Chapitre 1

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Emma Williams avait toujours éprouvé une aversion pour l'ignorance.

Elle avait érigé la clarté en principal fil conducteur, un engagement fidèle qui l'a accompagnée tout au long de son existence. Dès son plus jeune âge, ses enseignants la décrivaient comme une élève dévouée, souvent présente bien après les heures de cours pour résoudre des problèmes que d'autres abandonnaient à la fin de la journée scolaire.

Cette quête insatiable de compréhension a naturellement orienté sa carrière vers le journalisme d'investigation, un domaine lui offrant l'opportunité d'examiner et d'éclaircir divers sujets complexes. Emma le confessait, elle avait parfois rencontré des obstacles frustrants durant sa carrière, bien qu'encore courte. Elle se remémore encore amèrement l'affaire "Flyers". Cette enquête portant sur une usine pharmaceutique renommée impliquée dans un scandale de corruption, qui lui avait exigé plusieurs mois de travail intensif avant qu'elle ne puisse publier ses articles retentissants, consolidant ainsi sa réputation incontestée.

Un métier exigeant et rigoureux certes, mais profondément gratifiant et épanouissant pour elle.

Rien, en cette journée du 4 novembre 2010, à l'aube de ses trente-trois ans, n'aurait pu laisser penser que sa quête de compréhension allait bientôt être compromise.

Il était 7h15 lorsqu'Emma prit place dans son bureau. Une tasse de café fumant à la main, elle s'affala sur son fauteuil et alluma son ordinateur d'un geste fatigué. Monsieur Thompson, son rédacteur en chef quinquagénaire mêlant charme et antipathie, lui avait confié une semaine auparavant un rapport dont elle percevait toute l'ennui : une enquête sur les statistiques de croissance démographique dans les zones rurales.

Chester n'avait-il donc rien de plus captivant à offrir ?

Elle se consola avec l'idée que c'était la dernière journée avant ses congés bien mérités. Elle avait décidé de prendre tout ce temps pour enfin se reposer. Dans un soupir résigné, Emma ajusta ses lunettes et commença à rédiger ce rapport monotone qu'il fallait absolument terminer avant son départ. Cela ne faisait que quelques minutes qu'elle était plongée dans sa tâche quand son téléphone fit retentir une sonnerie stridente.

Elle jeta un œil morne à l'écran et décrocha dans un soupir agacé. Cela faisait des jours qu'elle retardait cet appel.

— Emma Williams, j'écoute.

— Mademoiselle Williams, ici Maître Harrison, votre notaire. J'ai des nouvelles concernant l'héritage de votre grand-mère.

Emma fronça les sourcils, agacée. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi cette vieille bâtisse à Bibury lui avait été léguée par une grand-mère qu'elle n'avait jamais connu.

— Je vous ai déjà dit, je ne suis pas intéressée. Je veux vendre cette maison au plus vite.

— Je comprends, répondit le notaire d'un ton calme. Cependant, je vous conseille vivement d'y faire au moins un tour avant de la mettre en vente. Il y a peut-être des choses que vous voudrez récupérer. Des objets qui ont une valeur sentimentale, des souvenirs...

Emma laissa échapper un soupir de frustration. La situation était tellement absurde ! Sa mère Margaret avait coupé tout lien avec sa propre mère bien avant la naissance d'Emma. Chaque fois qu'Emma tentait d'en apprendre davantage sur leurs différends, sa mère se fermait comme une huître, marmonnant que sa mère n'était "qu'une incapable, une lâche.". Les informations sur sa grand-mère étaient rares et anecdotiques. Marta, originaire de France, avait déménagé en Angleterre alors qu'elle était enceinte de Margaret, juste avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais au-delà de cela, sa mère gardait obstinément le silence, ne mentionnant jamais son enfance à Bilbury.

Quels souvenirs précieux pourrait-elle bien espérer retrouver auprès de cette inconnue ?

— Très bien, dit-elle finalement, résignée. Je prends la route dès demain.

— Je vous ai fourni par mail l'adresse de l'agence qui a la garde des clés.

Après avoir raccroché, Emma demeura un instant plongée dans ses pensées. Elle se remémora cette conversation qu'elle avait eue avec ses parents quelques semaines auparavant, lorsqu'elle avait été contactée par le notaire. À l'annonce de l'héritage et du décès de Marta, sa mère avait poussé un soupir d'agacement. Sans dire un mot de plus, elle était restée tout de même renfrognée une bonne partie du reste de la journée.

Emma, de retour dans son appartement en fin d'après-midi, laissa échapper un soupir en contemplant le tas de vêtements éparpillés négligemment sur son lit.

Quelle température faisait-il, dans ce coin paumé ? Devrait-elle prendre des pulls ? Combien ? Est-ce que sa grand-mère avait eu la prévoyance d'installer un chauffage électrique dans sa maison ?

Elle secoua la tête, mimant un rire. Elle se remémora les photos qu'elle avait pu trouver du village et de ses grandes bâtisses anciennes en pierre, qui ne suggérait guère la présence d'un tel confort moderne.

D'une main vive, elle jeta deux pulls en laine - au cas ou- dans la valise jaune ouverte à ses pieds. Elle empaqueta aussi un livre ainsi que son ordinateur pour s'occuper durant son court séjour, et boucla définitivement sa valise.

« Je ne reste qu'une nuit, juste assez pour faire l'état des lieux avant de rentrer », songea-t-elle en se faufilant dans ses draps.

C'était ça, le plan initial : évaluer les travaux, nécessaires pour une éventuelle rénovation, puis mettre la propriété en vente afin de tourner cette page définitivement.

Le renard et le hibouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant