III. L'explosion

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Le vent souffle fort et fait tourner mes cheveux détruisant au passage ma coiffure. Je me sens sale lorsque les gens me regardent. Mon cœur bat tellement vite, je l'entend résonner dans mon cerveau.

Faites que ça s'arrête s'il vous plaît.

Je commence à gratter la peau de mon bras jusqu'à saignement. C'est presque devenu un réflexe. La douleur physique aide à pallier la douleur mentale. Je cours en direction de chez moi. Je veux rentrer et m'enfermer dans ma maison. Des larmes roulent sur mes joues, ça n'a pas lieu d'être. Mon comportement m'agace, je ne peux rien contrôler. et je ne devais pas aller si mal pour si peu. Je me sens trahie et ridicule. Les gens me regardent, pour de bon cette fois ci. J'ai envie de vomir. Je n'ose pas imaginer ce qu'ils pensent, surtout quand je vois l'opinion que j'ai de moi-même.

Parfois l'élément déclencheur peut paraître minuscule mais il est lourd de sens quand on me connait. Ca cumulé aux bruits et au fait que j'ai complètement perdu l'habitude d'être en société et que j'ai peur de tout faire, trop de sentiments d'un coup. L'explosion est arrivée, je le savais mais je me suis dit que ça passerait, que pour une fois ça irait. Que je pouvais bien avoir l'air d'être une jeune femme normale pour quelques heures. Au final, voilà comment j'en ressors, encore plus attristé qu'au départ et je me sens coupable d'avoir laissé en plan mon amie. Il faudrait que je lui envoie un message pour lui en parler mais j'ai peur qu'elle ne comprenne pas car personne ne comprend vraiment. Je ne peux pas leur en vouloir.

En fait, je ne demande pas de comprendre, je demande d'accepter. D'accepter que parfois il y a des situations qui me mettent dans de pareils états, même si à première vue elles semblent anodines.

Je ne le fais pas exprès. J'aimerai pouvoir en profiter. Sortir comme je le faisais avant, voir des amies régulièrement, juste vivre mais j'ai arrêté de le faire et depuis j'ai l'impression désastreuse de m'enfoncer de plus en plus dans des zones sombres que je ne maîtrise pas. Mon corps tout entier me fait souffrir et la bile qui remonte dans ma bouche n'arrange rien à cela. J'arrive chez moi et peine à enfoncer la clé dans la serrure, j'ai l'air débile. Je rentre et je claque la porte si fort que cette dernière pourrait se décrocher. Je vais vomir dans la salle de bain. La pression ne retombe pas de suite, ma crise de larmes n'est pas finie. Elle s'accentue.

Il est rare que j'arrive à bouger pendant les crises, souvent je reste paralysée, mais là, j'ai réussi à rentrer chez moi.

Je me sens pourtant nulle, je n'arrive pas à faire des actions si simples. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir, comment je vais finir. Je n'ai plus de perspective d'avenir, comment voulez-vous que je réussisse à en avoir avec l'anxiété incessante qui m'habite. Elle se matérialise tous les jours sous des formes différentes et ne me laisse aucun répit, parfois ça va à peu près, d'autres fois comme aujourd'hui je touche le fonds. J'aimerai aller bien, aller mieux mais cela demande beaucoup d'efforts et je ne sais pas si je suis en capacité de les fournir. J'ai fait le tour de tout ce qui était possible ; psychologue, méditation, yoga, acupuncture, psychiatre et bien d'autres. Rien ne semble fait pour moi ou pour m'aider.

Je n'arrive même pas à me souvenir de commencer ça a commencé, comment j'en suis arrivé à ce point là avec un tourbillon si fort en moi qu'il bouscule tout sur son passage.

Je continue de pleurer mais ma respiration à retrouver un rythme plus supportable. Je retourne à la douche, mes vêtements sont trempés de sueur, je les balance sur le sol. Si l'anxiété pouvait au moins être glamour, elle a choisi de ne pas l'être.

Je mets en pyjama et me prépare à aller dormir avec le soleil toujours présent quand quelqu'un toque à la porte d'entrée. je n'ai pas commandé de colis et personne ne vient jamais.

Je vais ouvrir, plus apaisé déjà et tombe face à face avec mon amie. J'ai honte.

"Je peux entrer? Je n'en ai pas pour longtemps."

Je n'aime pas que l'on rentre dans ma maison, surtout vu l'état de désordre dans lequel elle est mais j'accepte, après mon comportement de tout à l'heure je ne peux rien lui refuser.

"Je suis vraiment désolée. Ca arrive parfois." J'arrive au moins à articuler.

Nous nous asseyons dans mon vieux canapé.

"Ça arrive tout le temps, c'est ça? J'ai appelé ta mère, elle m'a dit qu'elle s'inquiétait pour toi, que tu ne sortais presque plus que chaque relation sociale te mettait mal à l'aise".

Je ne réponds rien. J'ai doublement honte. Elle a appelé ma mère, ça m'énerve, pourtant à sa place j'aurai sans doute fait pareille.

" Ce n'est pas grave tu sais. Ça peut s'arranger. Je peux t'aider."

"Rien ne marche".

Je retiens un sanglot.

"J'ai consulté une très bonne psychologue il y a des années, je suis sûre qu'elle te conviendra. Elle est spécialisée dans les troubles anxieux. Je peux obtenir un rendez-vous. Je peux même t'accompagner. On doit se voir plus régulièrement, ça te fera du bien et à moi aussi. Dans un premier temps tu peux venir à la maison puis ensuite on commencera à sortir dans des endroits calmes et on augmentera la difficulté à chaque fois. Qu'est-ce que tu en penses ?"

Le ton qu'elle utilise est doux et réconfortant, j'ai envie de le prendre dans mes bras.

"Ça me parait bien, mais je ne veux pas monopoliser ta vie."

"Ce ne sera pas le cas, si je te propose c'est que ça me fait plaisir."

"Merci beaucoup, je crois que j'avais besoin d'entendre ça".

"Si tu as besoin désormais, viens me parler. Je sais que ce n'est pas facile, surtout seule. Mais je suis là maintenant. Tu mérites de t'en sortir, je le pense sincèrement."

Je ne retiens plus mes larmes mais cette fois ce sont des larmes de joie. Mon amie me sourit et me prend à nouveau dans ses bras, je me sens bien. Pour la première fois depuis trop longtemps j'aperçois une légère lumière au bout du tunnel. Je ne suis plus seule. 

Tourbillon [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant