AbigailHartford, Etats-Unis, Octobre 23
Je m'étais préparée à beaucoup de choses avant de me lancer dans les cours particuliers du soir. Des parents trop protecteurs qui insistent pour surveiller chaque minute de la séance, des élèves complètement perdus, d'autres plus bavards que studieux, et même le type un peu lourd qui pense qu'il peut me séduire pendant le cours. Mais être assise seule, chez un inconnu avec qui j'ai littéralement échangé deux phrases, en train de faire mes propres devoirs... ça, je ne m'y étais pas du tout préparée.
Quand la mère d'Oliver m'avait prévenue qu'il traversait une période difficile et qu'il était en échec scolaire complet, je m'étais imaginé des défis, certes, mais jamais je n'aurais pensé qu'il refuserait carrément de coopérer. Et même si j'avais voulu le forcer à s'y mettre, il fallait être réaliste : avec ses 1m85 et sa carrure musclée, Oliver était intimidant. Si les choses devaient dégénérer, je savais pertinemment que je n'aurais aucune chance contre lui.
Alors, comme je l'ai toujours fait face à l'adversité, j'ai pris mon mal en patience. Après tout, il n'y a aucun endroit qui pourrait être pire que la maison de mon oncle et ma tante. En attendant que la situation évolue, j'ai réfléchi à ce que j'allais dire à Mme Prescott quand elle rentrerait. Je ne voulais pas qu'elle pense que je perdais mon temps, ou pire, que je n'étais pas capable de gérer son fils.
Je suis plongée dans mes notes lorsque la porte d'entrée s'ouvre brusquement sur Mme Prescott. Les clés encore dans une main, elle balaie la pièce du regard, visiblement à la recherche de son fils.
« Bonsoir ! » dis-je, en forçant un sourire que j'espère naturel. Je savais bien que l'absence d'Oliver allait susciter des questions, mais j'avais déjà préparé mes réponses.
- Où est Oliver ? Je pensais que vous deviez travailler ensemble.
Mon cœur se met à battre un peu plus vite, mais je m'efforce de ne rien laisser paraître.
- Oh, il était là il y a quelques minutes. Nous avons bien avancé et il a pris une petite pause. J'étais sur le point de ranger.
Je commence à rassembler mes livres et mes fiches, les fourrant en pagaille dans ma sacoche pour renforcer mon mensonge.
Mme Prescott semble se détendre un peu, son visage s'adoucissant.
- Tant mieux. C'est important qu'il reprenne un rythme de travail. Merci, Abigail. J'espère que ces séances vont porter leurs fruits. Elle fouille dans son sac à main et en sort un portefeuille. Tiens, 100 dollars comme convenu.
L'inquiétude qui me serrait la poitrine se dissipe instantanément à la vue du billet vert. 100 dollars. C'est bien plus que ce que j'avais imaginé, bien plus que ce que j'avais compris lors de notre premier échange téléphonique. Je croyais que 100 dollars serait ma paie pour cinq cours, soit une semaine complète. Et je trouvais déjà cela énorme. Mais là, pour une seule soirée... C'était inattendu, mais ça faisait soudainement tout paraître un peu plus supportable.
- Merci beaucoup Mme Prescott, je reviendrai lundi à la même heure si c'est ok pour vous et Oliver !
- Bien sûr Abigail, à bientôt.
La porte se referme sur moi, je n'ai plus qu'à marcher dans les rues vides et sombres pour rentrer. Je ne cesse de triturer le billet que je venais d'avoir. 100 dollars. Les calculs fusent dans ma tête. Je ne dois pas perdre ce job, c'est la clé de ma liberté. Qu'Oliver le veuille ou non, je trouverai un moyen de rester. Même si ça signifie passer plus d'une heure chaque soir aux côtés d'un mec bougon au possible. Après une vingtaine de minutes à traîner mes pattes sur le bitume, j'aperçois enfin la maison de mon oncle et ma tante au bout de la rue. Sur le péron je sors mes clés et déverrouille la porte en essayant d'être le plus discrète possible. Je n'ai pas envie de subir un interrogatoire sur la raison de ma rentrée tardive. À pas de velours je longe le couloir et passe entre l'ilot de cuisine et le canapé sur lequel Elisabeth, ma tante, est installée afin de rejoindre les escaliers.
VOUS LISEZ
The Depth Of Your Soul
RomanceÀ 20 ans, Oliver est encore brisé par la perte de son père, décédé quatre ans plus tôt. Enfoncé dans la drogue, l'alcool, et des pensées sombres, il s'éloigne peu à peu de son rêve de former un groupe de rock, mettant également en danger ses études...