Chapitre 4

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 16 janvier 2024

Les semaines passent sans qu'on ne puisse les arrêter. La moitié de l'année scolaire s'est déjà écoulé et j'ai encore l'impression que la rentrée était hier, que je ne suis toujours pas adapté au rythme effréné de la classe préparatoire.

Je n'ai jamais su ce qui était arrivé à Carole lors du week-end d'intégration. Elle a pu être prise en charge tout de suite car nous étions encadrés par du personnel médical présent normalement pour prévenir les débordements en terme d'alcool principalement. J'ai essayé de lui parler lorsque nous sommes revenus en cours le lundi suivant, mais je n'ai réussi à obtenir que des regards distants et un emmêlement d'excuses pour m'avoir en partie gâché ma soirée. Je lui ai gentiment répondu que ce n'était pas le cas et que j'ai quand même réussi à m'amuser malgré mon inquiétude. Nous en sommes restés là.

L'ambiance s'est affaibli depuis quelques mois, comme si la prépa avait fini par étouffer notre bonne humeur. L'hiver n'y est pas pour rien non plus, on ne voit presque plus la lumière du jour penché sur nos cahiers et classeurs. Les deuxièmes années nous ont bien prévu quelques nouvelles folies pour lutter contre cette routine assommante, mais malgré tout nos vies ne se résument plus qu'à ce seul mot « travail ».

Aujourd'hui, je me suis efforcé d'être en avance, ça fait du bien de ne pas être obligé de courir en sortant du bus. Je devrais faire ça plus souvent.

J'arrive donc dans les premiers devant la porte de la salle de physique-chimie. J'ouvre mon téléphone pour regarder quelques vidéos en attendant les autres. C'est Maxime qui arrive en premier, il se pose en face de moi presque énervé et me demande :

- Tu as compris l'exo de physique ?

L'exo de physique ? Quel exo de physique ? Un éclair de lucidité, c'est vrai qu'on avait des exercices à faire pour aujourd'hui !

- Euh... Non, pas vraiment, je réponds en essayant de me rappeler ce qu'il devait bien contenir.

- J'y ai passé deux heures hier soir et je ne comprends toujours pas sa stupide conclusion.

- Je ne suis pas arrivé à la conclusion, j'avoue même si en réalité je n'ai pas commencé l'exercice.

- Tu as trouvé quoi à la question 1 ?

- Euh... Je sais plus.

La sonnerie vient me sauver, il est hors de question que j'avoue que je n'ai pas fait mes devoirs. Je rentre dans les derniers dans la salle et me retrouve tout au fond à côté de Emma et Marion. Mon professeur commence son cours avec son habituelle flemme du mardi matin. On se retrouve au moins sur ce point là, huit heure, c'est trop tôt.

- Avant de corriger les exercices à faire pour aujourd'hui, je vais vous rendre vos DS.

Ah oui, c'est vrai nos DS, je les avais oublié.

- Comme d'habitude, continue-t-il, je rendrais la première moitié de copies par ordre décroissant de note, puis je mélangerai la deuxième moitié du paquet.

Je me retrouve souvent en fin de première moitié. Ce DS devait porter sur les ondes. Si je m'en souviens bien, je m'en suis pas trop mal sorti. J'ai du presque répondre à toutes les questions de cette évaluation d'une longueur interminable.

- Avec 20/20 : Carole.

La classe applaudie. Carole s'est révélé être une bonne élève, mais je ne crois pas qu'elle est déjà été majorante. Je suis le professeur du regard. Il glisse quelques mots à ma camarade de classe avant de continuer la distribution.

Je m'en tire avec un 12, c'est correct pour une note en prépa. Le dernier exercice est bâclé, je m'en doutais.

Le cours débute enfin. On commence par la correction des exercices. La conclusion incompréhensible d'après Maxime n'est finalement qu'une énième blague de mauvais goût de notre professeur. Comment est-ce qu'on était censé savoir la taille idéale d'une vague pour surfer ??? Des grognements de désapprobation se font entendre dans la salle. A priori mon ami n'est pas le seul à s'être fait avoir.

Après de longues et ennuyeuses explications sur la chimie organique, l'heure se termine enfin. Je vois Claire et son groupe d'amis sortir de la salle suivis par Emma et Marion. Seule Carole se dirige vers le bureau de notre enseignant. De mon côté, je prend le temps de ranger mes affaires. Finalement nous ne sommes plus que trois dans la salle.

Mon professeur croise les bras et toise ma camarade l'air grave.

- Tu as conscience que tu n'as aucun intérêt à tricher ?

Mon cœur manque un battement. Tricher ? C'est sur que ça expliquerait son 20/20, mais je vois mal Carole tricher.

- Je... n'ai pas triché, Monsieur, se défend cette dernière.

- Bien sur, alors il va falloir que tu m'expliques comment cela se fait que ta copie soit un copier-coller mot pour mot de ma correction.

- Ce doit être un hasard, répond ma camarade d'une voix inquiète.

L'homme semble sceptique, moi aussi d'ailleurs. Je me dirige vers la sortie de la salle en faisant mine de ne pas écouter leur discussion.

- Je dois avouer, continue l'enseignant, que je t'admire un peu parce que je n'ai pas la moindre de comment tu as réussi à voler le corrigé, rien que pour ça et parce que je n'ai aucune preuve que tu as tort, je vais te laisser ta note, mais que ça ne se reproduise pas, est-ce clair ?

- Merci Monsieur.

Je sors de la salle avec beaucoup trop de questions en tête. Comme je l'espérais, Carole me rattrape peu de temps après.

- Comment t'as fait ? Je demande avec pointe d'excitation.

- Comment j'ai fait quoi ?

- Bah, pour voler le corrigé du prof.

Elle baisse la tête.

- Je n'ai pas triché, je te jure.

Je pose mes yeux sur elle attendant qu'elle relève les siens. Nos regards se croisent.

- Ne parle de ça à personne s'il te plaît, me demande-t-elle.

- Bien su..., je m'arrête net et serre les dents. Une douleur vive se lance dans ma jambe.

« Oh non, ça recommence. »

- Ça va ? me demande la jeune fille.

J'essaie de continuer à avancer naturellement malgré la souffrance que ça me procure.

- Oui oui, ne t'inquiète pas.

- Les médecins n'ont toujours pas trouvé ce que tu as ?

Je m'arrête. Elle aussi. Je vois dans son regard qu'elle a dit la phrase de trop, qu'elle s'est trahi. Je sens la colère monter en moi.

- Comment tu sais ça ?

J'ai une maladie qui fait que je peux avoir des piques de douleur intense dans n'importe quelle partie de mon corps à n'importe quel moment. Malgré les nombreux examens que j'ai passé, personne n'a jamais pu poser un diagnostic exact sur ce que j'ai.

- On en avait parlé une fois je crois.

C'est impossible. J'ai toujours bien fait attention de ne jamais en parler à qui que ce soit. J'ai horreur qu'on me prenne en pitié.

- Comment tu sais ça ? Je répète plus menaçant.

Je vois la panique dans son regard. J'ai même l'impression de voir les centaines d'excuses défiler dans son esprit. Qu'est-ce qu'elle cache ? Je compte bien le découvrir là, maintenant, tout de suite.

La sonnerie retenti. Je la maudis intérieurement.

- Il faut qu'on aille en cours, me dit Carole, sauvée.

4 septembre 2023Où les histoires vivent. Découvrez maintenant