24 août 2020
Cher journal,
Aujourd'hui, c'est comme d'habitude.
Je ne suis pas calme, je ne suis pas agitée. Je suis simplement... En fait, je ne sais pas comment je suis.
Je ne sais pas ce que je ressens.
Vois-tu, en moi, mes émotions se font la guerre. Il y a de la peine, de la déception, de la colère, et aussi un petit peu de joie. Je ne pourrais pas te dire d'où elle vient, car je l'ignore moi-même.
Comme me l'a fait remarquer mon ancienne psy, si je ne veux pas dire ce que je ressens, alors il faut que je l'exprime d'une autre manière. Je vais l'écrire. Je vais essayer de mettre des mots dessus. Et je l'écris ici, car je sais que toi, tu ne me jugeras pas.
En moi, il y a de la peine, car je sais que mes parents se font énormément de soucis pour moi, pour mon intégration à l'école. Je sais qu'ils veulent que j'aie des amis, mais je n'y arriverai pas.
La déception est là parce que je ne pourrai pas les rendre fiers de moi. Je ne pourrai pas revenir, dans une semaine, et leur dire que j'ai adoré ça, que je veux y retourner. Non, ça sera au-dessus de mes forces. Ça va les décevoir.
Je suis en colère contre moi, contre ma famille, contre tout le monde en fait. Je me déteste de ne pas faire plus d'effort pour réussir à m'intégrer, de ne pas accepter de voir une psy. J'en ai marre que mes parents ne comprennent pas que, depuis deux ans, plus rien ne va dans ma vie. Ils pensent qu'il faut juste que j'oublie et que tout ira mieux. Sauf que je ne peux pas oublier ! Même si je le voulais, je ne pourrais pas. C'est gravé dans ma mémoire, et ça le sera pour toujours.
Mais au fond, il y a cette petite étincelle de joie qui est là et qui me permet de ne pas craquer, de ne pas me jeter dans le lac et de me laisser me noyer. C'est grâce à elle que je tiens. Je ne sais pas d'où elle sort, peut-être parce que je suis assise au bord du lac, le goût de l'eau sur la langue, le vent s'emmêlant dans mes cheveux. Peut-être que c'est l'excitation d'aller chercher mes fournitures scolaires dans un autre pays ? Ou peut-être est-elle simplement là, parce que, même si je l'ai souvent crue, elle ne m'a jamais vraiment quittée ? Peut-être qu'elle a toujours été dans mon cœur et qu'elle ne s'y délogera pas ? Qui sait, c'est sans doute elle qui me permettra de rester en vie, qui me permettra de vieillir, de fonder une famille et peut-être de délivrer, un jour, ma langue de ce secret ?
Quoi qu'il en soit, je tiens à cette étincelle qui me permet de ne pas me détacher de ce monde, de subir toutes les remarques de mes parents me disant ce que je dois faire.
Aujourd'hui, je dois aller chercher mes fournitures scolaires pour faire ma rentrée. Je ne connais pas les choses à la mode chez les jeunes de mon âge... de quelles couleurs devraient être mes affaires ? Avec ou sans motifs ?
Je ne me sens pas bien rien qu'à l'idée de l'école.
Mais je vais devoir m'y faire, mes parents ne me laisseront pas rester à la maison.
Peut-être que je devrais me jeter d'un pont en revenant ? Au moins, je serais débarrassée de cette idée d'école.
Mais je suppose que ce n'est pas une solution envisageable.

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La faute au silence / EN REECRITURE \
Novela JuvenilCe n'est pas ma faute si je n'ai pas réussi à m'exprimer. Il m'a toujours empêché de parler, me contraignant à rester muette malgré moi. Je suis Lessy Martin, une adolescente de quatorze ans, aussi normale que je peux l'être, joyeuse, qui aime vivr...