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Je l’aime. Je l'aime plus que lui ne m'aime. Je pense que dans un couple, il y en a toujours un qui aime plus que l’autre. Dans mon couple, c’est moi. J’aime Cédric depuis le lycée. 

Je me souviens de l'avoir aperçu alors qu’il sortait du cours d’anglais de Madame Baye dans lequel je me rendais. Il était en terminale et moi en seconde. C’était un “grand”. Il avait une mèche noire qui lui tombait sur les yeux, un sweatshirt beaucoup trop grand, un jeans très moulant et une paire de ConverseTM. C’était le prince charmant des années 2000 et dès que je l'ai aperçu, j'ai su que c'était avec lui que je voulais passer ma vie.

J'avais transformé mon bureau en un terrain d'expression clandestine, griffonnant le nom de Cédric accompagné d'un cœur à chaque fin de cours. Un rituel discret, nourri par une timidité paralysante qui m'empêchait de lui adresser la parole. Je rêvais de Cédric, imaginant un avenir idyllique ponctué du rire de nos enfants.

Un jour, le destin s'est immiscé dans mes rêveries. Cédric, accompagné d'un surveillant, franchit le seuil de ma classe d'anglais, venu rattraper une évaluation de mathématiques manquée. Madame Baye, notre professeure, l'installa à ma droite, déclenchant un torrent d'émotions contradictoires dans mon cœur.

"Tu as un copain ?" sa voix grave résonna à mon oreille, suivie d'une question qui me plongea dans une confusion abyssale : "Il ne s'appellerait pas Cédric par hasard ?" Mon esprit s'embrouilla, mes mots se bousculant dans une tentative désespérée de formuler une réponse cohérente. "Je m'appelle aussi Cédric," ajouta-t-il avec un sourire malicieux en regardant mes nombreux tags, "c'est pour ça que je te pose la question." 

Je me sentis soudainement exposée. Cédric, imperturbable, baissa la tête et se plongea dans son travail. Observant sa concentration, je ne pus résister à l'envie de l'aider. Un geste discret, une calculatrice glissée sur la table, un frôlement furtif de nos mains. Un contact électrique qui me fit rougir jusqu'aux oreilles.

Mais Cédric avait une petite amie, Lisa. Cette conne. Une fille que je ne connaissais pas, mais dont la simple existence me torturait. "Lisa," je répétais son nom en silence, le goût amer de la jalousie tapissant ma gorge. Je ne souhaitais rien savoir d'elle, si ce n'est la raison pour laquelle elle avait la chance de partager son quotidien. Dans les couloirs du lycée, ils se promenaient main dans la main. Le “couple goal”, disaient les autres. Cédric me lançait parfois un sourire complice, un clin d'œil furtif, mais il ne venait jamais me parler. Ces gestes alimentaient mon espoir fragile, nourrissant l'illusion d'un sentiment réciproque.

J'étais prisonnière d'un amour secret, tiraillée entre l'admiration et la frustration. Cédric, l'objet de mes désirs, restait inaccessible, protégé par sa relation avec Lisa. Un triangle amoureux silencieux, rythmé par des regards furtifs et des échanges muets, qui définissait mon quotidien d'adolescente amoureuse.

L'année suivante, le destin se joua cruellement. Lisa, la petite amie de Cédric, quitta la ville pour poursuivre ses études, laissant un vide immense dans mon cœur. Cédric, quant à lui, échoua au bac et préféra s'orienter vers un travail dans une grande surface plutôt que de redoubler.

Chaque samedi, je me rendais au magasin, nourrissant l'espoir de l'apercevoir. Un jour, alors que je m'apprêtais à repartir déçue, sa voix familière résonna dans mes oreilles : "Tu ne me dis pas bonjour ?" Cédric, vêtu de l'uniforme du magasin, était resplendissant. Il me proposa un verre pendant sa pause.

Je l'écoutai raconter ses anecdotes de travail avec avidité. Nos verres se vidèrent, et, après m’avoir remercié, Cédric retourna à son poste. Je le regardai s'éloigner, le cœur battant la chamade, me demandant si ce moment idyllique n'était pas un rêve. Je réglai la note et de retour chez moi, je décidai de lui écrire sur Facebook, lui proposant un autre verre afin qu’il puisse m’inviter à son tour.

L'écho du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant