Le Mythe d'Astry

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     Quelque part, perdue et flottante entre les astres de notre galaxie, se promène une comète. Sur cette comète, joliment appelée Astry par notre commun des mortels, prospère un petit village. C’est un village bien étrange, puisqu’il est habité par des géants -du moins comparé aux tailles humaines moyennes-, mais aussi par des petites créatures, hautes comme trois pommes.
     Les géantes personnes sont sobrement nommées les Géants Astraux dans nos contes. On raconte qu’à la naissance de notre univers, on leur a donné une mission : veiller sur nous, les humains, avant même que nous ne soyons là. Et pour se faire, chacun y va de sa technique. Certains nous comptent et nous recensent comme des numéros dans un tableau ; tandis que d’autres cherchent à nous connaître, en apprenant nos langues et nos caractères. Et ils font cela, depuis la création de tout. Mais ils ne sont pas seuls !
     Ils sont accompagnés des petites créatures, que les auteurs avides de fantastique et de science-fiction ont appelé les Enfants de l’Univers. Pour eux, c’est bien simple, ce sont des enfants. Ils n’ont pas grand chose à faire, à part attendre de grandir et d’un jour prendre la place de leurs parents, derrière les télescopes ancestraux.

     Ce soir, dans le village d’Astry, est resté éveillé un Géant Astral du nom de Gekor. C’est un grand homme à la peau bleu et aux longs cheveux d’argent. Posté derrière son fidèle télescope, qui se transmet de générations en générations dans sa famille, il nous observe, depuis son jardin. Sa méthode à lui, c’est de nous compter. Il n’a pas le temps de faire connaissance avec nous, petites et insignifiantes créatures que nous sommes.
     Autour de lui sautille une toute petite fille, une Enfant de l’Univers. La petite Mély, tel est son nom. Avec ses cheveux d’or et ses yeux pleins d’étoiles, elle tourne autour de son père, imitant les enfants humains qu’elle a observé dans la journée. Son père ne lui accorde aucune attention, il est bien trop occupé à nous inscrire dans son carnet, les uns après les autres. Mély a appris à vivre ainsi, à côté de son père, sans qu’il ne soit vraiment là.
     Mais ce soir, depuis le jardin à la végétation luxuriante, on voit quelque chose de différent… La Lune. La pleine Lune. Mély ne se souvient pas de l’avoir déjà vu comme ça, aussi ronde, blanche et lumineuse. Elle cesse de courir et se plante auprès de son père, qui lui, ne lève pas les yeux de sa longue-vue.

     “Papa, c’est quoi ça ?
-Quoi ?
-La balle blanche en haut ?
-Enfin Mély, c’est la Lune, tu le sais bien.
-Mais elle n’est pas comme ça d’habitude…
-Elle est plus ronde qu’habituellement, car ce soir, c’est la pleine Lune.
-C’est quoi la pleine Lune ?
-Et bien, c’est comme ce soir, quand la Lune se dévoile entièrement.”

     La petite fille se tait, et admire l’orbe claire qui trône dans le ciel obscure. Face à cet étrange silence, le géant pose ses yeux sur l’enfant, et abandonne pour un temps son précieux outil qu’il aime tant. Il vient à ses côtés, et s’agenouille du mieux qu’il puisse pour être à sa taille.

     “Elle est belle, n’est-ce-pas ?
-Oui Papa, elle est magnifique…
-Tu vois, c’est pour ça que j’aime tant la Lune… Elle est d’une beauté et d’une poésie…
-Comment ça ?
-Regarde. Tu vois comment elle est, toute tachée et couverte de cratères ? Elle n’est même pas blanche, elle est grise. Elle n’a rien de parfait, elle n’est d’ailleurs pas parfaite du tout. C’est juste un cailloux gris et creusé qui flotte autour d’un autre cailloux plus gros. C’est juste une roche dans l’espace comme il en existe des milliers d’autres. Mais pourtant, tout le monde a décidé de l'admirer. Tout le monde fait comme nous en ce moment, et la regarde comme si elle était la chose la plus précieuse dans tout l’Univers. Tout le monde la trouve belle, malgré ses défauts ; et tout le monde l’aime, car malgré sa ressemblance avec les autres astres de la galaxie, elle reste unique en son genre. Elle a quelque chose en plus, qui la rend différente, et parfaite malgré ses imperfections. Quand on aime la Lune, on ne voit plus qu’elle, et on apprend à aimer chacun de ses creux, chacune de ses faces au fur et à mesure qu’elles nous apparaissent. C’est beau, n’est-ce pas ?
-Oui Papa…
-Si un jour tu te demandes si tu aimes quelqu’un, demande toi si il est comme la Lune pour toi. Si tu l’aimes, malgré ses défauts, c’est que tu l’aimes vraiment. Sinon, ne perds pas ton temps avec lui.”

     Sur ces mots, Gekor se relève et retourne à son télescope. Mély l’observe, sans un mot, avant de reporter ses yeux sur le ciel. Elle remarque quelque chose…

     “On voit moins les étoiles, ce soir.
-C’est normal Mély. Pourquoi regarder les étoiles quand on a la Lune à admirer ?
-Et bien, si les étoiles ne sont pas à observer ce soir, qu’est ce que tu fabriques avec ton engin, là ?
-Je travaille. Je compte les humains.
-Pourquoi ?
-C’est ainsi. Un jour, tu feras ça aussi.
-On est obligé ?
-Oui. C’est comme ça, et c’est tout.
-C’est quoi, les humains, pour nous ?
-À part des nombres ?
-Oui.
-Des rats de laboratoire.”

     Mély entend un hurlement de douleur au loin, en provenance de la Zone d'Expérimentations. Elle regarde son père, ses yeux ayant retrouvé leur énergie et leur curiosité.

     “Ils vont faire quoi de celui-là ?
-Je n’en sais rien… Probablement un projectile contre leurs sondes, comme les autres.
-Pourquoi ils les balancent comme ça ?
-Les humains ne doivent pas nous trouver. On doit rester un mythe pour eux, une légende d’extraterrestres. Sinon ils vont nous tuer.
-Mais pourquoi ils feraient ça ? On n’est pas méchant !”

     Le Géant Astral baisse ses yeux grisâtres vers le sol. Son regard est empli de mépris et de colère. Ils ont déjà essayé de communiquer avec les humains, et ce fut un échec. Un échec qui lui ôta un être cher, plus cher que la Lune ou que son télescope familial…
    
     “Ils détruisent tout ce qu’ils touchent. Pas besoin d’être méchant pour qu’ils attaquent, il suffit d’être différent…”

Le Mythe d'AstryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant