Les souvenirs sont des choses étranges. Ils se nichent dans l'esprit, silencieux et sombres, attendant le moment de se révéler. Parfois, ils reviennent sous forme de doux murmures, des souvenirs heureux qui réchauffent l'âme. D'autres fois, ils reviennent avec une telle force qu'ils me submergent comme une vague impitoyable, me laissant haletante et effrayée. C'est l'un de ces moments.
Le laboratoire de Zeus est toujours dans ma tête, imprimé dans chaque coin sombre de mon esprit. Les murs blancs et stériles, le froid mordant, le cliquetis des instruments de torture déguisés en outils médicaux... Ils sont tous gravés dans ma mémoire, aussi réels que le jour où j'ai été forcée de les vivre.
Il me suffit de fermer les yeux pour le revoir. Les tables d'examen métalliques, froides et impersonnelles. Les écrans clignotants, remplis de données que je ne comprenais pas. Les visages indistincts des scientifiques qui m'ont manipulée comme une poupée, insensibles à mes cris et à mes supplications. La douleur. C'est ce que je me rappelle le plus. Une douleur si intense que parfois, j'espérais qu'elle me tuerait juste pour mettre fin à ma souffrance.
Mais je n'ai pas succombé. Je n'ai pas laissé Zeus gagner. Parce que je savais que quelque part, il y avait des gens qui se souciaient de moi. Qui m'aimaient. Qui feraient tout pour me sauver. Alors j'ai résisté. J'ai enduré chaque torture, chaque expérience, chaque humiliation. Parce que j'avais l'espoir qu'un jour, j'échapperais à cette horreur.
Et cet espoir s'est réalisé. J'ai été sauvée. Je suis libre maintenant. Mais parfois, quand le silence tombe et que je suis seule avec mes pensées, je me retrouve de nouveau dans ce laboratoire. Je revis les horreurs, je ressens la douleur. Je sais que je ne devrais pas laisser ces souvenirs me hanter.
Je sais que je devrais les laisser derrière moi et avancer. Mais ils font partie de moi. Ils ont façonné qui je suis aujourd'hui. Et aussi terrifiant que cela soit, je ne peux pas les oublier. Je ne peux pas les ignorer.
C'est une partie de mon histoire. C'est une partie de moi. Et je ne peux pas le nier. Parce que nier mes souvenirs, c'est nier une partie de moi-même. Et je ne peux pas le faire. Je ne peux pas me renier. Alors je porte mes souvenirs comme une armure. Je les utilise pour me donner la force de continuer, pour me rappeler pourquoi je me bats. Et je me bats. Pour moi. Pour ceux que j'aime. Je suis une survivante. Et je ne laisserai pas Zeus me briser.
Les premières lueurs de l'aube filtraient par les rideaux de la petite chambre où je m'étais endormie. Je me suis assise, mes membres engourdis par le sommeil et la fatigue. J'ai regardé autour de moi, prenant un moment pour apprécier la tranquillité de la scène. Dans ce moment de calme, les horreurs de mon passé semblaient lointaines, presque irréelles.
Mais je savais qu'elles n'étaient pas lointaines. Elles étaient toujours là, nichées dans les recoins sombres de mon esprit, prêtes à surgir à tout moment. Prêtes à me rappeler les vérités que je préférerais oublier. Mais je ne peux pas me permettre de continuer à oublier. Pas maintenant. Pas alors que Zeus est toujours là-bas, libre de faire du mal à d'autres comme il l'a fait à moi.
Je me suis levée lentement. Je me suis dirigée vers la petite salle de bains attenante à la chambre, où j'ai commencé ma routine matinale. Je me suis regardée dans le miroir, les cernes sous mes yeux témoignant des nuits sans sommeil passées à revivre les horreurs du passé. Mais il y avait aussi de la détermination dans mon regard.
J'ai pris une profonde inspiration, fortifiant ma résolution. Et alors que je sortais de la salle de bain, prête à affronter le jour, j'ai senti un frisson d'anticipation courir le long de ma colonne vertébrale.
Chaque fois que je me réveillais de ce genre de cauchemar, j'étais tenté d'aller voir Lionel et d'accepter la thérapie qu'il me proposait à chaque fois, afin de retrouver la mémoire et me souvenir de tout mon passé.
Mais déjà les brides que j'avais en tête me faisait froid dans le dos, ça ne me donnait pas envie de me plonger là-dedans.
Je m'arrêtai dans le couloir et restai devant le miroir, fixant le reflet qui me fixait en retour. C'était un visage qui avait vu trop de choses, qui avait enduré trop de douleurs. Les yeux ternes et fatigués me renvoyaient un regard lourd de souvenirs et de cicatrices invisibles. C'était ce qui me faisait le plus peur, me souvenir de tout. Or, je n'arrivais pas à oublier ce qu'Eller m'avait dit. Je serrai les poings. J'avais envie de croire.
La tentation a toujours été forte. La brûlure de l'alcool descendant dans ma gorge, noyant les souvenirs et la douleur dans un brouillard doux et engourdissant. La morsure aiguë de la lame contre ma peau, une douleur physique pour équilibrer l'agonie mentale. Voilà ce que je voulais.
Mais j'avais promis. J'avais promis de ne pas sombrer, de ne pas me laisser emporter par les addictions autodestructrices qui m'ont aidée à survivre jusque-là. Je savais que si je commençais, il serait difficile d'arrêter. Et je ne pouvais pas me permettre de perdre le contrôle maintenant. Pas alors que j'avais enfin ce que je voulais.
Je fermai les yeux, prenant de longues respirations profondes. J'essayais de calmer la tempête à l'intérieur de moi, de garder mes démons à distance. Je ne pouvais pas me laisser emporter par la douleur. Pas maintenant. Je me rendis dans le dressing d'Orchie pour lui emprunter une tenue. Choisissant une tenue simple mais élégante, j'ai commencé à m'habiller, chaque mouvement calculé et délibéré.
Alors que je m'habillais, j'ai senti la tentation revenir. J'avais l'impression que ma peau me démangeait, comme si elle réclamait la morsure familière de la lame. Mais je me suis forcée à ignorer la sensation, me concentrant sur la tâche à accomplir. J'ai terminé de m'habiller, j'ai vérifié une dernière fois mon reflet dans le miroir, puis j'ai pris une grande inspiration avant de quitter la pièce.
La journée était longue et éprouvante, remplie de réunions et de discussions qui semblaient ne jamais se terminer. À chaque instant, je sentais la tentation qui me tirait, qui me suppliait de céder. Mais à chaque fois, je refusais. Et à la fin de la journée, alors que je m'effondrais dans mon lit, épuisée mais victorieuse, je savais que j'avais réussi. J'avais tenu bon. Je m'étais battue contre mes démons et j'avais gagné. Pour aujourd'hui, au moins.
Alors que je m'efforçais de me reprendre, le son de la porte qui s'ouvrait m'a fait sursauter. Je me suis retournée, mon cœur battant la chamade, pour voir Othniel qui entrait. Qu'est-ce qu'il faisait à Célestia ? Son regard était empreint de douceur et de préoccupation, mais la surprise l'a rapidement remplacé lorsqu'il m'a vue.
Avant même de réaliser ce que je faisais, je me suis précipitée vers lui, me jetant dans ses bras. J'ai cherché son contact, désirant désespérément trouver un réconfort dans son étreinte. C'était comme si chaque fibre de mon être le réclamait, comme si je ne pouvais pas supporter une seconde de plus sans le sentir près de moi.
Othniel m'accueillie dans ses bras, me serrant fort contre lui. Je pouvais sentir sa surprise, mais il ne me repoussa pas. Au contraire, il me serra plus fort, caressant doucement mon dos pour me réconforter...
