Chapitre 14

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Je dois m'être endormi en pleurs, car mon oreiller et mes yeux sont trempés. Trop d'émotions d'un coup. Le souvenir de cette soirée m'est revenu en mémoire, aussi précisément qu'il a deux ans. J'avais l'impression de le vivre une deuxième fois.

Mais au moins, je me suis libérée de tout ce qui me faisait du mal, même s'il y a encore une partie qui restera à jamais gravée au fond de mon cœur, au fond de mon esprit, au fond de moi. La pire de toutes.

Je me lève mécaniquement et me prépare pour aller à l'école. Deuxième jour de cours. La journée d'hier avait été merveilleuse, et j'ose espérer que ce sera le cas aussi pour celle d'aujourd'hui.

En arrivant, je retrouve Jules et Noah, assis sur un banc.

— Allo Lessy ! Comment ça va ?

Je lève un pouce en l'air.

Ils n'ont pas eu besoin d'adaptation pour me parler. Ils se comportent normalement et on se débrouille pour se comprendre. Nathan ne tarde pas à arriver et un sourire illumine mon visage. C'est un peu comme un rayon de soleil qui perce entre les nuages. C'est mon rayon. Celui qui me réchauffe.

Hier soir, en rentrant, Jules a laissé entendre que Nathan et moi, on irait bien ensemble.

Sur le moment, j'avais rougi et balancé la tête de gauche à droite. Ce n'était pas méchant, mais je considère plus Nathan comme un ami. Juste un meilleur ami. Ça n'ira pas plus loin. Et puis, je ne me suis toujours pas remise de ma dernière relation. Je pense encore beaucoup trop à Yan pour sortir avec quelqu'un d'autre.

Il avait alors pris une fausse tête de déception, puis avait rigolé avec nous.

Noah, lui, avait juste souri. Je ne pense pas qu'il ait trop apprécié la plaisanterie, je ne sais pas pourquoi.

La cloche sonne et nous allons en cours.

Noah, Jules et Nathan sont toujours avec moi dans les cours et j'en suis heureuse, ça me permet d'avoir des repères, du soutien, quand cela devient trop difficile. Mais il y a aussi les autres élèves qui sont gentils et le professeur. Malgré mon handicap, je me sens acceptée telle que je suis, pour qui je suis.

Le soir, les garçons font le trajet avec moi, car nous habitons tous dans le même quartier.

Nathan et Jules sont devant Noah et moi, le trottoir n'étant pas assez large pour qu'on marche à quatre. Mais ça ne gêne aucunement le garçon, qui est heureux de se retrouver seul avec moi.

— Lessy, connais-tu des bases de québécois ? me demande-t-il brusquement, après un moment de silence.

Je fais une vague avec ma main, signifiant que j'en connais quelques unes, mais pas tant que ça.

Il garde le silence tout le long du trajet, et ne parle que lorsqu'on souhaite bonne soirée à Jules, puis à Nathan.

Alors que je m'apprête à rentrer chez moi, il me retient par le bras et me murmure à l'oreille :

- Lessy, quand j'suis avec toé, j'suis aux petits oiseaux et quand t'es pas là, j'te vois dans ma soupe. J'trippe sur toi. Cherche par toi-même ce que ça veut dire, ne demande pas d'aide à quelqu'un et surtout pas aux garçons.

Puis, il s'en va, me laissant interloqué sur place. Il n'y avait aucune expressions dans son regard. Est-ce méchant ? Il me déteste ? Ou alors c'est gentil ?

J'ai quelques mots de vocabulaire québécois, mais cette phrase n'en fait pas partie. Je me demande pourquoi il ne souhaite pas que j'en parle aux garçons...

Chez moi, je résiste à l'envie de chercher la signification de ce que m'a dit Noah.

Qu'est-ce que ces mots peuvent bien signifier ?

Mon esprit s'acharne sur ces mots dont je ne comprends pas le sens.

C'est sur ces pensées que je m'endors, ses pensées turbulentes, ses pensées sans accord les unes entre les autres, ses pensées qui tentent de savoir ce que ça signifie.

La faute au silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant