Le Messager

4 2 0
                                    

Je pose finalement le dernier carton dans mon nouveau chez moi, ce chez moi qui n'est pas le mien. Il n'est que provisoire, et je le sais. En relevant le regard dans ce nouveau lieu, la réalité des événements me revient en pleine face. Il va falloir que je m'habitue à ce nouvel appartement, alors que je n'ai pas choisi de quitter l'ancien.

— Aéna ? T'es là mon cœur, m'interroge ma mère depuis l'entrée de mon appartement.
— Oui, je suis là dans le salon.
— Tu vas être bien là, regarde la cuisine est plus grande que l'ancienne.
—  Oui je sais maman c'est la quatrième fois que tu me le dis.
— Tu vas être bien là, et la vue, elle est magnifique ! Magnifique...
— Chérie, hurle mon père depuis l'entrée de mon nouveau chez moi.
— Dans le salon, lui répond ma mère tout en hurlant elle aussi.
— La vue est belle, dit mon père en entrant dans la pièce, cette simple remarque a le don de me faire rire. Ça va ma puce, m'interroge mon père avec ce regard que je connais bien.
— Oui...

Lorsque je referme la porte derrière mes parents, je me rends compte que je suis seule. L'appartement se situe dans une zone calme de la ville, une zone plus calme que celle de mon ancien logement. J'arpente cette nouvelle « maison », sans émotion, ce n'est pas chez moi, ça ne le sera jamais. Je n'ai pas choisi de déménager, on me l'a imposé, l'immeuble mitoyen au mien s'est effondré, emportant avec lui la vie de quatre personnes. Le préfet a donc ordonné que les autres immeubles du quartier soient vérifiés, mon immeuble est à risque, il va devoir être démoli. Nous avons été relogés, je me retrouve avec deux de mes anciens voisins, Mireille, la petite mamie qui habitait au rez-de-chaussée. Cette dame a toujours été d'une gentillesse inouïe, quand elle a appris pour mes problèmes médicaux elle s'est comportée comme une vraie mamie. Elle s'est comportée comme ma mamie. La deuxième personne est Hariel, il était mon voisin de palier, il est mon ami, mon confident. On a emménagé la même année lui et moi, on s'est tous les deux retrouvés dans une ville que nous ne connaissions pas vraiment. Aujourd'hui Mireille est devenue ma voisine du premier étage et Hariel est mon voisin du troisième étage.

L'effondrement de cet immeuble a changé ma vie, comme cette maladie l'a faite, ces deux événements sont marqueurs de changement, changement que je n'aurais pas voulu faire.

Une lettre. Une lettre avec seulement mon nom inscrit dessus, pas d'adresse, pas d'expéditeurs, rien. Je referme ma boîte aux lettres, puis me dirige vers l'ascenseur, tout en déchirant l'arrière de la lettre qui se trouve dans mes mains. Je ne trouve qu'une feuille blanche en premier lieu, en retournant la feuille je découvre une seule phrase, une seule phrase écrite avec soin.

Tu es forte Aéna.

Cette simple phrase me fait frissonner, elle veut dire si peu pour quelqu'un, mais tellement beaucoup pour moi. Je retourne une nouvelle fois la lettre mais toujours rien, pas d'indice sur l'identité de la personne qui m'a écrit, ces quelques mots.

Tu es forte Aéna.

Je ne le suis pas, je ne suis pas forte, je ne le suis plus. J'ai été forte, mais depuis un an et demi j'ai perdu cette force, j'ai perdu cette confiance, j'ai perdu espoir. J'oublie que je peux survivre, j'oublie qu'il-y-a encore une chance.

— Aéna, me questionne quelqu'un, je relève alors subitement la tête et tombe directement sur le visage de mon ami, Hariel. Qu'est ce que tu fais devant l'ascenseur ? T'es au courant qu'il faut appuyer sur le bouton pour qu'il arrive ?
— Ah ah ah, très drôle, je suis morte de rire, répliquai-je avec ironie.
— Pourtant ça se voit pas, dit-il en appuyant sur le bouton de l'appareil mécanique. C'est quoi ça, m'interroge-t-il avec un regard posé sur la lettre.
— Tu en poses des questions, je lui réponds avec un regard malicieux.
— Une amie à moi a dit un jour que j'étais une vraie pipelette.

MessagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant