Après la pluie - ItaFushi-

Après la Pluie

Fushiguro était immergé dans un drôle de rêve nébuleux. Des fois il voyait, d'autres fois il entendait, mais surtout il ressentait. Son corps paraissait anormalement léger, comme si, seule sa pensée avait de l'importance. Ce qu'il se figurait était très flou, il entendait la voix de sa soeur se transformer en un grognement tordu, il voyait le corps de Gojo au sol, ensanglanté, il s'entendait dire "Commence par me sauver moi, Itadori", et bien d'autres choses dans un désordre chaotique. Il sentait également quelque chose lui tenir la main. Il ne pouvait se l'expliquer mais ça, il savait que ça se passait vraiment que ce n'était pas dans sa tête.

Même si, pour lui, la notion de temps semblait être lointaine, il arrivait à déceler un rythme rigoureux dans ces contacts. Ils étaient de même durée et à des intervalles similaires. Dans ces moments-là il parvenait à se laisser aller à un sommeil paisible. Puis sa conscience se réveillait et ce spectacle macabre se rejouait devant ses yeux. La mort de sa soeur, celle de Gojo, de Choso, de Yuta, et cela en boucle. Il se sentait condamné à vivre dans le passé.

De temps à autre il percevait une voix féminine affirmer ceci : "Son état est stable, mais on ne sait pas quand il se réveillera", et cette dernière reçevait un "Hm" enroué comme réponse.

Et cette mise en scène recommençait sans cesse. 

Cette fois il discerna ce contact chaud avec sa main plus tôt que prévu, ou alors sa perception du temps s'était encore dégradée.

Soudain, il sentit un peu mieux le bout de ses doigts, puis ses jambes et enfin son corps. Il se sentait capable de bouger. Alors, en une grande inspiration il ouvrit les yeux.  La lumière l'éblouit un instant avant qu'il ne puisse apercevoir les chambres médicales de l'école. La fenêtre était ouverte et les rideaux de soie se permettaient une douce valse entre les coups de vent. Megumi se mit à respirer plus bruyamment, comme s'il n'avait plus jamais fait ça depuis longtemps. Le contact au bout de ses doigts se raffermit et un corps se pencha au dessus du sien. Il pouvait sentir le matelas s'affaisser là où une main venait de se poser.

-Fushiguro ! Le visage d'Itadori était à une dizaine de centimètres au dessus du sien. Il ne sentait plus ce contact réconfortant sur sa main. Comment tu te sens ? Finit Yuji en s'enfonçant dans son siège.

Il était réveillé. Megumi était réveillé, cela faisait près de trois semaines qu'il était dans un état étrange, entre le coma et le sommeil. Yuji craignait affreusement que Fushiguro ne décide de ne pas se réviller. C'est pour ça qu'Itadori ne put le blâmer lorsque ce dernier mit presque une minute à répondre à sa question.

-Bien, je crois. Annonça-t-il finalement alors qu'il essayait de s'asseoir contre la tête de lit.

Itadori l'aida à se relever. Bien installé, Fushiguro se massa le visage, essayant tant bien que mal de reconnecter avec son corps. Il était engourdi et sa tête était anormalement lourde. Son regard glissa sur Itadori, ce dernier le regardait paisiblement, attendant probablement que Fushiguro émerge encore un peu plus. Son estomac se fit plus lourd, il discerna une sensation très désagréable au bout de son nez, et il sentit ses yeux se réchauffer. Il avait envie de pleurer. Voir Yuji l'avait ramené à la réalité. Soudain, tout ce qu'il s'était imaginé durant son coma devenait plus vif, plus intense. Alors Megumi était submergé par la tristesse, la joie, la colère et encore une pléthore d'émotions. Il ferma les yeux de plus belle pour s'empêcher de flancher.

-Depuis combien de temps je suis comme ça ? S'enquit-il, cette question lui brûlait les lèvres.

-Presque trois semaines. Tonna Yuji, une once de culpabilité dans la voix.

Même avec le peu de force qu'avait le noiraud, il prit le temps de fusiller son homologue du regard.

-C'était insoutenable. Lança Fushiguro après un léger silence. Je revoyais... non je revivais tout. Absolument tout. Il ne regardait plus Yuji alors que ce dernier ne pouvait le lâcher du regard.