31 | Les anges de la mort

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CECILIA

J- 51

04h45

St NW, Washington, district de Columbia, États-Unis

        

Il fait nuit quand le taxi nous dépose devant notre hôtel. Je récupère mon sac à mes pieds et me tourne vers ma sœur au moment où Rose sort quelques billets de sa poche. Julia dort à poing fermés, insensible aux secousses de la rue ou aux sirènes des pompiers au loin. Ses lèvres sont entrouvertes et malgré le bruit des portes avant, elle ne semble pas encline à sortir de son sommeil.

Je remue son épaule avec le ventre serré à l'idée qu'elle me regarde comme un monstre dès l'instant où elle soulèvera les paupières. Ses yeux papillonnent avant de s'ouvrir et ma main est toujours en équilibre sur son bras. Je suis la première chose qu'elle voit et d'abord, elle m'adresse un sourire endormi qui me donne envie de la prendre dans mes bras. Puis, comme une tempête qui reviendrait frapper à sa porte, ses yeux virent à la colère et elle se dégage de mon étreinte d'un coup de coude violent.

C'était à prévoir, en effet.

Je la regarde s'engouffrer par sa portière sans un regard de plus pour moi. Quand je les rejoins sur le trottoir, le chauffeur est en train d'aider Rosalia à sortir nos valises du coffre. Ma sœur, postée quelques mètres plus loin, s'étire les bras et observe l'avenue faiblement éclairée de la capitale. Je baille si fort que je manque de me décrocher la mâchoire et lorgne sur la façade de l'hôtel que nous avons réservé pour les quelques jours à venir.

Dans un souci de discrétion, nous n'avons pas choisi le plus luxueux des palaces mais pour l'heure, tout me va dans que je peux me rouler en boule sous une couette et dormir jusqu'à la fin de la semaine. La chauffeur fait l'erreur de repasser devant moi pour retourner dans sa voiture et alors qu'il me dépasse, je le vois baisser les yeux et s'écarter le plus loin possible en direction du caniveau pour ne pas avoir à me dévisager une fois de plus. Il faut croire que m'épier dans son rétroviseur durant tout le trajet ne lui a pas suffi pour déterminer si je suis ou non une abomination.

Je n'ai pas la force de m'amuser à le terrifier. Je crois que c'est à Thomas que je dois ce manque de plaisir. Quand nous avons quitté l'Italie, la seule satisfaction que j'ai trouvé à mes journées a été celle d'inspirer la crainte. En me cachant derrière mes cicatrices, j'ai essayé de me convaincre que j'étais forte, que j'étais inatteignable et que je n'avais besoin de personne pour survivre. Puis, quand il est arrivé, lui et ses grands rêves de violence, j'ai su que je m'étais trompé. Puis il y a eu l'affrontement entre Anton et Ruiz, deux chiens enragés du diable qui m'ont fait comprendre que ce n'était pas la voie que je veux choisir.

Je ne peux pas survivre si ma sœur me déteste. Je ne peux pas me battre seule, sans Rosalia à mes côtés. Je ne peux pas respirer si Alexander ne me tient pas la main. Plonger dans les ténèbres n'a rien d'une victoire si on doit s'y enfoncer seul, sans personne pour nous ramener à la surface quand la mer deviendra trop agitée. Et même si Julia me hait de toute son âme, je compte bien être cette personne pour elle.

La réception est plongée dans le noir le plus complet et seuls les lampadaires et les phares de quelques véhicules au dehors éclairent le hall d'entrée. Sans hésiter, Rose se dirige vers la machine près du comptoir qui clignote d'une lumière faiblarde. Au bout de quelques secondes, le distributeur nous délivre les cartes de nos chambres et la brune se tourne vers nous avec un petit sourire fier.

Julia nous fausse compagnie aussitôt sa clé récupérée. Elle disparait dans l'ascenseur en fer forgé sans un mot, sans même nous donner le numéro de sa chambre. Je me tourne vers Rose mais elle fait semblant de ne pas remarquer le comportement de ma sœur.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant