Chapitre I:Un aller sans retour

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Il est 9h47. Cette ruelle, toujours bondée de chiens, résonne de leur aboiement nocturne. Je suis tellement habituée à ce vacarme que cela ne me dérange même plus. Mon seul souci est de trouver de l'argent, l'amour... ce n'est vraiment pas mon truc.

Soudain, mon téléphone sonne.

- Eh, ma belle ! Tu t'es encore perdue dans ce boulot ? J'ai aucune nouvelle de toi depuis ce matin.

- Amri ! Qu'est-ce qu'il y a ? Je rentre chez moi, je suis crevée.

- Accroche-toi, mi señorita ! Les lettres d'admission de Las Encinas ont été publiées !

Sous le choc, je m'arrête net. Mon cœur s'emballe. J'attends cette lettre avec impatience. J'ai travaillé dur pour entrer à Las Encinas, dans l'espoir de m'échapper de cette vie misérable...

Perdue dans mes pensées, j'en oublie même qu'Amri est toujours en ligne.

- Eh oh, Arya ! Tu m'entends ? File chez toi vite et donne-moi des nouvelles. Je dois y aller, à plus tard !

Sans répondre, je me dépêche d'arriver chez moi. À peine cinq minutes de marche plus tard, je me tiens devant notre vieille boîte aux lettres, cabossée par les ans et les colères de ma mère. Mes mains tremblent de nervosité, mais je prends une profonde inspiration avant de l'ouvrir. Chaque enveloppe que je retire ne semble pas correspondre... Pas de sceau de Las Encinas.

Le doute m'envahit. C'est raté.

Je me résigne, puis j'aperçois enfin une dernière enveloppe. Je m'arrête net. Là, en haut à droite, l'insigne que j'espérais tant : Las Encinas. Mon cœur fait un bond, et avant même d'y réfléchir, je pousse un cri perçant de joie au beau milieu de la rue.

Je me précipite à l'intérieur, presque en courant, incapable de contenir mon excitation. Je dois à tout prix rappeler Amri, mais avant cela, je prends un moment pour savourer ce moment. J'ai travaillé tellement dur pour cette admission... J'ouvre la porte d'entrée, et comme d'habitude, je trouve ma mère affalée sur le canapé, entourée de bouteilles vides, les yeux fixés sur la télévision. Depuis le départ de mon père, que je n'ai même jamais rencontré, elle s'est enfoncée dans l'alcool, les cigarettes, et les reproches. Selon elle, c'est à cause de moi que sa vie a sombré.

Le salon sent le tabac froid. Je la salue, mais elle ne me répond pas, absorbée par l'écran. Je monte les escaliers deux à deux et me réfugie dans ma chambre. Là, je peux enfin lire ma lettre d'admission en paix. Ce collège n'accepte que les enfants de riches, mais heureusement, il offre des bourses pour des jeunes comme moi.

Sans attendre, je saisis mon téléphone et j'appelle Amri. Comme si elle attendait mon appel, elle décroche presque immédiatement.

- Aria ! Raconte, tu l'as eue ? Tu es admise ?

Je fais mine d'être désolée, puis je crie soudain de joie :

- Je suis admise !!!

Amri hurle de joie, presque plus excitée que moi. Après quelques instants d'euphorie partagée, elle m'annonce, un peu gênée, qu'elle n'ira pas à Las Encinas. Elle a été acceptée dans un autre collège.

- Mais rien ne pourra nous séparer, peu importe où l'on va, ajoute-t-elle en essayant de masquer sa déception. L'essentiel, c'est que toi, ma belle, tu y es arrivée. Tu as travaillé dur pour ça.

Je souris, fière de moi, mais avant que je ne puisse répondre, elle enchaîne :

- Ah, au fait, j'ai rompu avec ce ringard ! Tu sais, celui qui me pompait mon fric.

Je soupire de soulagement. Je n'ai jamais pu supporter ce gars-là. Il profitait d'elle depuis le début.

Nous bavardons encore un moment avant de raccrocher. Je prends soin de ranger ma lettre d'admission, comme un trésor, et je m'endors ce soir-là, remplie d'une paix intérieure et d'une confiance nouvelle.

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LE LENDEMAIN

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Damian

Merde. Je me réveille avec un mal de crâne terrible, conséquence de la soirée de la veille. Pour couronner le tout, mes parents ne sont même pas rentrés pour mon anniversaire. Encore une excuse bidon : des affaires urgentes en Italie.

Je me lève, me traînant jusqu'à la salle de bain pour essayer d'apaiser cette migraine avec une douche froide. En sortant, l'odeur du petit déjeuner préparé par Madame Alista envahit déjà ma chambre. Je descends à la cuisine et trouve mon petit frère, Emiliano, déjà attablé. Ce morveux... il a eu une chance que je n'ai jamais eue. Il agit parfois comme un vrai gamin.

Je salue Alista, mais Emiliano commence déjà à me chercher :

- Salut, grand frère. Tu sais que la rentrée approche, t'as parlé avec les darons ?

Je fronce les sourcils et lui réponds sèchement :

- T'es encore bourré, c'est ça ? Mange et ferme-la. Ils n'ont même pas pu se pointer pour mon anniversaire, tu crois qu'ils vont être là pour la rentrée ?

Alista intervient, comme à son habitude :

- Les garçons, s'il vous plaît, évitez les gros mots à ma table. Vos parents ont peut-être des défauts, mais montrez-leur du respect.

Je lui souris et m'excuse :

- Désolé, Alista. Toi, t'es la meilleure. Merci pour tout, tu es toujours là.

Je termine mon verre de lait, lui fais un bisou sur la joue, puis je file rejoindre Samir. Elle m'attend déjà avec les autres pour aller au parc. Nous sommes ensemble depuis la sixième. Elle est sexy, même si mes parents ne veulent pas la voir avec moi...

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ARYA

Je me lève tôt ce matin pour me préparer et partir travailler. Sous la douche, j'entends des bruits étranges venant de ma chambre. Paniquée, je sors en vitesse et découvre ma mère en train de mettre tout mon bazar par terre, dans un accès de rage. Elle crie, hors d'elle, et me lance que je suis la cause de tous ses malheurs. Cette scène est devenue trop familière.

Trop épuisée pour répliquer, je glisse et tombe au sol, encore mouillée. Elle s'arrête enfin, me regardant avec dégoût. Elle sait pour mon admission et hurle que je n'ai pas le droit de faire ça, que je ne mérite pas cette chance. Selon elle, je suis la raison pour laquelle elle a échoué dans sa vie, dans sa carrière. Mes larmes coulent malgré moi. Je me sens vide, impuissante.

J'appelle Amri, la voix tremblante. Elle entend tout et me dit qu'elle vient me chercher. Sans réfléchir, je fais ma valise, remplissant un sac avec le nécessaire. En plus de tout ça, ma mère a pris l'argent que j'avais économisé pour la rentrée.

Quand je descends les escaliers, Amri est déjà là. Ma mère ne me jette même pas un regard. Elle compte mon argent, totalement indifférente à mon départ. Amri me prend dans ses bras dès que je sors. C'est tout ce dont j'avais besoin à cet instant.

Je lui demande de me déposer au travail, en lui laissant mes affaires chez elle. Elle acquiesce sans un mot.

MEETING AT YOUR HEARTS ❤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant