FEYZA
Cela fait presque une heure que je la regarde sans bouger, cette maison qui regorge de souvenirs de mon père. Des souvenirs dans lesquels moi et mon frère ne faisons pas partie.
Je suis assise sur les marches à l'extérieur, fixant le voisinage. Le soleil est presque couché maintenant, mais je ne suis pas décidée à faire un pas de plus pour accéder à la maison. J'ai peur, je suis effrayée de ce que je peux trouver à l'intérieur. Peut-être que mon père est beaucoup plus heureux sans nous dans sa vie et qu'il a réussi à tout recommencer, comme l'a fait Erem.
En ce qui me concerne, j'en suis incapable. Comment pourrais-je même penser à trouver le bonheur sachant que mon bonheur à moi a été décimé par les lois de la nature ? Alors que je sens la brise se rafraîchir, je m'insulte intérieurement d'être aussi faible et je décide de me lever.
Avant d'entrer, je me stoppe devant la porte et je toque, comme si mon père allait arriver et m'ouvrir pour me prendre dans ses bras. Plusieurs secondes, qui me paraissent aussi longues que des heures, passent, et je me décide enfin à enfoncer les clés dans la serrure, m'introduisant dans ce lieu aussi familier qu'inconnu.
L'endroit paraît chaleureux. Je m'autorise à faire un tour dans le salon et, plus je visite, plus je me rends compte qu'il n'y a aucune trace de nous ici. Je cherche désespérément quelque chose qui me relie à lui, mais après plusieurs minutes, je me fais à l'idée qu'il a décidé de nous effacer.
En faisant le tour de la maison, je me rends compte que mon père a réussi à recommencer une nouvelle vie. Peut-être a-t-il même trouvé le bonheur loin de nous. Je devrais le détester pour cela, mais je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Et je me dis qu'il vaut mieux qu'il trouve le bonheur loin de nous, sa famille, plutôt qu'il soit brisé à nos côtés.
Lorsque mes pas me mènent vers une pièce qui semble être son bureau, je commence à observer les murs où sont accrochées plusieurs médailles. Des coupes sont posées sur des meubles en hauteur, et je remarque que cette pièce semble plus personnelle.
Mon père a toujours apprécié la boxe, et je souris en me disant que, même après tout cela, sa passion ne l'a pas quittée. Toute la maison est accueillante, mais il n'y a presque aucune décoration. La seule pièce qui en possède est celle-ci, et quand je tourne ma tête vers une photo présente sur son bureau, mon cœur se compresse. Non pas parce que je suis blessée, mais au contraire, par soulagement.
Je la prends dans ma main pour pouvoir l'observer de plus près. Je n'ai plus assez de force pour lâcher une larme, mais si je n'étais pas aussi épuisée, je l'aurais sûrement déjà fait. Je pose mon pouce sur le visage de ma mère : elle rayonne, et cette vue me fait sourire.
Cette photo a été prise lors d'un de nos voyages. Je me souviens que mes parents avaient été horrifiés lorsque mon frère s'était perdu à travers la foule. Quand nous l'avions retrouvé, il était simplement en train de jouer et il nous regardait avec un grand sourire, inconscient de la frayeur qu'il nous avait faite.
J'avais beaucoup pleuré ce jour-là, pensant que je ne le reverrais plus jamais. Mais quand j'y repense aujourd'hui, j'en souris. Pour me calmer, mes parents m'avaient offert une glace, et pour immortaliser ce moment, nous avions pris cette photo. J'avais les yeux encore rougis par les larmes, mais je souriais, ma glace à la main.
Je décide finalement de remettre ce cadre à sa place. Il me paraît si précieux que j'ai l'impression qu'il pourrait se casser à tout moment. Mais lorsque je veux le poser, le cadre tombe au sol et se brise.
Je me baisse rapidement, espérant pouvoir récupérer la photo sans qu'elle se déchire. Mais lorsque je la prends, je m'aperçois qu'une feuille pliée est cachée derrière et je la récupère à son tour.

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Fight for Feyza ( EN PAUSE )
Misterio / SuspensoLorsque Feyza découvre que son père, longtemps absent, a été retrouvé mort, elle se jure de découvrir la vérité. Déterminée à obtenir des réponses, elle va plonger dans le monde clandestin de la boxe, où son père avait trouvé refuge. Elle va alors...