Elles sautent de branche en branche, dansant dans un ballet pour attirer le regard des mâles. Ces derniers, les oreilles dressées, observent de leurs yeux vifs les corps longilignes à chaque bond. Leurs sécrétions, déposées sur le bois, annoncent leurs fécondations imminentes. Elles couinent joyeusement dans la course lancée, espérant être attrapées par les nombreux écureuils, jeunes ou vieux, qui tenteront leur chance.
C'est ce magnifique spectacle de reproduction que Chépô observe en escaladant le tronc d'un bouleau. Les mâles dominants sont peu nombreux en cette saison. Pourtant, ils sont plus âgés, plus expérimentés et ne perdent pas de temps avant de se lancer.
Chépô, le cœur battant à tout rompre, se décide finalement à tenter sa chance. Il bondit avec agilité d'une branche à l'autre, s'approchant de l'une des femelles qui continue son ballet aérien. Ses yeux scintillent de détermination alors qu'il s'approche, ses pattes griffues trouvant leur chemin sur l'écorce rugueuse du bouleau.
Mais, la femelle, occupée à sa danse, l'aperçoit et pousse un cri d'avertissement. D'un coup rapide, elle se détourne et s'élance plus haut dans les branches, se dérobant à Chépô avec une vivacité étonnante. Frustré, mais non découragé, il tente de la suivre, ses bonds devenant plus audacieux.
Cependant, la compétition est rude. D'autres mâles, plus âgés et plus expérimentés, ne tardent pas à remarquer ses tentatives maladroites. L'un d'eux, un mâle dominant avec une fourrure grisonnante, s'approche de Chépô en émettant des grognements menaçants. Chépô tente de tenir sa position, mais le vieux mâle est implacable. En un éclair, il se jette sur lui, le griffant et le mordant pour l'éloigner de la femelle convoitée.
L'écureuil, désorienté par l'attaque, perd son équilibre et glisse le long de l'écorce avant de réussir à se rattraper in extremis. Les autres écureuils mâles, alertés par la confrontation, se rassemblent et Chépô comprend qu'il doit battre en retraite. Il s'élance alors vers une branche plus éloignée, cherchant à échapper à l'attention des mâles dominants.
Les femelles, quant à elles, continuent leur danse, semblant à peine perturbées par l'agitation autour d'elles. Elles savent que ce sont les mâles les plus forts et les plus agiles qui finiront par les rejoindre. Chépô, désormais à l'écart, observe de nouveau la scène. Il sait que, malgré sa défaite d'aujourd'hui, il devra gagner en force et en expérience pour avoir une chance dans cette compétition impitoyable.
Déterminé, il se promet de revenir plus fort la prochaine fois. Pour l'instant, il se contente de trouver un endroit sûr où se reposer et soigner ses blessures. L'écureuil se sent tout de même blessé, car il sait au fond de lui que la raison de la fuite des femelles et l'agressivité des autres mâles. Son emplacement qu'il chérit tant le désavantage. Bien qu'il prenne soin de lui, qu'il trompe régulièrement les prédateurs en creusant des trous factices indiquant une potentielle cache de nourriture, qu'il s'entraîne pour augmenter son agilité et son endurance. Il n'en est pas moins que la réputation de son chez-soi, a fait le tour de la forêt.
Chépô se demande encore comment ses parents se sont rencontrés. Son père était, lui aussi, désavantagé par l'environnement, mais il a pu combler sa mère en lui offrant confort et une portée de deux petits. Malheureusement pour le couple et l'écureuil, un prédateur s'était emparé du frère de Chépô ce qui anéantit sa mère.
Boitant en laissant le spectacle de reproduction derrière lui, l'écureuil descend avec précaution de son arbre et longe la rivière. Il se pose sur un rocher, observant l'eau serpentants. Ses eaux cristallines scintillant sous les rayons du soleil. Le courant est paisible, mais constant, entraînant doucement des feuilles mortes et des brindilles le long de son parcours sinueux. De chaque côté, les berges sont tapissées de végétation luxuriante, des fougères aux longues frondes verdoyantes, des saules pleureurs dont les branches effleurent la surface de l'eau, et des buissons touffus où se cachent des oiseaux chanteurs.
Les galets polis par le courant forment un lit de rivière multicolore, visible à travers l'eau claire. De petits poissons argentés nagent en bancs serrés, se faufilant entre les pierres et les algues ondoyantes.
Le murmure de l'eau, douce mélodie naturelle, est ponctué par le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles dans la brise légère. Parfois, le courant accélère légèrement en passant sur des rochers ou des troncs d'arbres tombés, créant des tourbillons et des minicascades qui ajoutent des éclats d'écume blanche à la surface.
Sur les rives, des libellules aux ailes iridescentes survolent la surface, se posant délicatement sur les roseaux. Des papillons colorés dansent d'une fleur à l'autre, ajoutant des touches de couleur vive au tableau déjà pittoresque.
L'air est frais et pur, imprégné des senteurs terreuses et humides de la rivière et de la végétation environnante. Parfois, un éclat argenté surgit lorsque les poissons sautent hors de l'eau, poursuivant des insectes ou évitant un prédateur. La lumière du soleil joue à travers les feuilles des arbres, créant des motifs de lumière et d'ombre sur la surface miroitante de la rivière.
C'est un endroit de tranquillité et de beauté naturelle, où chaque élément – l'eau, les plantes, les animaux – contribue à une harmonie sereine.
« Grmlelgmermremmlre »
Chépô redresse sa tête en entendant un grognement intelligible.
« Gremlfefruhcjshdhgrfze »
Ses oreilles s'agitent, attentives à ce son plus qu'improbable.
« Flubidu chtouille graboudin »
Il s'approche lentement, longeant la rivière, quittant ce lieu paisible pour attiser sa curiosité.
« Grabouilli, non di diou »
Il reconnaît le grommellement d'Ignace.
Sous une fougère, il l'observe. Le petit homme trapu a mal lancé sa canne et a coincé l'hameçon à l'arrière de sa combinaison de pêche. Ignace tourne sur lui-même en rechignant ses paroles incompréhensibles. Un combat acharné entre lui et le fil de pêche qui s'entortille autour de ses jambes. Un pari que Chépô se lance dans sa tête. Lequel des deux va gagner ?
Le bruit d'une chute suivi d'éclaboussures résonne la fin du combat. Le grommellement d'Ignace s'intensifie, tandis que l'écureuil rit de lui.
Le fil de pêche 1, Ignace 0.
L'homme est trempé de la tête aux pieds, empêtré dans le fil. Le couinement de l'écureuil attire son regard, fixant l'animal qui se moque de lui. Il le reconnaît et tente de se dépêtrer pour le rattraper. Mais, sentant le danger approcher, Chépô déguerpit de sa position et escalade dans un arbre, laissant une traînée de sang derrière lui, ce qui n'échappe pas à Ignace.
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Chépô et Sketuveut, La dur vie d'un écureuil
Short StoryIl est parfois intéressant de découvrir d'un point de vue d'un écureuil, le quotidien d'un couple franchouillard. * * * * * Ceci est une petite nouvelle avec un spécial dédicace. Elle ne comportera pas beaucoup de chapitre et seront généralement tr...