1. Set my world a blaze

8 1 0
                                    




Oliver

Hartford, Etats-Unis, Octobre 23

Le crépuscule s'étirait, jetant une lueur orangée sur les murs de ma chambre. Vendredi, 18h00. Encore une semaine qui se termine sans avoir foutu un pied à la fac. La maison est étrangement silencieuse, ma mère était partie travailler plus tôt que d'habitude, laissant derrière elle un vide que j'avais appris à ignorer. Avachi sur mon lit depuis un nombre d'heures incalculable, ma guitare basse reposant sur mon torse, je gratte quelques accords. Toujours les mêmes que je joue sans même en avoir conscience, et les notes finissent par s'évaporer dans l'air, perdues. La lueur des derniers rayons du soleil donne naissance à des ombres lugubres dansants avec paresse autour de moi, et soudain, c'est la solitude qui reprend possession de tout mon être. Et cette putain de sensation dans le cœur, comme si une lame s'y enfonçait, encore et encore. J'étire un bras pour attraper le tabac et les feuilles à rouler sur ma table de chevet en bordel. Bien vite, j'avale la première bouffée qui m'étreint légèrement la gorge avant de descendre le long de mon œsophage. Ça ne me fait plus rien depuis le temps, je touche à bien plus nocif que ça. Surtout depuis le décès de mon père. Mais là, je suis à sec, alors je prends ce que j'ai. Ah, les vices de l'Homme...

Je laisse échapper un long soupir, la fumée s'échappant de mes lèvres en volutes fines. Je n'ai pas bougé de ce lit depuis des heures, peut-être des jours. Le temps s'est étiré, comme une bande élastique trop tendue, prête à se rompre à tout moment. Depuis que mon père est parti, une partie de moi est partie avec lui, et ce vide, ce gouffre sans fond, je le remplis avec ce que je peux, avec ce que je trouve, même si ça m'aspire un peu plus chaque jour.

Je me redresse doucement, mes muscles protestant sous le poids de l'inertie, et j'attrape la bouteille de whisky à moitié vide qui traîne sur ma table de chevet. Elle aussi a été ma compagne fidèle ces derniers temps, mais elle ne m'offre plus le réconfort d'autrefois. Je prends une gorgée, sentant le liquide brûler en descendant, mais ça ne m'apaise pas. Pas comme avant.

Le silence dans la maison est assourdissant. Le bruit des glaces dans le verre, le froissement des feuilles de tabac, tout semble amplifié, résonnant dans ma tête vide. Et cette solitude, cette putain de solitude, c'est tout ce qui me reste. Même la douleur qui se loge dans ma poitrine me semble préférable à ce néant. Au moins, elle me rappelle que je suis vivant, quelque part au fond de cette carcasse que je trimbale.

Je finis par me lever, titubant légèrement, le sol froid sous mes pieds nus. Je me dirige vers la fenêtre, l'ouvre en grand, et m'appuie contre le rebord. Le crépuscule s'efface lentement, laissant place à une nuit sans étoiles, une nuit qui s'étend comme un voile épais sur mes pensées. Je scrute l'obscurité, cherchant quelque chose, n'importe quoi, un signe, une échappatoire peut-être. Mais il n'y a rien. Rien d'autre que le vide.

Je repense à ce que je pourrais faire, à ce que je devrais faire. Retourner à la fac ? Ça me semble si loin, si futile. Comme si ça avait encore une importance. Ma mère croit que je vais revenir à la normale, que je vais me reprendre en main, mais elle ne comprend pas. Personne ne comprend. Surtout pas moi.

Je tire une nouvelle bouffée, puis écrase ce qui reste de ma cigarette dans le cendrier déjà plein à craquer. Le goût amer du tabac me rappelle la réalité, celle que je cherche à fuir sans succès. Je me laisse glisser contre le mur, assis par terre, la tête entre les mains. Peut-être que demain sera différent. Peut-être que demain, je trouverai la force de me lever, de sortir, de faire semblant que tout va bien. Peut-être. Ou peut-être pas.

Un bruit soudain me sort de mes pensées. Une voiture qui passe, ses phares perçant la pénombre pendant un instant, puis disparaissant derrière les habitations. Je lève la tête, les yeux fatigués, rougis par le manque de sommeil et la fumée. Le monde continue de tourner, indifférent à ma souffrance, indifférent à ma présence. Et moi, je reste là, figé, comme un fantôme qui erre dans sa propre vie.

The Depth Of Your SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant