Chapitre 1 - Juno

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... Juno...

Je traversais une ville, a priori paisible. Des hommes et des femmes profitaient du calme. J'aimais les voir ainsi sereins, calmes, avec ce naturel réconfortant qui différait tellement de la pression quotidienne. C'était... comme s'il ne se passait rien. Mais ils savaient tous que ledit calme serait d'une durée suffisamment courte pour qu'en eux paraisse l'envie inaltérable d'en savourer chaque instant. Même si cette notion du temps se voulait si différente de la mienne, nous étions comme unis dans cette pause salvatrice. Ils s'échangeaient des vivres, des munitions, partageaient volontiers de la connaissance. Ils se racontaient des anecdotes apparemment incroyables que je ne comprenais pas mais dont les expressions sincères qui se dessinaient sur les visages des auditeurs prouvaient un intérêt fasciné.

Tout se faisait en chuchotant, dans ces ruelles bondées de survivants aux vêtements usés et troués, cœur de ville comme fanfare silencieuse qui apaisait. Happé par leur présente quiétude, j'en oubliais presque la raison de ma présence au sein de cette activité humaine.

Était-il là ? Non, impossible.

Le petit marché improvisé était très actif mais si silencieux qu'il en devenait macabre. Ce même silence qui changea et prit une tonalité terriblement spécifique que je connaissais bien. Silence plus profond, mes innombrables cellules auditives se mirent à frétiller.

J'étais au mauvais endroit, au mauvais moment.

Ce calme aux relents si précieux se brisa si rapidement qu'on regretta son jubilé.

Le faisceau violet partit de l'énorme objet au ciel, qui venait d'apparaître sans que je puisse concevoir comment, sans que personne ne s'en rende compte et frappa le véhicule sur ma droite. Il explosa dans une fresque lumineuse et illumina une soirée qui s'était voulue aussi calme que l'impression que me donnait l'astre éclairé, loin là-haut. Du verre vint me déchirer la peau à nombreux endroits et je m'écroulai de douleur. Des hommes et des femmes tombèrent autour de moi, tués ou blessés eux aussi. L'un fut si proche de moi que je pus voir clairement ses deux yeux brûlés par les flammes. Les survivants chanceux partirent se réfugier. Puis la défense se mit en place, improvisée et pas si mal organisée que ça. Mais ils n'avaient malheureusement pas la moindre chance de s'en sortir.

Les hommes avançaient, dans un genre de formation que je ne pouvais pas comprendre. Ils tiraient de longues rafales qui semblaient précises, mais totalement inefficaces. Les balles ricochaient contre les ennemis qui s'approchaient en nombre, elles n'atteignaient pas le vaisseau qui surplombait désormais le champ de bataille. Puis ça riposta et je reçus plus de sang que je n'en avais jamais vu.

Je me remis à courir, il fallait que je m'éloigne de cette guerre. Un homme devenu presque tronc et à l'agonie tenta de m'accrocher par pur réflexe : il savait que je ne pouvais pas le sauver. Je fis un petit bond sur le côté et sentis le bout de ses doigts déjà gelés par la mort précoce. Il glapit de peine puis chercha à atteindre le bout de ses tripes avant de sombrer.

Je voyais les hommes qui sursautaient en me voyant courir ainsi, se demandant la raison de ma présence ici et priant secrètement pour que je m'en sorte. Leurs visages déformés par la terreur me hantaient, leurs expressions étaient si communicatives que je les ressentais comme si elles étaient les miennes.

On ne me visait pas, pas vraiment, j'étais juste là, au mauvais endroit, au mauvais moment.

L'énorme chose ronde qui se posa devant moi poussa un cri terrible, je me sentais dominé, soumis, esclave, en parfaite contradiction avec l'éducation que j'avais reçue. Mais cette éducation ne représentait plus rien, désormais. Je l'évitai aussi habilement que la douleur me le permettait et continuai de courir, voyant les hommes se faire démembrer, voyant les maisons exploser sous les faisceaux violets qui sortaient du vaisseau. Et des espèces d'insectes mécaniques qui s'acharnaient. Je compris, en analysant rapidement ce qu'il se passait autour de moi que si j'étais au milieu d'une guerre, les humains y étaient tout autant.

JunoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant