🦋 15 🦋

3 1 0
                                    

  Cela doit faire plusieurs heures que nous marchons dans la forêt mais nous n'avons ni vu de puma ni rencontré le moindre humain. Néanmoins nous ne désespérons pas. Je fais confiance à Eliott pour nous tirer de là. Après tout il a pris soin de moi dans la forêt alors que je subissais de la fièvre dû à mon opération qui d'ailleurs commence à me titiller. Je sens mon ventre me procurer de drôles de sensation.

  — Eliott on peut s'arrêter deux minutes. Je sais que ça fait des heures que l'on marche mais ma cicatrice commence à me faire vraiment mal.

  Il se retourne et me regarde. La main sur mon abdomen, mes muscles se tendent sous celle-ci. Il s'approche de moi et soulève mon T-shirt. La cicatrice est enflée et toute violacée. C'es très moche à voir. Si ça continue les points de suture risquent de lâcher et je pourrai perdre du sang. L'homme qui m'a opérée a dû bâcler le travail. Mais ce qui m'inquiète le plus c'est que je pourrai attraper une infection — et dans un environnement comme celui-ci les infections peuvent se montrer sous n'importe quelle forme.

  — Est-ce que tu crois que ça va aller jusqu'à ce qu'on trouve une ville ?

  — Oui mais ne me demande pas de courir. Et pitié détourne mon attention sur autre chose que ma douleur.

  — Sur une échelle de un à dix, à combien est-ce que t'es ?

  — Je dirais sept.

  — On va te soigner, dit-il en posant sa main sur mon bras, ce qui a pour effet de faire passer une décharge dans tout mon corps.

  Je sens le rose me monter aux joues et j'entends mes battements de cœur battre comme des fous dans ma poitrine. Un petit gémissement provenant du fond de ma gorge s'échappe de ma bouche. Je me râcle hâtivement la gorge pour qu'il n's'en rendre pas compte et déglutie.

  Il finit par reprendre la route devant moi afin de jouer le rôle de l'éclaireur et alors que ma douleur s'accroit, il me parle.

  — Alors c'était quoi le nom du vieux film ?

  — Pardon ?

  — Tu sais quand on était menotté dans le fourgon et que t'as sorti un morceau de métal de ton soutien-gorge, t'as dit que ça provenait d'un vieux film, c'était quoi son titre ?

  — Ha ha !

  — Qu'est-ce qui te fait rire ? Attention à la racine !

  — C'est juste que je l'ai vu qu'une seule fois dans ma vie et que ça m'a marqué parce que je ne croyais pas que c'était possible. Le film s'appelle Thunderbirds — les sentinelles de l'air. C'est des ados qui sont capturés par l'ennemi d'une organisation secrète internationale pour laquelle travaille le père du personnage principal. À un moment donné ils sont enfermés dans une chambre froide et l'un des personnages — Lady Penelope — éteint le courant de la chambre froide à l'aide du métal dans son soutien-gorge. Quand je l'ai vu étant petite j'ai trouvé ça carrément dément. Je me demandais souvent si c'était possible et j'ai... essayé.

  — T'es complètement folle ! dit-il en riant sous cape.

  — Je te signale que mon père est flic et quand t'es enfant de flic il y a des chances d'être kidnappé. Il fallait que je trouve des moyens de rester en vie.

  — Et grâce à ce film tu as su t'échapper.

  Puis Eliott garde le silence un long moment. Il est doué. Cette discussion m'a permis de ne plus penser à la douleur et de rire. Mais je sens qu'il est quand même tendu. Je tente alors de le détendre.

  — Tu ne regardes pas de film ?

  — Hum... je n'en ai jamais vu.

  — Ce n'est pas vrai !?

  — Si. Julio m'entraînait. À part son trafic, je n'ai jamais rien eu à moi ni fait quoique ce soit.

  — Ça a été difficile. Avec Julio je veux dire ?

  Son ton est plus dur, plus acide. Mais pas à mon égard. Il est destiné à sa vie... celle qu'il entretenait avant.

  — Plus que tu ne peux l'imaginer. J'ai vu les pires atrocités depuis mon plus jeune âge. J'y trempais depuis môme. Julio m'a éduqué et formé. J'ai fait des choses épouvantables. Il m'a fait des choses ignobles.

  Je sais qu'il est en train de se confier mais après notre discussion près de ma cachette je ne veux pas qu'il se recroqueville dans sa coquille. Je ne veux pas trop le bousculer. Alors je dois à mon tour détourner son attention.

  — Alors faudra que je t'en fasse regarder. Tu ne peux rester sans avoir vu les plus grands classiques. Avengers, Harry Potter, Star Wars. Mais la première chose que je te ferai regarder ce sera Thunderbirds ! Par contre je ne garantie pas que ça sera fifou. Je l'ai regardé il y a longtemps mais il n'est peut-être pas bon.

  Il rit de nouveau. J'ai réussi à le refaire sourire. Il se tourne alors vers moi et je vois ses dents pour la vraie première fois. Pas le sourire forcé mais le sincère. Celui qui m'est destiné.

  — J'ai hâte alors ! il me répond et nous échangeons un sourire franc.

  Nous restons un moment, immobiles et ne détachons pas notre regard l'un de l'autre. Nous sommes comme figés dans le temps. Après tout ce que nous avons vécu je crois que j'arrive à discerner une once de répit et de soulagement. Notre malheur s'approche de la fin. Et alors que je suis concentrée sur sa bouche à la large cicatrice, mes yeux distinguent une ombre dans le fond. Je fronce les sourcils, intriguée et décale mon regard derrière lui. Je plisse les yeux et mon visage se transforme. Mes traits se détendent et ma bouche s'ouvre. Malgré l'épaisseur de la forêt la vision que j'ai est très nette. Je reconnais les contours de bâtiments.

  — Eliott !

  — Quoi ça ne va pas ? dit-il avant de s'empresser de venir à moi.

  Il place ses mains de part et d'autre de mes hanches mais je l'arrête en mettant une main sur son biceps et de la lui tapoter.

  — Non, non, regarde ! On approche d'une ville !

  Les mains toujours accrochées à moi, seule sa tête tourne pour observer la même chose que moi. Son visage se fend d'un sourire et il le retourne vers moi.

  — T'es prête ?

  Je prends un instant avant de lui répondre. Le cœur battant la chamade et l'adrénaline coulant déjà dans mon corps, j'émets un petit rire étouffé avant de le regarder dans les yeux avant d'hocher la tête. On va enfin sortir de cette forêt ! Il me prend alors la main et se met à mes côtés pour qu'on sorte ensemble.


🦋🦋🦋

Pretty Deadly ButterfliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant