(Embarassant au cas où vous auriez loupé l'info)
Bonjour madame,
J'espère que vous passez un bon été, moi oui, j'ai pensé à ma vie. Il faut dire que je profite de mes derniers instants où je n'ai pas sur la conscience un autre de mes choix, et un d'une importance conséquente puisqu'après l'avoir fait, il n'y aura selon toute vraisemblance aucun moyen d'y revenir.
Je ne vous blâme pas, n'ayez pas, si vous le comptiez, sur la consience la destiné d'un autre élève quelconque d'un établissement quelconque dans une commune quelconque dans un pays plus quelconque encore, qui vous enferme des heures et se juge méritant de s'acheter votre temps. De plus, même si elle était partagée entre deux, cette mauvais conscience ne se divise pas quand le choix regretté émane d'un seul des partis, je ne ferais donc que parasiter votre esprit et le miens encore plus.
Merci pour cela, d'abord, et pour avoir endossé par choix ou par contrainte (mais j'estime que dans ce genre de profession, c'est généralement par choix) de guider vers le chemin sinueux de leur avenir tant de jeunes de moins âge ou d'autres avant moi. Seulement, voilà un problème que je ne sais pas résoudre seule, s'il lui existe une solution déjà découverte, et ce problème que j'avais choisis volontairement ou non d'ignorer après avoir fait mon choix, je le vois arriver à l'horizon et je le crains.
Craindre est un grand mot, au plus je l'appréhende et au moins je l'observe avec curiosité se précipiter sur moi.Madame, je ne vous connais pas et vous ne me connaissez pas, j'ai toujours repoussé l'idée de me rendre dans votre bureau et ça n'a pas vraiment aidé ma cause, mais à défaut de solution apportez-moi la possibilité de m'expliquer clairement devant quelqu'un, que je perfectionne cette compétence pour les fois où l'on me demandera ce qui m'a mené où je serai. Je suis perdue, parce que je n'aimerais rien faire. J'aime les matières que vous me proposez, tous leurs enseignements me semblent cruciaux et également intéressants, mais je n'ai pas l'envie d'en sélectionner la moindre, là, assise devant cette liste d'acronymes qui n'attendent qu'à recevoir un clic pour définir mon avenir. Mais ne pensez pas que cela vienne d'un manque d'intérêt de ma part. J'aime le français, seulement j'ai horreur des commentaires, j'aime l'histoire; je déteste les dissertations, j'aime les langues; mais je crains les oraux comme mon exécution, j'aime la physique; aucun principe ne s'ancre dans ma mémoire, j'aime les mathématiques, mais que ce passera-t-il quand je n'y verrai que des symboles abstraits ? J'aime la biologie; on me rabâche le même programme depuis des années et mes notes chutent, j'aime l'économie; j'ignore tout de la main invisible, j'aime le latin; pourtant je n'ai aucune inclinaison à faire des devoirs de plusieurs heures pour qu'on vérifie que j'apprenne bien mes polycopiés. Je ne juge pas nécessaire de couvrir toutes les spécialités, je crois que celles-ci suffiront à faire passer mon idée.
Madame, j'aime apprendre, croyez-le. Petite, je passais mon temps le nez dans des livres, j'apprenais avec joie les plus subtils détails de la vie à l'époque des égyptiens, des grecs, de la préhistoire, je lisais tout je retenais les nom des astéroïdes et des géantes bleues, mais avec le temps ces activités ce sont réduites, et j'ai perdu ce goût de comprendre et de raisonner.
Mon collège, intellectuellement parlant, a été désastreux. J'avais des bonnes notes, mais je n'avais plus rien d'autre que ces nombres sur mes copies. J'ai perdu ma capacité à raisonner quand on m'a appris à faire des sciences, j'ai perdu ma rédaction au moment où l'on m'a demandé, pour la centième fois du trimestre peut-être, d'écrire des paragraphes. Mon sens critique a toujours peiné à se développer je crois, parce que devant les sujets d'argumentation mon esprit se vidait. J'ai juste peu à peu perdu ce goût de savoir à des addictions, aux savoirs qu'on m'imposait, et que j'aurais volontiers acquérits, si on m'avait expliqué à quoi ils me serviraient, à des histoires futiles qui ne se terminaient jamais bien et enfin, à une certitude qui s'ancrait dans ma tête et s'affirmait de jours en jours et de chiffres en chiffres: celle que je n'étais pas assez bonne et que rien n'y ferait.
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à ma conseillère d'orientation
RandomEmbarassant (je fais la même tête que la cover en y repensant) bonjour madame, j'espère que vous passez un bon été, moi oui j'ai pensé à ma vie