CHAPITRE X

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Un chat recouvert de sang gisait devant les pattes de Tommy. « Il doit être mort depuis peu… annonça Œil du Fleuve. Il a reçu de grosses morsures, il ne pouvait pas survivre à ça ». L’odeur du cadavre l’empêcha de détecter une éventuelle menace, elle invita alors le mâle tigré à déguerpir. Celui-ci hésita, il lui dit en écarquillant les yeux : « nous devrions l’enterrer !

- D’accord, mais ne traînons pa… ».

Un hurlement déchira le calme pesant qui s’abattait sur la forêt. Dans l’ombre des arbres, deux chiens errants apparurent, ils avançaient vers les félins en montrant les crocs. « Il ne manquait plus que ça ! » s’écria la femelle en sortant les griffes. Ils se mirent à courir à toute allure, oubliant toute fatigue pour échapper aux molosses. Œil du Fleuve cria le nom de son demi-frère et lui indiqua le marronnier sous lequel il y avait leur campement de fortune. Ils se propulsèrent dans l’arbre et grimpèrent le plus haut possible. En bas, les cabots aboyaient en balafrant le tronc, mais ne pouvaient atteindre leurs proies.

« Nous sommes en sécurité, il faut attendre qu’ils partent maintenant, lança la guerrière. Elle remarqua la nervosité de Tommy, il tremblait, la queue entre les pattes. Qu’est-ce qui ne va pas ?

- J’ai le vertige, répondit-il avec amertume.

- Ça va aller, je suis avec toi » compris la chatte en se rapprochant de lui calmement, malgré les jappements des chiens infatigables.

Ils durent attendre jusqu’au soir pour redescendre sans crainte. Œil du Fleuve aida Tommy qui semblait pétrifié sur sa branche, il n’osait pas sauter. Par prudence, elle préféra quitter les sous-bois et continuer de suivre le chemin argenté. La nuit était bien tombée lorsqu’ils se mirent à longer la voie. Ils voulaient profiter de la fraîcheur car le soleil brûlant les condamnait à suffoquer.

Après une longue marche, les deux félins trouvèrent une clairière. Ils ramassèrent de la mousse et la mirent à l’intérieur d’un arbre creux. La femelle au rayures noires s’écroula dans sa litière et s’endormit sans peine. Au petit matin, en sortant du sommeil, elle s’aperçut que Tommy ronflait, appuyé contre son flanc. Œil du Fleuve s’efforça de ne pas le réveiller en se levant. Elle sortit de l’abri et respira l’air frais de l’extérieur. Son ventre gargouillait, elle décida d’aller chasser. Sa truffe décela un fumet de lapin, elle se dirigea alors vers sa proie en catimini. Cachée derrière un fin buisson, la guerrière vit la bête, assise dans l’herbe en train de se gratter une oreille avec sa patte arrière. Le vent venait dans sa direction, le lapin ne pourrait sentir sa présence. Elle bondit en dehors de sa planque et s’abattit sur sa prise tel un faucon. Au même instant, un bruit assourdissant résonna. Des oiseaux s’envolèrent, effrayés, tandis que la proie prit la fuite. Un monstre-serpent venait d’emprunter le chemin de fer, à seulement quelques longueurs de queue de la clairière. Quand Œil du Fleuve revint, elle ne ramena qu’une musaraigne et un mulot. Tommy qui était en train de taillader l’arbre creux la remercia pour sa chasse en lui effleurant le bout du museau. Ils se partagèrent le mince gibier avant de quitter leur campement.

Les deux matous se remirent en chemin. Le soleil se glissait dans le ciel azuré, la journée s’annonçait être encore très chaude. Alors qu’ils longeaient la voie argentée, le mâle tigré se mit au même niveau que sa demi-sœur pour lui dire :
« tu penses que les chiens errants ont tué le chat ?

- Oui malheureusement, quel autre animal serait capable de faire une telle chose…

- Des blaireaux, des renards, même un autre chat nan ?

- C’est vrai… mais ne parlons plus de ça d’accord ? Je n’ai pas envie d’avoir l’image de ce pauvre chat tourner en boucle dans ma tête ! » Tommy acquiesça, il ne voulait pas la déranger. Œil du Fleuve se demandait quand ils arriveraient au pont en pierre ; la grande rivière ne devrait plus être très loin, du moins je l’espère. L’après-midi arriva, il n’y avait pas même une légère brise, juste des rayons brûlants faisant fuir le gibier sous terre. Autour d’eux, des champs s’étendaient jusqu’à l’horizon, le chemin de fer passait dessus. C’était une véritable ligne droite interminable, sans aucune ombre pour s’abriter du soleil. En fin d’après-midi, la guerrière crut que le sol allait se dérober sous ses pattes. Elle voyait trouble et ne pouvait plus avaler sa salive, tellement l’eau lui manquait.

La Guerre des Clans : Un nouveau départ ( CYCLE 1 - LIVRE 1 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant