Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. J'ouvrai difficilement les yeux. Cette chambre blanche, si blanche, était aussi vide, si vide. Le lit comblait un peu l'espace, mais ne permettait pas de réduire l'écho de l'horloge.
Ding, dong ! Sonnait l'horloge dans ma chambre. Je fronçai mes sourcils. Les murs étaient blancs, le sol était blanc, le plafond était blanc, le lit et sa parure étaient blancs, le pied à perfusion était blanc, la lumière était blanche. Tout était blanc.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Ma tête commença à bourdonner. Encore. La chambre était dégarnie de fenêtres. Je n'avais aucun moyen d'observer le paysage, d'écouter les oiseaux chanter ou d'entrer en contact avec le monde extérieur. Seule une porte, blanche, décorait la pièce. Et cette horloge, blanche également.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Tu es seule, Lucy. Le sédatif ne faisait déjà plus effet. Je ne distinguais aucun bruit provenant de la porte et du monde qu'elle pouvait cacher derrière. Je n'entendais que le réveil de mon corps sous ces draps blancs et les deux cloches de l'horloge.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Tu es toute seule, Lucy. Et cette voix. Cette voix qui semblait venir de la chambre. Où se cachait-elle ? Je tentai de m'asseoir, en vain.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Toujours toute seule, Lucy. Les membres de mon corps étaient unis par une seule et même douleur. Je relevai doucement ma couverture. Elle laissa apparaître ma robe blanche, et mes jambes, aussi blanches que la neige, parsemées d'ecchymoses violettes.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Ne m'entends-tu pas, Lucy ? La seringue, enfoncée dans une veine de mon bras gauche, me tordit soudainement de douleur. Je regardai l'aiguille, plantée dans ma chair, et suivis de mon regard le tuyau jusqu'à la poche, vide.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. N'entends-tu pas ma voix, Lucy ? D'un geste brusque, j'ôtai le pansement qui maintenait l'aiguille, la retirant alors de mon bras. Et le sang jaillit. Rouge. Rouge devint mon bras. Rouges devinrent mes draps. Et le sang, rouge, ne cessa de couler, le long de mon bras.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Je sais que tu m'entends, Lucy. J'élançai mes pieds vers le sol et restai quelques minutes ainsi : mes fesses sur le lit, mes pieds blancs sur le carrelage blanc, le rouge qui tombait goutte-à-goutte parterre. Rouge.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Qu'essaies-tu de faire, Lucy ? Le vacarme dans ma tête reprit de plus belle. C'est tout rouge. Mes mains serrèrent mon crâne. Si rouge. Je me levai et tendis la main devant moi, en direction de la poignée de la porte, comme si ce geste m'aidait à atteindre ma destination. Trop rouge. Je l'abaissai de ma petite force, mais le verrou eût raison de moi.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Je suis ici, Lucy. Mon corps s'immobilisa. Cette voix, qui résonnait dans ma tête, avait augmenté en puissance. Tu es toute rouge. Son écho parcourut mon échine, laissant un voile glacé près de ma nuque.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Je suis là, Lucy. Un bruit sourd retentit dans la chambre. Celui d'un corps qui se laissait traîner. Prends les ciseaux. Ma vision se troubla. Je le sentais se déplacer. Il avançait, pas à pas, vers la porte blanche. Il avançait, pas à pas, vers moi.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Juste là, Lucy. Ma main resserra son emprise sur ces lames tranchantes. Ma respiration se saccada. Mon corps trembla. Le rouge dégoulinera pour toujours. Et puis, la masse s'arrêta. À deux centimètres de moi.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. Derrière-toi. Je brandis subitement les ciseaux en l'air et me jetai sur mon assaillant. Encore. À terre, je m'assis sur son bas ventre et le frappai. Encore Lucy. Les coups plurent sur son abdomen, sur sa poitrine, sur son cou. J'aime le rouge, Lucy. Le sang s'écoulait de part et d'autre, il éjaculait de chaque entaille causée, chaque profondeur creusée. C'est beau, le rouge. Je frappai encore, et encore, et encore.
Ding, dong ! sonnait l'horloge dans ma chambre. L'horloge m'arrêta, nette. C'est la première fois que je remarquai son tintement, si doux, si aiguë, si paisible. J'observai la chambre dans laquelle j'étais emprisonnée. Elle scintillait bien plus, et le rouge, qui s'emparait de sa blancheur, dévoilait la passion d'un moment charnel entre deux corps. Un dernier soupir s'échappa de ce qui se trouvait sous mon bassin. Mes yeux dérivèrent doucement. Et je me figeai. Une flaque s'échappait du corps sans vie de l'infirmière. Ses blessures me permettaient d'entrevoir certaines de ces entrailles. Son cou, torturé par mes lames, évacuait encore le sang que mon poids poussait vers la sortie. Ses yeux, grands ouverts, avaient explosé sous deux coups bien précis, et des larmes rouges coulaient le long de ses joues. En éloignant ma vue de ce cadavre, j'aperçus le cadeau bien emballé sur le sol avec une petite carte. Je m'en saisis. « Joyeux Noël ! » lisai-je. Mon regard dévia sur la paire, rouge, toujours dans ma main droite. « Prends les ciseaux », m'avait-elle dit. Un violent sanglot s'empara de moi. Les larmes commencèrent à dévaler les pentes creusées de mon visage, quand retentit au creux de mon oreille :
Je suis encore là, Lucy.

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Joyeux Noël
Short StoryUne chambre. Un lit. Une horloge. Plongez au cœur de cette nouvelle horrifique qui vous glacera le sang... Ou le fera couler.