Reina

26 4 3
                                    

Seungmin,

Je t'écris alors que Reina combat habilement les vagues. Je sais déjà ce que tu penses, je devrais toute suite sortir de cette pièce et aller l'aider à combattre la tempête, au lieu de t'écrire ma première lettre depuis le début de ce périple. Tu dois penser que je suis imprudent de lui laisser faire face, seule, aux déchaînements de l'océan, qu'elle a beau être le meilleur capitaine ayant foule ce pont, elle ne fait que découvrir ses aptitudes et sa nouvelle vie. Qu'il m'incomberait en tant que capitaine de ce bateau de l'aider à s'habituer à se diriger, surtout en ces temps troubles. Mais c'est justement cela qui me force à t'écrire. Et en l'état des choses, je ne puis rien faire pour lui venir en aide.

Dans quelques heures, l'équipage de Reina, ses valeureux matelots, et moi-même, ne seront plus de ce monde, je ne me fonde sur aucun espoir idiot, nous ne nous sortirons pas du guêpier dans lequel je nous ai, malgré moi, plonger. Au moment où tu me lis, le seul espoir que je puis fonder sur mon état est de résider au fonde de l'océan, mère de ma vie.

En temps normal, j'aurais compté sur mon journal de bord pour te conter, à toi, ou à tout autre personne tombant sur l'épave de Reina, l'histoire qui me mène à cet instant de ma vie. La raison pour laquelle tu dois continuer de te battre dans la même direction que la mienne. Tu n'as jamais vraiment été d'accord avec certains de mes choix, qui te semblait dénués de toute logique, et je n'ai jamais cherché à réellement te les expliquer plus que ça, je me rends compte maintenant de l'ampleur de ma bêtise. Je me rends compte que j'aurais dû abattre cette dernière barrière entre nous, entre notre amitié.

Je me perds et je perds mon objectif premier, je n'ai pas le temps de t'expliquer tous mes sentiments en détaille et encore moins comme je l'aimerais alors je compte sur toi pour lire entre les lignes de mes pensées comme tu as toujours su le faire.

Ce qui nous arrive ne doit plus arriver à qui que ce soit, alors je t'en conjure, lis moi avec attention et mets tout jugement de côté, au moins le temps de comprendre tout ce qui à pousser certaines personnes à faire ce qu'elles ont faits, dont moi. Même si tout ce que je te dis va te paraître insensé, encore plus insensé que ma décision, il y a 10 ans, de monter sur un bateau et de renier toute ma famille au nom de notre amitié. Malgré ça, fait moi confiance. Laisse ton cœur vibrer comme au jour de notre rencontre, dans cet amour et cette compréhension qui c'est immédiatement établi entre nous. Dans cette honnêteté sans faille que nous avions, dans cette connexion qui ne peut résider qu'entre deux âmes-sœurs. Parce que c'est ce que nous étions et ce que nous sommes encore, des âmes-sœurs, pas dans le sens ou la majorité des gens le conçois, mais nous le sommes. C'est moi qui ai empêché de laisser grandir ce lien entre nous, je dois maintenant t'expliquer pourquoi, parce qu'aussi invraisemblable que cela puisse te sembler, ce que nous sommes l'un pour l'autre tient une place centrale dans cette histoire.

Je ne sais pas réellement par où commencer, de nombreuses chose dont certaines que tu sais, sans t'en rendre compte, ont pesé lourd sur la balance de mes décisions. Mais j'imagine que comme toute histoire il faut tout simplement commencer par le début, le jour de notre rencontre. En écrivant cette phrase je parle autant du jour où je t'ai rencontré, que celui où j'ai rencontré Jisung. Deux départs si différents et pourtant une seule et même arriver.

J'ai suffisamment perdu de temps, je dois t'avouer mon premier mensonge. Le jour où tu m'as rencontré n'est pas celui où je t'ai rencontré. Celui-là date de notre enfance, avant ma présentation au bal d'été de nos 16 ans, avant ma première fuite. C'était 7 ans avant jour pour jour, rien qu'en te disant ça, tu dois avoir deviné de quoi je te parle. Je suis l'ombre qui t'a effrayé, je suis la bête enragée, je suis le voleur de violon.

La vérité, c'est que je me sentait déjà seul, terriblement seul, alors quand j'ai vu ce garçon de mon âge sur cette plage avec son violon, j'ai tout de suite voulu le rejoindre pour jouer avec lui, lui montrer que s'il était doué avec son instrument, je l'étais par ma danse. J'ai hésité de longue minute, restant caché derrière un arbre, perdu entre les paroles de mon père qui me disait de ne pas parler avec des inconnus, surtout ceux qui était « mal habillé » et qui serait, au mieux, des serviteurs, et mon besoin dévorant de briser ma solitude.

Reina, Bahng's Bar et AddictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant