I. La montée

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Anxiété,

nom féminin

État de trouble psychique causé par la crainte d'un danger.

synonyme ; angoisse

 Je ne suis pas sortie depuis longtemps.

Depuis hier, depuis un mois. La notion du temps m'échappe. Je n'ai pas de nouvelles de mes proches, je n'arrive plus à les appeler. La sonnerie du téléphone me glace le sang à chaque fois. Ce matin, une amie m'a envoyé un message, je ne m'y attendais pas. Un café, aujourd'hui 16h. Je n'ai pas répondu tout de suite parce que mes mains tremblaient trop fort.

Je ne réussi qu'à envoyer un smiley pouce en l'air. C'est nul, je sais.

Je. Vais. Voir. Quelqu'un. Aujourd'hui. Un. Samedi.

Le samedi tout est toujours bondé, l'envie de supprimer mon message vient subitement mais la destinataire y a déjà répondu. Elle me confirme le rendez-vous, dans notre café habituel. Enfin, je ne sais pas vraiment si on peut parler d'habitude quand il s'agit de quelque chose que j'ai arrêté de faire. Je ne sors que pour aller faire mes courses, et parfois, très tôt le matin -à une heure où personne ne se lève- pour aller me promener.

Je jette un coup d'œil à l'horloge et me mets à la dévisageait. Si je veux arriver en avance je dois partir dans trois heures. Je suis en pyjama, mes cheveux sont gras. Je n'aime pas mon reflet dans le miroir. Il est hors de question que j'inflige cette vision à d'autres gens. Trois heures c'est peu et le temps passe vite. Je me dépêche d'aller à la douche, en espérant que l'eau chaude parvienne à calmer les douleurs articulaires dont je souffre. Ça ne marche évidemment pas si simplement. L'angoisse monte et j'en oublie ce que je dois faire. Me laver, me sécher, m'habiller, me maquiller, mettre mes chaussures, sortir dehors, voir mon amie. J'omets la partie ou je vais devoir me confronter au monde extérieur et avoir l'air normale. Mon ancienne psy dit que je le suis, que l'on peut être normale et différente à la fois. Je ne suis pas d'accord, je pense qu'elle dit ce genre de chose car je la paye, c'est tout. J'ai arrêter de prendre rendez-vous. J'ai bien essayé de parler à d'autres personnes mais aucuns ne semblent comprendre. "T'es juste stressée, médite ça va passer". Si c'était simple ça irait déjà mieux. Ce n'est pas le cas, j'avance puis je recule automatiquement. Le serpent qui se mord la queue. Encore et encore.

Je remarque qu'en me perdant dans mes pensées, je ne me suis toujours pas habillé. Je me maudis. Aucun vêtement ne me va, est-ce moi qui suis trop difforme? Comment va être habillé mon amie? Chic et élégante, ou quelque chose de basique? Comment moi, je devrais m'habiller? Si je mets des bijoux est-ce que ça va faire trop? Et puis je dois aussi me maquiller pour enlever ne serait-ce que mes cernes gigantesques. Je décide de ne pas mettre de bijoux, je préfère avoir l'air pas assez que trop, ainsi le regard des gens ne s'attarde pas sur moi.

Je me sens mieux une fois lavée, mais pas mieux au point d'avoir un rendez-vous avec qui que ce soit. Il me reste encore une bonne heure avant de devoir partir. J'ai l'impression que c'est trop peu. L'heure m'obsède.

Je m'assois sur une chaise, pas sur mon canapé, j'ai trop peur de m'endormir. Le dos droit comme un piquet. Je fixe le temps qui passe sur mon téléphone et l'horloge. je pourrais faire autre chose, de la vaisselle par exemple, mais je ne veux pas me salir ou sentir le liquide vaisselle et je ne veux pas non plus finir en retard. je déteste ça. Même si je sais que mon amie n'arrivera pas à l'heure précise, je ne peux m'en empêcher.

Mes doigts gigotent sur mes genoux. Je m'ennuie, j'ai envie de lire. C'est une mauvaise idée, car ensuite je ne sortirai pas du tout. Il faut bien que je garde une légère, très légère vie sociale hein?

Tourbillon [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant