Sécher les cours ne la dérangeait plus, ne plus s'investir dans ses études ne l'inquiétait plus. La vie quotidienne n'attendait plus rien d'elle, elle ne se sentait plus obligée de manger, dormir, travailler, mais ressentait l'unique besoin, l'unique désir de vengeance. Peu importait qu'elle n'aille pas à ses cours la matinée, si elle le faisait pour son bien : entraîner sa magie, pour devenir suffisamment puissante pour rendre justice à Pandore.
Elle avait prévenu ses enseignants qui se montraient compréhensifs, et ils pensaient qu'elle avait besoin de se reposer, de dormir longtemps, de prendre soin d'elle. Tout le monde la croyait, ou peut-être que personne ne s'y intéressait vraiment... Alors quand Mélodie quittait sa chambre pour rejoindre ses cours, la laissant pour une journée de « repos », Hëna s'échappait discrètement jusque la forêt, où elle pourrait être seule et libre.
Le froid la piquait même à travers ses vêtements épais, son souffle formait une fumée blanche qui s'éparpillait dans les airs, et ses mains étaient brûlées par le froid mordant. Mais rien ne l'arrêtait, elle était déterminée. Hëna s'enfonça alors pas à pas parmi les arbres frissonnants, le regard fuyant, et tout sourire complétement éteint. Sa magie la réchauffera, pensa-t-elle.
Elle s'installa alors à un endroit, et essaya de tester ses réflexes, se retournant et enflammant des buches, branches, et brindilles au sol, le plus rapidement possible. Après avoir fait cela, elle les éteignait en une demi-seconde, et continuait de l'autre côté. Elle réussissait mais n'arrivait même pas à être satisfaite. Alors elle brûlait de plus en plus de choses, brisant la fraicheur hivernale, elle brûlait des arbres entiers avant d'éteindre les flammes comme si rien ne s'était jamais passé, laissant des cendres s'envoler dans les airs et l'arbre noirci. Les flammes mordant la nature se reflétaient dans ses yeux pleins de détermination, faisant battre son cœur un peu plus fort à chaque fois. Elle marchait alors à travers les allées, brûlant au passage quelques buissons dénudés, et remarquait l'évolution de son pouvoir. Elle n'avait plus autant besoin de se concentrer, plus besoin de fixer l'objet pendant plusieurs secondes. Après des mois, elle y arrivait enfin.
Elle avait tellement travaillé, elle y avait pensé sans cesse ces derniers temps et profitait de chaque instant libre pour s'entraîner. Jamais de sa vie elle n'avait autant travaillé, jamais elle ne s'était fixée sur une unique chose, comme une obsession. Mais c'en était devenu obsessionnel, ce besoin de s'améliorer pour être certaine de réussir. Il avait fallu attendre plusieurs années et la mort de Pandore pour se décider qu'elle pouvait faire quelque chose dans ce monde. C'était soit le brûler et garder le contrôle, soit se faire brûler et être écrasé. Il n'y avait plus aucune hésitation.
Après sa promenade, elle arriva au lac Tinnez, recouvert par une couche de glace. La vue était resplendissante, avec les sapins au fond et le soleil qui prenait son temps à se lever complètement. Hëna se sentit reconnaissante malgré tout, elle avait la chance de pouvoir apercevoir ce genre de paysage. Il fallait dire que l'université, bien qu'isolée, était bien placée, environnée par une nature à couper le souffle.
En une seconde, Hëna brisa ce merveilleux tableau en enflammant le lac, faisant fondre hâtivement toute la glace. Quelques flammes se reflétaient dans les yeux noirs d'Hëna, et elle sourit. Dans sa violente destruction, le monde était si beau. Et elle l'admirait. Le magnifique bûcher qui accueillait tous ses péchés. Elle aurait aimé s'y jeter. S'y perdre. Brûlant dans les flammes, comme si elle était vouée à l'enfer.
Pulvis et umbra sumus.
Nous sommes l'ombre et la poussière, pensa Hëna. Qu'étaient-ils de plus ? Quelques pensées ? Quelques désirs ? Jamais accomplis. Jamais satisfaits. L'ombre pour la part énorme d'obscurité en eux. La poussière pour les cendres, pour ce qu'il reste d'eux après avoir été consumés par la folie.
Lorsque les flammes s'éteignirent dans l'eau du lac, Hëna songea à Pandore. Elle pensa « Peu importe que je devienne la méchante de l'histoire, si je dois arriver jusque là, je ne reculerais pas faiblement. Je fais tout ça pour toi, Pandore. ». Elle songea à son regard si poignant, son sourire qui lui donnait des vertiges, et... Hëna se rendit compte petit à petit qu'elle commençait à oublier le son de sa voix, le doux bruit de son rire résonnant dans les airs. Non, ce n'était pas possible...
— Non, non, ça ne peut pas arriver, se murmurait Hëna.
Elle tenta de se remémorer son rire, ses expressions, le timbre de sa voix et ses intonations. En vain. Elle n'avait qu'un vague souvenir de la manière si spéciale qu'elle avait de lui parler. Mais c'était tout. Aucun détail, aucune voix ne venait imiter la sienne dans l'esprit d'Hëna.
— C'est impossible ! s'écria-t-elle en lançant une pierre dans le lac avec son pied. Non, je ne peux pas...
L'oublier. L'oubli, la pire torture que l'on pouvait faire à Hëna. Elle qui connaissait tout sur le bout des doigts, et haïssait perdre l'information. Mais là, c'était bien plus que des dates vues en cours ou des noms de personnes connues. C'était Pandore. Pandore toute entière. Pandore, qu'il était impossible d'oublier, tant elle marquait les esprits de toute personne croisant son chemin.
Et pourtant, Hëna se rendit compte que le souvenir de sa voix, de son rire, de son parfum, lui échappait. Et qu'il suffisait de peu pour oublier encore. Encore, jusqu'à ne plus rien savoir. Jusqu'à ce qu'elle n'ait plus jamais existé.
D'abord le temps, et maintenant l'oubli. Le monde entier voulait lui ravir Pandore.
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Sous le murmure des ombres (Dark Academia FF)
FantasyPandore, Hëna, Xan et Orion sont étudiants dans la prestigieuse université Villarian, qui intègre et forme les meilleurs magiciens du pays. La vie y est calme et studieuse, jusqu'à ce qu'une des élèves meurt soudainement. Pandore, pouvoir de la télé...