Texte complet

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— Ils ont encerclé le Tempe, annonça Imir.

Pica et Tuli se serrèrent l'une contre l'autre, des larmes plein des yeux. Teri leur caressa la tête, rassurante.

— Ça va aller, murmura-t-elle. Ils ne peuvent pas entrer par les fenêtres au risque de perdre leur magie, vous vous souvenez ? On aura fini le sortilège et on sera parties avant que la commandante ne monte. Maintenant, vérifiez le matériel pendant que nous vous mettons en sécurité.

Imir et elle s'éloignèrent des enfants. Le bébé dormait encore, sa peau lavande presque grise dans l'obscurité. A seulement six mois, le laboratoire ne s'était pas donné la peine de lui trouver un nom mais le groupe de soldats l'avait surnommé Weva.

Imir passa devant l'autel puis le mur immaculé sur lequel Teri avait commencé à graver les runes, et enfin la gueule noire de l'escalier en colimaçon. La lueur de la lune filtrait à travers la coupole de verre teinté du toit, décorant le reste du sol de douces flaques de couleur vive. Il jeta un coup d'œil par la fenêtre en ogive.

Dans la rue, les soldats de la commandante s'approchaient avec précaution, fusils braqués devant eux, et vérifiaient la présence de piège sous chaque voiture, derrière chaque poubelle.

— Je vais devoir descendre, souffla-t-il.

Il regarda une dernière fois sa sœur. Iels étaient de la même génération, sortis des mêmes cuves de croissance. Pas tout à fait le même modèle, par contre : il était plus grand, elle était plus musclée. Sa peau à elle possédait la couleur du ciel une magnifique journée d'été, la sienne celle de la nuit juste avant que l'aube ne naisse.

— Il doit y avoir une autre solution, supplia-t-elle, les yeux brillants.

Imir ne répondit pas. C'était inutile : elle protègerait mieux les enfants, il ralentirait plus efficacement leurs ennemis.

— Je vous aime, répondit-il tout bas.

Il se détourna et descendit.

Le rez-de-chaussée était plongé dans le noir. Les soldats hésitaient à franchir la porte : valait-il mieux obéir aux ordres et risquer de profaner un Temple, ou désobéir ? Imir savait qu'ils finiraient par entrer. L'obéissance était élevée au rang de vertu suprême au sein de l'armée, même chez les croyants.

En quelques secondes, il avait tissé son bouclier. L'étape la plus longue fut d'y inclure le piège, son ultime cadeau à sa famille.

Teri, qui lui avait ouvert les yeux sur le sens de la vie. Pica et Tuli, ses rayons de soleil – car elles illuminaient ses journées et le tenaient éveillé la nuit, aimait-il plaisanter. Elles étaient la deuxième génération, nées dix ans après Teri et lui.

Enfin, Weva, né encore dix ans plus tard. La preuve que toute discussion était vaine, que le laboratoire continuait de produire des soldats malgré les risques.

Le rez-de-chaussée était constitué d'une grande pièce ronde et haute de plafond. Les fenêtres éclaboussaient d'une clarté bleutée les étagères disposées en rayon autour du centre de la pièce, où se dressait un autel public. Un long tapis courait de la porte jusqu'à l'escalier, coupant la salle en deux. Il était couvert d'offrandes : nourriture, armes, vêtements, livres, même des ordinateurs.

Il n'y avait pas d'alarme, ni magique ni électrique. Imir et ses sœurs n'avaient touché à rien, pas plus qu'iels n'avaient verrouillé la porte : la Mère n'était pas tendre avec celleux qui profanaient son Temple en volant ou en empêchant autrui de s'y réfugier.

De plus, mieux valait que la commandante croie qu'iels respecteraient les préceptes jusqu'au bout ; ainsi, iels penseraient ses sœurs réfugiées à l'étage pour se cacher, pas pour tisser un sortilège interdit.

Des elfes et des fusils d'assautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant