Je sais c'qu'on va laisser au monde
Des amoureux là sous les lunes
Et des enfants là sous les bombes
Sous les décombres de la thune
Des bouts de tissus colorés
Et des frontières inventées
Des astronautes de boulons
À graviter comme des cons
Des milliers d'éclats de vitraux
Qui colorient le ciel en beau
Des amas de pierres en croix
Et puis quelques bouquins en bois
Des entrepôts remplis de vide
Des invendus, des inutiles
Des pots de crèmes antirides
Pour mieux cerner tous les futiles
Les rêves éteints d'un ailleurs
Et des cauchemars fabriqués
Quelques horloges sans les heures
Et des aiguilles fatiguées
Des écrans de toutes les tailles
Et des montres déconnectées
Des tortues buvant à la paille
L'océan de nos vanités
Quelques poissons panés carrés
Qui retourneront à la mer
Nager entre tous les déchets
Qu'on aura laissé à la Terre
Des stades de foot aux déserts
Et des montagnes déneigées
Des glaces fondues en dessert
Et quelques forêts de palmiers
Du nucléaire dessous la terre
Des lits de rivières défaits
Des ondes mortes dans les airs
Et des fortunes de papier
Des révolutions avortées
Des enfants qu'ont rien demandé
Des morts à ne plus les compter
Tous à rêver de liberté
Quelques peluches éborgnées
Aveugles au monde perdu
De l'imaginaire envolé
Des réalités abattues
Quelques chansons d'amour bien sûr
Car nos espoirs ont la dent dure
Des morsures d'éternité
À nos envies vampirisées
Des strings de toutes les couleurs
Qui n'auront plus rien à cacher
Et des étoiles ou des cœurs
Juste au dessus de nos fessiersJe sais c'qu'on va laisser au monde
Des roses d'épines et d'ombres
Et des pétales sacrifiées
Sous le poids de nos vacuités
L'incapacité du partage
Qu'importe l'époque et les Hommes
D'aujourd'hui jusqu'au moyen âge
La guerre toujours nous consomme
Des nuits sans soleil à la fin
Des ciels sans arc et sans trésor
Des pluies sans odeur au jardin
Et des insectes déjà mortsJe sais c'qu'on va laisser au monde
Des lettres gravées sur les tombes
Des larmes d'amoureux qui sèment
Les graines de nos chrysanthèmes
Tous nos désirs inavoués
Et nos blessures silencieuses
Tout ce qu'on aura pas osé
Toutes nos pulsations frileuses
Les « j'aurais dû », « si j'avais su »
Les « j'aurais pu », tous les regrets
Les ratés, les malentendus
Tous les chemins inexplorésJe sais c'qu'on va laisser au monde
Quelques poèmes griffonnés
Là sur le dos d'une seconde
Aux allures d'éternité