1 - Le patron de la Fosse

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Sett pénètre dans l'immeuble désaffecté situé à l'extérieur de la ville en compagnie de son bras droit. Il en possède quelques-uns qu'il a obtenus pour une bouchée de pain. Il faut dire qu'il ne peut rien en faire officiellement, tant leur état est lamentable. Ils sont bien trop abîmés pour être réhabilités. D'un point de vue externe, il a fait une très mauvaise affaire.

La réalité est tout autre. Si les immeubles ne sont pas habitables, les sous-sols sont solides et il y a installé ses quartiers, dont notamment la plus grande arène de combat clandestine de la ville : la Fosse. Sett se dispute l'attention des parieurs dans ce domaine avec deux autres caïds (Deadshot et Cooler), mais aucun ne le vaut ou n'oserait le défier directement. Si bien qu'il a reçu le surnom de "Patron", le seul qu'il accepte.

Car ce n'est pas l'unique sobriquet dont on l'a affublé. On l'a traité de bâtard d'homme-bête, de demi-bête, voire de sauvage, dû à son ascendance vastayane. Sa mère, de la tribu des carcajous, l'avait élevé seule et contre tout, sa relation amoureuse n'ayant été acceptée ni par les uns ni par les autres. Sett est prêt à donner sa vie et bien plus pour elle, même s'il est plus du genre à frapper qu'à se sacrifier.

À tout juste vingt-cinq ans, il est une véritable force de la nature avec ces deux mètres de haut et près de cent dix kilos de muscles. Une immense montagne impossible à escalader. Sett l'a appris rapidement : il fait peur. Si on ajoute à ça une cicatrice lui barrant le nez de droite à gauche, ainsi que sa réputation de talentueux combattant, il n'a aucun rival.

Peut-être son pote K'sante. Cependant ils ne travaillent pas dans le même domaine et ils n'éprouvent pas le besoin de se battre entre eux (ils ont plutôt le plaisir de la musique en commun), donc pas moyen de vérifier.

Et non seulement il effraie, mais il attire aussi. Sa belle gueule, son corps aux muscles développés et saillants , ainsi que sa situation financière plaisent beaucoup aux femmes et il ne se gêne pas pour en profiter au maximum. Son argent compense sans doute largement le désagrément de sa cicatrice. S'il ne devait pas cacher une partie de son existence à sa mère (qui désapprouverait), Sett estime qu'il aurait une vie de rêve.

Solem, l'un de ses rares hommes de confiance, vient à sa rencontre et à celle de Nola, son bras droit. Tous deux possèdent un insupportable caractère, mais aussi une incroyable loyauté et un talent combattif exceptionnel (bien qu'en-dessous du sien). Petit plus : ils adorent leur boulot. Sett ne les échangerait pour rien au monde. Il s'estime heureux de les avoir à ses côtés.

— Tu tombes bien, patron, dit Solem en guise de bienvenue, un sourire amical aux lèvres.

Sett le fixe de ses yeux turquoise, aussi limpides qu'un lagon. Mais la femme qui l'accompagne est plus rapide que lui pour répondre. Certains qualifieraient ça d'exploit, étant donné la propension de Sett à parler souvent et fort.

— Salut à toi aussi, le gigolo, rétorque Nola, autant pour le titiller que pour lui rappeler ses manières.

Elle le surnomme ainsi depuis des années, parce que Solem préfère arrondir les angles avec les mots avant les poings et aime beaucoup trop l'argent pour son propre bien.

— Va te faire foutre, sale gorille ! s'emporte Solem en grognant.

— On se calme sur les insultes animalières, même si celle-ci est plutôt adéquate, intervient Sett en ricanant.

— Bande de connards, crache Nola, plus amusée que vexée, levant ses majeurs dans leur direction.

Elle sait qu'elle se comporte comme un garde du corps particulièrement zélé et brutal, ce qui ne l'empêche pas de continuer sans se remettre en question. Elle n'en a pas besoin dans le milieu dans lequel ils évoluent.

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