𝐍𝐞 𝐂𝐡𝐚𝐧𝐠𝐞 𝐉𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 (𝐑𝐚𝐧 𝐱 𝐄𝐥𝐥𝐲)

𝟏. 𝐒𝐢𝐫𝐢𝐮𝐬

1. SIRIUS

Le froid de novembre me mord les joues, si seulement j'avais gardé cette vieille moto au lieu de la vendre... Et si seulement ces gens avaient attendu mars pour me convoquer à leur réunion se passant à l'autre bout de la ville.

J'aurai pu y aller en métro. En fait, j'aurai dû y aller en métro. Mais encore hier, j'ai failli finir en garde à vue parce que j'ai fraudé, j'ai encore de la chance de courir bien plus vite que les flics parce que si je finissais à nouveau derrière les barreaux, c'est reparti pour deux ans de maison de redressement. Et j'en ai eu ma claque de cet endroit.

Alors je marche, malheureusement. Et je prend plus de temps que je ne le devrait puisque je prend bien soin d'éviter Roppongi, le quartier où j'habitais avant. Depuis ma libération, je n'y suis jamais retourné, pas une fois. Mais je n'ai pas besoin d'y retourner pour savoir que, là-bas, je ne suis pas du tout la bienvenue.

Mettre un pied sur le territoire des deux frères signerait mon arrêt de mort, et je n'ai beau pas avoir beaucoup d'attrait pour la vie, j'en ai encore moins pour la mort.

Comme je ne regarde pas vraiment où je marche, je trébuche sur un sac poubelle balancé au milieu du trottoir.

Putain, fais chier ! De tous les endroits sur Terre, il a fallu qu'ils choisissent l'endroit le plus paumé de tout Tokyo. Ils ont encore de la chance que je sois vraiment motivée parce que si j'écoutais ma tête, je ferai vite fait demi-tour et rentrerai directement chez moi. Enfin, chez moi, tout est relatif.

Je tourne dans une rue encore plus sombre que la précédente et plus j'avance, plus je me dis que cette histoire de Tenjiku est louche.

En fait, il m'est arrivé pas mal de trucs bizarres cette semaine. Ça a commencé mardi avec ce groupe de cinq mecs qui m'ont attaqué devant chez moi, et que j'ai vite renvoyé pleurer chez leur mère. On ne m'avait jamais attaqué sans raison et c'est vrai que cette fois, ils m'ont surpris et ont bien failli m'avoir si je n'avais pas gardé cette bonne vieille matraque en fer sur moi.

Ensuite, jeudi, un autre mec est venu me voir en me disant qu'un certain Izana voulait me parler et quand j'ai demandé plus de détails, il m'a dit que c'était pour la formation d'un nouveau gang.

Et maintenant, je suis en marche vers le point de rendez-vous. À vrai dire, avec toute mon expérience dans les quartiers de Tokyo, je n'ai jamais rejoint de gang, pas même quand j'étais en maison. Et si j'ai accepté aujourd'hui, c'est parce que je me sens vraiment seule depuis ma sortie. Je m'ennuie comme un rat mort dans ma famille et si je vais dehors, c'est seulement pour marcher en silence et seule, puisque je n'ai pas d'amis.

Des amis, je m'en passe, mais je manque cruellement de distraction. Et surtout, tout ça me manque. Depuis mon arrestation, je n'ai plus vraiment remis les pieds dans la délinquance et je sens que je deviens rouillée. Et puis, je sais qu'en dehors de ça, je n'ai pas d'avenir.

Je n'ai aucune chance d'avoir un travail puisque j'ai un passé criminel et que j'ai plus ou moins fait de la prison, sans compter que je n'aurais pas de diplômes comme je ne vais pas en cours. Autant que ce passé devienne présent, je gagnerai au moins ma vie en m'amusant en plus. Alors certes elle sera certainement courte mais j'en aurai profité.

D'autant plus que, ce qui me manque vraiment, c'est ce sentiment d'être protégé et de protéger les autres. Ce qui me manque, c'est une équipe comme j'en avais une autrefois. Alors certes, elle ne sera jamais aussi bien que le trio qu'on formait avant que tout ne bascule, mais elle sera là et c'est le principal.

Dernier avantage à me joindre à ce gang, et un de taille, je serai protégée des frères Haitani. Ceux-là même qui étaient mes meilleurs amis il y a cinq ans. Nous étions inséparables, mais ça c'était avant, avant qu'on tue quelqu'un du haut de nos douze ans et qu'ils partent en prison pendant trois ans tandis que moi je n'ai été qu'en maison de correction un an et demi pour le même crime.