on nous ouvre puisque j'avais déjà toqué. Quelques instants plus tard, une femme vient nous ouvrir pas sans avoir laissé la phrase habituelle: qui est à la porte ? Je répondis instinctivement c'est moi, Samba.

Elle nous ouvrit presque sans attendre ma réponse. Je souris jusqu'aux oreilles à la vue de cette merveille de la nature. Elle était d'une beauté sans pareille, le teint couleur d'ébène, les formes majestueuses, une sculpture divine. Son sourire si doux et pur délimité par ses lèvres pulpeuses et d'une couleur qui ferait pâlir n'importe lequel des rouge-à-lèvre. Mais le plus impressionnant était ses yeux dont la courbe était magnifique, la couleur était atypique pour sa peau, ses yeux étaient marron avec un blanc porcelet couvrant le reste de l'orbe. Nous aurions dit que le créateur a fait son plus beau chef-d'œuvre. Et d'un coup, elle me sort de ma rêverie en venant se blottir contre moi et me serre aussi fort qu'elle m'a ôté toute ma fatigue. Elle nous intime l'ordre d'entrer en me tirant par la main. Elle me tient la main jusqu'à l'endroit où dormait notre princesse, sans me laisser la possibilité de saluer correctement les autres. Nous nous plantâmes juste devant elle, me tenant la main et presque tout son poids reposant sur moi, elle me fit signe de ne faire aucun bruit. Nous restâmes là, à contempler la pureté de cet être fruit de nos entrailles. Quand on y pense, il n'y a rien de plus romantique que de mettre au monde un enfant, symbole d'une parfaite symbiose et de notre union aussi bien charnelle que spirituelle pour donner forme à une partie de nous-mêmes. A travers ce bébé nous ne faisons plus qu'un. Nous restâmes là, à la regarder sucer ses doigts, essayer de se retourner et balancer les jambes dans toutes les directions, presque une tour d'horloge et nous sommes toujours là murer dans le silence le plus absolu et certainement à songer de notre vie ensemble, depuis notre rencontre à la ville des lumières, loin de notre pays et où par la force du destin un amour pur et sincère s'était peu à peu établi entre moi, Samba Kane toucouleur, torodo et musulman et elle, Elisabeth Badey, Sénégalo-togolaise, chrétienne pratiquante de surcroît. A l'évidence, il s'agit d'un amour impossible, je le savais et elle aussi. Néanmoins, notre amour était irrésistible, il me fallait aimer cette fille. Elle était non seulement magnifique mais un cœur aussi bienveillant et doux que le tien, je pense qu'il n'en existe pas dans cette grande métropole.

La toile du destin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant