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C'est avec une effort presque surhumain que ses yeux se rouvrirent sur le plafond tacheté de sa chambre, une légère migraine lui ôtant toute chance de se redresser. Il avait besoin de se nourrir au plus vite et ce n'était pas le croissant de plus tôt qui allait changer la donne. Chan n'eut heureusement que le temps de se lamenter intérieurement, son médecin poussant la porte le faisant tourner la tête.

— Tu es réveillé ! fit l'homme en poussant une chaise aux côtés du garçon qui semblait en meilleur état que lorsqu'il l'avait trouvé au sol. — Comment te sens-tu ?

Chan prit plusieurs secondes pour s'exprimer, ne sachant lui-même comment il allait. Il était frustré de ne pas être capable de faire dix pas sans tomber, il était heureux de ne pas avoir péri dans son accident, il était ennuyé de rester cloué dans ce lit sans bouger pendant plusieurs semaines et il était terriblement épuisé rien que d'avoir toutes ces pensées et émotions en lui.

— Je ne sais pas. répondit-il simplement, cherchant toujours un sentiment à placer sur son état.

— As-tu mal quelque part ?

— Partout. De la tête aux pieds. fit le jeune patient en s'enfonçant encore plus dans son gros oreiller, il avait la sensation que son corps entier était en train de mariner dans de l'eau en ébullition. Malgré le temps passé dans cet hôpital et les heures de rééducation qui s'enchaînaient, il n'avait pas la sensation d'aller mieux.

— Puis-je savoir pourquoi tu étais au sol tout à l'heure ? Je t'ai pourtant dit plusieurs fois que c'était dangereux de marcher par toi-même sans support ni même quelqu'un autour de toi, n'est-ce pas ? 

Le garçon hocha la tête, ne sachant plus quoi répondre à l'adulte. Chan voulait tant tout accélérer, il voulait tant revoir la lumière du jour et sentir de l'air frotter sa peau, avoir un autre tissu sur le corps que sa tenue d'hôpital, sentir une autre odeur que celle du blanc immaculé des murs et couloirs du bâtiment.

— J'en ai marre d'être ici. finit-il par souffler à son médecin. — Je veux sortir... ajouta-t-il.

— Je vais te proposer quelque chose. Tu finis de répondre à mes questions honnêtement et on sortira après, qu'en penses-tu ?

Chan émit son accord et l'homme poursuivit ses différentes questions sur l'état et la santé de son patient. Tout semblait plus ou moins anodin, les sujets portant sur son habituation aux lieux ou sur sa pensée quant à son état physique et mental. Pourtant, le jeune garçon s'abstint de répondre lorsqu'une question qu'il attendait depuis le début avec nervosité arriva.

— Manges-tu à ta faim ? Est-ce convenable ? demanda le docteur Kim qui se doutait évidemment de quelque chose, ayant conscience que la faiblesse du garçon n'était d'origine inconnue. — Chan ? ajouta-t-il en voyant qu'il ne répondait pas. — Sais-tu qu'une absence de réponse signifie un non pour moi ?

Le jeune homme bougea doucement sa tête de haut en bas, il savait que son médecin savait ce qui se passait mais jamais il n'aurait osé le dire par lui-même.

— Est-ce car la nourriture ici ne te convient pas ou car tu ne trouve plus d'appétit ?

— Les deux. répondit-il d'une petit voix, presque dans un souffle, se sentant honteux d'admettre que c'était en partie ce qui lui était fourni ici gratuitement le problème. — Je n'arrive pas à avoir faim, même si je me force.

Le médecin hocha la tête, la réponse, bien qu'assez embêtante pour son rétablissement, lui convenu, étant honnête. 

— Ce sont des choses qui arrivent, avec un tel bouleversement de quotidien. fit le plus âgé, cherchant quelque chose dans sa planchette à pince, finissant par y sortit une feuille vierge et un stylo de sa poche de blouse. — Tiens, tu pourras m'inscrire ce que tu aimes et je le ferai remonter, en espérant que ça soit entendu et que ça puisse t'aider à reprendre des forces. ajouta-t-il en déposant la feuille et le stylo sur la table à côté du jeune homme. — Avec tous les médicaments et autres qu'on t'administre, je ne préfère pas prendre le risque de rajouter des doses de nutriments par injection.

Chan hocha la tête et laissa l'homme poursuivre ses questions, y répondant sans même penser à mentir. Cela dura près d'une demi-heure durant lesquelles, sans même que le jeune garçon ne s'en rende compte, il commençait à se sentir mieux, comme moins lourd. C'était tout à fait le plan de son médecin, lui posant des questions simples qui, pourtant, étaient faites pour que Chan décharge un peu de ce qu'il avait sur le dos, toujours dans la plus grande bienveillance. Le garçon Lee le savait que les médecins si attentionnés avec leur patient ne couraient pas les rues et c'était ce qui l'avait mis en confiance, voir qu'au delà de son métier, le docteur Kim s'intéressait vraiment à sa santé. L'homme finit par partir, promettant à son patient qu'il allait vite revenir avec un petit quelque chose à manger qu'il avait également promis être meilleur que les nutriments servis dans l'hôpital. Durant le laps de temps où Chan était de nouveau seul dans la chambre, du moins, presque, il tourna la tête vers celui avec qui il partageait la pièce, soudainement curieux du fait l'emmenant dans cet état. Il fallait dire que rares étaient les soignants qui venaient dans la chambre pour ce patient, ils venaient peut-être une fois par jour au plus, ce qui semblait peu aux yeux de Chan qui voyait quelqu'un en blouse blanche entrer la pièce pour le voir environ trois ou quatre fois par jour. Aussi, il n'avait vu aucune visite pour le jeune homme, ce qui l'attristait en plus de l'intriguer. Peut-être venaient-elle lorsqu'il dormait, ce qu'il doutait, mais c'était toujours envisageable. Les yeux toujours en train d'analyser le jeune allongé à quelques mètres, distinguant des blessures en tout genre qui avaient été traitées, la porte s'ouvrit de nouveau sur le médecin, faisant détourner le regard de Chan du patient, regardant l'homme qui venait de pénétrer la pièce.

— Tiens, tu as besoin de forces. fit-il en tendant un paquet de snack et un lait aux fruits au garçon. — Je n'ai trouvé que ça dans l'immédiat, j'espère que ça te satisfera. 

L'homme tint alors sa promesse faite plus tôt et il emmena ensuite Chan en fauteuil dans l'enceinte extérieure de l'hôpital après avoir déposé la nourriture sur sa table de chevet. Le jeune blessé profitait au maximum de la sortie, lâchant un sourire au courant d'air qui frôlait ses poils avec une telle douceur. Ce fut cependant de plutôt courte durée, le médecin devant malheureusement laisser son patient pour aller en voir d'autres dans le besoin. Il ramena le garçon dans sa chambre et c'est ainsi qu'il dut ensuite partir, Chan se retrouvant encore et toujours seul dans la pièce. Il tendit la main vers son lait aux fruits, ouvrant la bouteille pour en extraire quelques gorgées qu'il avala avec plus d'envie qu'il n'avait eu depuis qu'il avait mis les pieds ici. Il ne toucha pas au paquet avant le soir, préférant faire sa séance de rééducation avant d'avaler quelque chose, ce qui était de toute évidence le plus idiot à faire. Un autre médecin qu'il avait moins l'habitude de voir allait l'assister tandis qu'il allait essayer de faire quelques pas pour se rhabituer à se déplacer ainsi. Il était à présent devant la barre qu'il avait tant agrippé de sa main depuis des semaines, son kinésithérapeute à ses côtés pour le guider. Chan sentait un poids bien trop conséquent pour la réalité lorsqu'il soulevait ses jambes pour avancer, tenant de sa main droite le bois d'une poigne qui lui casserait les doigts, les rendant couleur Indonésie. Il ne décollait presque pas ses pieds du sol, défaisant un peu les bandages enroulés autour de son pied par la même occasion. Le médecin devant lui, les bras préparés pour une potentielle chute, ne cessait de lui offrir des phrases d'encouragement pour qu'il n'avance avec toujours plus de fierté et de volonté vers son but. Pas par pas, l'énergie complétement égarée, Chan parvint à toucher le bout de la barre, le tapis entre ses pieds et le parquet de la salle blanche et vide s'enflammant au contact de ses blessures. Une migraine prenait foyer dans sa boîte crânienne et manquait de peu de le faire tanguer vers le sol. Le médecin tenta alors de redonner de la force au garçon pour l'emmener vers le retour de la barre mais c'était peine perdue, Chan ne pouvait plus avancer. Selon ses pensées, la rééducation semblait s'éterniser et il s'imaginait ne plus sortir de cet hôpital, ni de revoir l'usage de ses jambes.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 20 ⏰

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𝗍𝗁ꫀ 𝗌𝗂𝖼𝗄 𝗇ꫀ𝗑𝗍 𝖽ꪮꪮ𝗋 『𝗅.𝖼𝗁ꪖ𝗇』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant