la banalité du mal

Hannah Arendt

Hannah Arendt est une philosophe qui a vécu et analysé le totalitarisme. Cette intellectuelle incorruptible a défendu ses convictions avec véhémence, même face à la résistance. Son œuvre majeure, un volume de mille pages, lui a valu une notoriété dans les années 50, d'abord aux États-Unis, puis en Allemagne, et finalement à l'échelle mondiale. Ce travail, intitulé "Les Origines du totalitarisme", est étroitement lié à sa biographie. 

Née à Hanovre en tant que citoyenne prussienne et ayant vécu à Königsberg, elle était la fille de parents juifs. La religion n'a pas eu d'influence dans son éducation. À l'âge de 14 ans, elle fréquentait le Gymnasium et s'adonnait déjà à la lecture d'Immanuel Kant. À 18 ans, elle réalise son ambition d'étudier la philosophie à Marburg, sous la tutelle de Martin Heidegger dont elle tombe amoureuse et avec qui elle entretient une relation.
Par la suite, elle devient journaliste pour la Frankfurter Zeitung et assiste à la chute de son pays dans la dictature. Elle observe la montée des nazis qui, accaparent toujours plus de voix, installe leur chancelier en 1933. Cependant, elle relève que la tragédie ne se situe pas uniquement l'évolution politique, mais surtout l'évolution dans son cercle d'amis: 

"Le problème, le problème personnel, n'était pas ce que nos ennemis faisaient, mais ce que faisaient nos amis."
("Das Problem, das persönliche Problem war doch nicht etwa, was unsere Feinde taten, sondern was unsere Freunde taten.")

Il est important de se rappeler ici que Martin Heidegger, qu'elle admirait et aimait, a rejoint le NSDAP en 1933. À Königsberg s'observe également une évolution troublante: de plus en plus de gens évitent progressivement tout contact avec les personnes juives. 

"C'était comme si un vide se formait autour de soi."
("[...] das war, als ob ein leerer Raum sich um einen bildete.")

Elle fut par la suite arrêtée et interrogée par la Gestapo, avant d'être libérée. Elle s'enfuit alors pour la France, mais lorsque la guerre éclate et qu'Hitler envahit le pays, elle est de nouveau internée dans un camp. Elle parvient cependant à s'échapper une fois de plus pour le Portugal, et de Lisbonne, elle embarque pour les États-Unis. Là-bas, en exil, elle suit le déroulement du conflit. 

Enthousiaste de l'idéalisme allemand, fan de Kant, amoureuse de Martin Heidegger, journaliste allemande, ... et voilà que son pays, celui des des "penseurs et poètes", devient le lieu d'un des plus grands massacres de l'histoire.
Cependant, elle ne sombre pas dans la résignation et au contraire, affirme qu'il est impératif de comprendre cette réalité. Seule une compréhension approfondie de cette situation nous permettra d'en tirer des leçons. Il est donc crucial de porter un regard attentif et intransigeant sur ces événements. C'est dans ce contexte qu'elle prononce sa phrase désormais célèbre: 

"Je veux comprendre."
("Ich will verstehen.")

C'est là l'objet de ce livre: Comment les dictatures ont émergé en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Russie? Comment les régimes fascistes et le stalinisme (qui ont conduit à l'instauration des goulags et des camps de concentrations) ont été instaurés? Dans ses écrits, Hannah Arendt apporte des éclaircissements sur ces phénomènes. D'une part, dans son livre traitant du totalitarisme et d'autre part, dans l'ouvrage intitulé "Eichmann à Jérusalem - un rapport sur la banalité du mal".