Prologue : Le Mythe de Salem

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Dans les recoins les plus sombres de l’esprit humain, se tapissent des histoires que personne n’ose raconter à voix haute. Des récits tissés de terreur et de folie, qui s’échangent en chuchotements dans les tavernes abandonnées, sur les quais brumeux des ports ou dans les ruelles étroites des grandes villes. Salem fait partie de ces histoires, une légende urbaine que l'on évoque avec précaution, le regard fuyant, comme si même en parler pouvait attirer sur soi le malheur.

Salem est une prison, du moins c’est ce que l’on raconte. Mais ce lieu, s'il existe réellement, est bien plus qu'une simple geôle pour criminels. On dit qu'il a été construit pour contenir les plus terribles de tous, ceux dont les crimes défient l'entendement et qui, par leur seule existence, menacent l’équilibre fragile de la société. On parle d’assassins sans remords, de terroristes, de savants fous, et de monstres dont la soif de sang dépasse toute compréhension humaine.

Mais comment un tel endroit pourrait-il exister sans que personne n’en sache rien ? C’est là tout le mystère de Salem. Elle n’apparaît sur aucune carte, n’est mentionnée dans aucun document officiel, et pourtant, son nom circule, comme un poison lent mais mortel. Les rares qui prétendent l’avoir vue ou connue sont des fous, des déments enfermés dans des asiles, leurs esprits brisés par l’horreur qu’ils ont vécue. Leurs récits sont souvent incohérents, mêlés de cauchemars et de souvenirs traumatiques, mais un fil rouge les relie tous : la terreur pure, celle qui transforme les hommes en bêtes traquées, en proies désespérées.

Les légendes autour de Salem varient. Certains disent qu’elle se trouve quelque part dans les terres gelées du Grand Nord, où le froid mord les os et où la nuit semble durer éternellement. D’autres parlent d’une île oubliée, perdue au milieu d’un océan déchaîné, entourée de récifs tranchants comme des rasoirs, où des tempêtes furieuses empêchent toute tentative de fuite. Il y a même ceux qui prétendent que Salem n’est pas un lieu physique, mais un concept, une métaphore pour désigner un enfer personnel, une punition infligée à ceux qui ont commis l’irréparable.

Malgré toutes ces histoires, personne ne sait où se trouve Salem, ni même si elle existe réellement. Pourtant, chaque fois qu’un prisonnier disparaît sans laisser de trace, que des détenus sont transférés sous haute sécurité sans qu’aucune explication ne soit donnée, les murmures commencent. « Ils l’ont emmené à Salem », disent-ils. « Il ne reviendra jamais. »

Le mythe de Salem n’est pas seulement une histoire de peur, c’est une énigme qui défie la raison, une ombre qui plane au-dessus de ceux qui connaissent trop bien le côté obscur de l’humanité. Ceux qui enquêtent trop profondément sur elle finissent par disparaître à leur tour, effacés de l’existence comme s’ils n’avaient jamais été. Les rares documents qui mentionnent Salem sont rapidement supprimés, les témoins muselés, et toute preuve de son existence effacée avec une efficacité terrifiante.

Mais tout a changé le jour où un document inattendu a fait surface. Un journal, jauni par le temps, taché de sang séché et de larmes, écrit de la main tremblante d’un homme que l’on croit être un ancien prisonnier de Salem. Ce journal, retrouvé par un archiviste dans une bibliothèque oubliée, a rapidement été confisqué par les autorités, mais pas avant que son contenu ne soit divulgué au grand public. Les extraits qui ont fuité ont provoqué une onde de choc, alimentant les rumeurs et renforçant la légende.

Le journal commence de manière banale, presque rassurante. L’auteur, dont le nom reste inconnu, parle de sa vie avant Salem, une vie de crime, certes, mais ordinaire pour un homme ayant choisi ce chemin. Il parle de ses erreurs, de ses choix qui l’ont conduit sur la pente glissante de la criminalité. Mais soudain, le ton change, devient plus sombre. Il décrit son arrestation, non pas par la police, mais par des hommes en noir, sans insigne ni badge, qui l’ont enlevé en pleine nuit, le visage masqué, et l’ont emmené dans un lieu qu’il ne pouvait identifier.

Le voyage vers Salem est décrit avec une précision glaçante. Les yeux bandés, les poignets enchaînés, l’auteur parle de l’obscurité, de l’odeur de moisissure, du bruit sourd des vagues frappant contre une coque métallique. Il se souvient du froid qui pénétrait jusqu’aux os, du silence oppressant seulement brisé par les cris lointains de ce qu’il pensait être des âmes en peine. Chaque page de son journal transpire la peur, l’angoisse d’un homme qui sait que ce qui l’attend dépasse tout ce qu’il a jamais connu.

Puis vient la description de Salem elle-même. L’auteur parle d’un édifice colossal, une forteresse de pierre noire, cachée au cœur d’une forêt dense et impénétrable. Il décrit les murs de la prison, hauts comme des montagnes, entourés de barbelés rouillés et de tours de garde où des hommes armés, impassibles, scrutent l’horizon avec des regards vides. À l’intérieur, c’est un autre monde, un monde où le jour n’existe pas, où seules les torches et les lampes faiblardes éclairent les couloirs étroits et humides.

Les cellules sont décrites comme des cercueils de pierre, étroites, sans fenêtre, où l’humidité suinte des murs comme une sueur glacée. Les prisonniers, souvent enchaînés, gisent sur le sol, la peau collée à leurs os, les yeux hagards, les lèvres fendues par la soif. Leur corps porte les marques de la torture, des blessures infectées, des membres brisés, une horreur sans pareil. Le journal regorge de descriptions horribles, de récits d’expériences abominables, de corps mutilés.

Un passage particulièrement troublant du journal raconte les rituels qui se déroulent dans les profondeurs de Salem. L’auteur parle de cérémonies macabres, où des prisonniers sont enchaînés sur des autels de pierre, leur sang recueilli dans des bassins pour alimenter une sorte de rite dont le but reste obscur. Les cris des victimes résonnent dans les tunnels, se répercutant sur les murs, créant une symphonie d’agonie qui hante les couloirs pendant des heures.

Salem n’est pas simplement une prison, c’est un abattoir de l’âme, un lieu où les lois de la nature et de la morale n’ont plus cours. Chaque jour qui passe, l’auteur sent son esprit se fissurer, sa volonté faiblir. Les autres prisonniers, devenus des bêtes, se jettent sur lui à la moindre occasion, espérant grappiller quelques restes de nourriture ou simplement par pur instinct de survie. Salem fait ressurgir le côté bestial de l'homme. Les plus forts dominent les plus faibles, les traînent dans l’ombre pour les dévorer, laissant derrière eux des cadavres en décomposition.

Le journal, devenu de plus en plus incohérent à mesure que les jours s’égrènent, se termine par une confession désespérée. L’auteur, autrefois un homme brisé par la vie, se transforme peu à peu en un monstre, une créature hantée par la haine et la soif de vengeance. Dans ses derniers mots, il implore quiconque trouverait son journal de ne pas chercher à comprendre Salem, mais de détruire ce lieu maudit avant qu’il ne soit trop tard. Il parle d’une force maléfique qui habite la prison, un pouvoir ancien et inconnu qui se nourrit des souffrances humaines et qui, un jour, pourrait détruire le monde extérieur s’il n’est pas contenu.

Mais son appel ne sera jamais entendu. Le journal se termine abruptement, avec une phrase incomplète, tracée d’une main tremblante, comme si l’horreur prenait des proportions inimaginables surpassant même la meilleure des fictions.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 04 ⏰

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