Chapitre 1

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 Encore une journée des plus ennuyeuse. Assise à mon bureau, je regarde la pile de livres et de documents que j'ai prévu de lire cet été. Impossible d'en prendre un, de lire ou même d'écrire : je suis trop fatiguée. En réalité, je ne suis absolument pas fatiguée. Cela vous arrive-t-il parfois, lorsque vous devez faire chez vous des exercices de mathématiques ou un devoir de français, d'être dans l'impossibilité de le faire à cause de vos membres qui refusent de bouger, de votre cerveau qui vous dit de grimper dans votre lit et d'aller dormir, sans omettre vos yeux qui approuvent en commençant à se fermer. Et dans la minute qui suit, lorsque vous vous rendez compte que ce devoir de mathématiques ou de français (ou qu'importe) n'est pas pour le lendemain, vous pensez à toutes les distractions que vous pouvez faire désormais et soudain une force vous anime, et comme par une certaine magie, vous n'êtes plus fatiguée. Je ne crois pas à la magie évidemment, c'est une manière de parler.

Je trouve ce phénomène assez embêtant, cependant. Il y a tellement de chose que j'ignore, tellement de livre, ouvrages à découvrir et cette fatigue s'obstine à m'empêcher de nourrir ma culture. Pourtant, j'ai besoin de cela. D'abord pour être bien dans mon esprit, mais aussi pour être à mon aise l'année prochaine, dans ma nouvelle classe, quand l'été sera terminé. C'est aussi pour mon futur, parce que je dois persévérer pour pouvoir atteindre mon plus grand projet qui me tient à cœur : aller vivre dans un pays anglophone. Ma vie est tellement monotone, comparé à de nombreuses personnes. L'idée que je n'allais tarder de partir pour une contrée lointaine, tandis que tous ces gens qui m'entourent seraient coincés dans cette ville statique avait quelque chose de rassurant et d'extrêmement motivant pour moi. Et cela aurait pu l'être d'autant plus si ma place dans une université en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis m'était assurée. Mais deux choses m'en empêchent : l'argent et un manque de connaissance que je dois rapidement combler.

Me voilà donc devant ces livres, vide de toute sorte de motivation. Je n'arrive pas, pourtant je le veux. Je finis par choisir la solution de facilité, la libération, l'agréable : je saute dans mon lit et commence à m'assoupir. J'ai toujours eu une passion très forte pour le sommeil. C'est tellement apaisant et libérateur : vos soucis sont effacés pendant un instant et vous pouvez décider vous-même de ce que vous êtes, vous pouvez vous créer, vous inventer une nouvelle vie, trouver des solutions à vos problèmes, vous motiver, vous organiser et j'en passe. C'est un moment de réflexion et de création privilégié qui m'a aidé et m'aide toujours. Je suis donc allongée et je réfléchis. Je réfléchis à une méthode, une motivation quelconque pour atteindre mes objectifs de cet été : mens sana in corpore sano. C'est très difficile, pour être honnête. Il y a tellement de choses à connaître, dans tellement de domaines : la science, les langues, la culture, la musique, la technologie, la géopolitique, la littérature, l'art... Et il est d'autant plus difficile d'apprendre des choses, de choisir, c'est la raison pour laquelle il faut cibler certains domaines. Je suis donc encore allongée sur mon lit quand quelqu'un frappe à la porte et entre : c'est mon père. Dès la seconde où j'ai vu son bras au bout de la poignée, j'ai compris ce qui allait se passer dans les secondes qui allaient suivre. Comme je l'avais prédit, c'était l'heure d'une leçon de morale : lorsque je suis fatiguée, je ne dois pas chercher la facilité et dormir, mais sortir dehors pour une ballade rafraîchissante. D'abord un peu irritée d'avoir été coupée dans mon agréable et doux sommeil, je ne rechigne plus et me prépare pour sortir. C'est vrai, je ne suis pas sortie de la journée, cela ne peut me faire que du bien.

Me voilà donc sur ce trottoir à marcher jusqu'à mon banc favoris. Là je pourrais enfin commencer à réfléchir comme je l'avais commencé dans mon lit. Le square où j'ai l'habitude de me poser se trouve tout au plus à dix minutes de chez moi, mais à ce moment-là les dix minutes me paraissent incroyablement longues. J'arrive enfin au square qui est vide, comme à son habitude. C'est pour cela que je m'y rends ; impossible de se concentrer avec des cris et des gémissements d'enfants. Je m'assois et commence à sortir mon carnet dans lequel j'ai l'habitude d'écrire chacune de mes pensées. J'observe autour de moi, quelque chose m'intrigue. L'atmosphère est différente, quelque chose est étrange. Je scrute le paysage sans trouver de réponse. Je retourne à mon carnet et commence à écrire comme à mon habitude : « Jeudi 21 Juillet. Aujourd'hui, je n'ai rien fait. Vraiment rien, j'ai fini par m'endormir, comme hier. » J'allais entamer une nouvelle phrase quand soudain je sens un vent glacial me caresser la joue. J'aimerais me dire que cela n'était qu'une brise fraîche du soir, mais je sens que non, cela ne peut pas être que ça. C'était un léger vent froid, certes mais aussi chargé d'effroi et d'angoisse, de peur et de cauchemar. Je frissonne. Actuellement, je vis un sort de « best-of » de toutes les histoires ou photos d'horreur que j'ai vu jusque-là. Ce qui m'effraie le plus, c'est que cela c'est fait automatiquement, sans que je le commande, mais aussi le fait que je ressens exactement tous les sentiments que j'ai pu ressentir le moment où j'ai vu ces images et entendu ces histoires. Depuis l'effroi que je ressentais petite à l'égard des loups jusqu'à la peur que j'ai pu ressentir en regardant le dernier épisode de la série Scream en passant par l'horreur des cauchemars dans lesquels chacun des membres de ma famille perdaient la vie sans que je ne puisse rien faire. Il m'est arrivé souvent de me remémorer ce genre de choses au mauvais moment, par exemple quand je suis bien blottie dans mon lit, lumière éteinte et fenêtre ouverte. Mais là c'était différent. Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

Enfin, au loin je vois arriver la réponse à ma question. Une grande ombre noire qui arrive de loin, une forme fantomatique très sombre dont le visage est caché par une cape et dont les grandes mains effrayantes se balancent en cadence. Impossible. Pendant que je le vois flotter vers moi, je suis paralysée. Impossible. Impossible. C'est impossible ! Cet être que j'ai devant mes yeux ne doit être qu'un mirage, ou une mauvaise farce, mais cela ne peut pas être réel. Un détraqueur sorti d'un livre d'Harry Potter s'avance dangereusement vers moi, impatient de pouvoir aspirer mon âme.

J'avais découvert la saga Harry Potter alors que j'avais treize ans. J'avais découvert un peu tardivement le monde qui composait cet incroyable best-seller, mais cela ne m'avait pas empêché de m'attacher aux personnages et après avoir lu les sept livres et vu les huit films, je ne cessais d'en parler et ma famille en était même extenuée. 

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⏰ Last updated: Sep 22 ⏰

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