C'est aujourd'hui que ma vie s'arrête. Je le sais depuis ce matin, je le sens au plus profond de mon être. Nous sommes le samedi 6 août 2022 et je vais perdre ma grand-mère. Celle qui m'a élevée, celle qui m'a absolument tout appris. Celle qui m'appelle ma fille et que j'appelle maman ou Nana. Un surnom affectueux en arabe, qui signifie grand-mère.
Je sais que je vais perdre ma maman, mon pilier de vie, car elle est amorphe, n'a pas la force d'ouvrir les yeux et ne mange même plus depuis deux jours déjà.
C'est un cauchemar éveillé depuis l'annonce de sa chute dans un magasin. À 92 ans, et en étant diabétique, on ne se relève tout simplement pas de ce genre d'épreuve.
J'aurais dû le savoir, me préparer au vu de l'âge avancé de ma mère, a sa mort. Pourtant, ce fut un choc. Un train d'en la face aurait fait moins mal et sûrement moins de dégâts sur moi.
Elle a bien vécu me disent les gens. Mais qu'est que j'en ai à foutre ? Cette phrase m'énerve au plus au niveau. Je crois même que si je l'entends encore une fois, je serais capable de faire preuve de violence.
Enfin, ça, c'est ma réaction d'aujourd'hui, car à l'époque, j'étais simplement aussi morte à l'intérieur que Nana. Le choc m'aura en quelque sorte anesthésié pendant les premières semaines après le décès.
Cette phrase m'énerve pour plusieurs raisons, la première étant que non, elle n'a pas bien vécu.
Elle a subi la guerre d'Algérie, les horreurs faites a sa famille là-bas. Un mariage forcé à 16 ans. Un mari qui a failli l'abandonner, elle et leurs enfants sur les quais. Le bateau en partance pour la France, son mari et la maîtresse de celui-ci s'éloignant dans la foule. Voilà l'un des pires souvenirs de ma grand-mère.
Pourtant, grâce à une volonté de fer et une gentillesse hors du commun. Elle a pu monter sur ce foutu bateau et retrouver mon grand-père. Reconstruire sa famille.
Voilà qui était ma Nana. Une femme extraordinaire, qui accepte de vivre avec la maîtresse de son mari, par coutume, mais surtout et avant tout pour ses enfants. Pour qu'ils aient un père et une mère, ainsi que des meilleures conditions de vie.
Après quelques années et une adaptation rude à la culture française, le décès soudain de mon grand-père sonne avec évidence l'heure de la vengeance pour ma grand-mère. Et pourtant, elle n'a fait que mettre à la porte la maîtresse de mon grand-père. Personnellement, je connais quelqu'un qui aurait fait bien pire que ça.
Forcement, de mon point de vue, ma Nana était une sainte. Cependant, tout ça a déclenché un diabète de type deux pour ma grand-mère et plus de 40 ans de veuvage.
Vivre seule, c'est dure, même quand on est entouré de sa famille. Et de la famille, ma grand-mère en avait.
Avec quatre enfants, et neuf petits enfants autour d'elle. Cette fameuse nuit du 6 ou 7 août 2022, à 4 heures du matin, mon pilier est parti.
Me laissant seule.
VOUS LISEZ
Perdre sa maman
Non-FictionCette histoire n'aura ni début ni fin, car ceci n'est toujours pas une histoire. Seulement, la suite des événements d'une vie pas si tranquille. Cette vie, c'est la mienne. La vie que vécurent des milliers de gens avant moi, et celle de milliers de...