𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟯𝟱.

49 27 0
                                        

La tension monte soudainement, l'atmosphère joyeuse étant brutalement interrompue par la détonation. Le son du coup de feu résonne dans le hangar, créant un silence lourd et oppressant. Tous les regards se tournent vers Aylan, qui tient toujours son arme, le canon encore fumant, ses yeux braqués sur l'homme dont le téléphone a volé en éclats.

Un frisson me parcourt l'échine, tandis que je contemple la scène, la gravité de la situation m'atteignant enfin. Le rire s'est éteint, et l'adrénaline de l'instant fait place à une tension palpable dans l'air. La foule, qui quelques instants plus tôt m'encourageait, reste figée, l'inquiétude se lisant sur chaque visage.

Aylan avance d'un pas lent, mais déterminé, sans quitter des yeux l'homme qu'il vient de désarmer. Le silence est si lourd que l'on entend à peine les respirations retenues. Puis, sa voix glaciale rompt ce calme inquiétant :

— Je vous avais prévenus. Ce n'est pas un cirque ici. Et toi, Aela, tu ne sembles pas comprendre que ton comportement a des conséquences. Descends. Maintenant.

Son regard, aussi tranchant que la lame que j'avais en main plus tôt, se pose sur moi. L'ivresse qui avait nourri mon audace se dissipe peu à peu, remplacée par une lucidité froide. Je me rends compte que je suis allée trop loin.

Je jette un coup d'œil à Alil et Émir, qui, tout à coup, ne semblent plus aussi amusés. Ils baissent les yeux, conscients du changement d'ambiance. Le poids de la menace dans les paroles d'Aylan est indéniable.

Prenant une grande inspiration, je finis par descendre de la table, mes gestes plus mesurés, mon sourire effacé. L'énergie de défi qui m'animait se transforme en une étrange appréhension. Je me retrouve face à Aylan, son regard toujours rivé sur moi, plein de mépris et de désapprobation.

— Ce n'est pas parce que tu as remporté un combat que tu peux tout te permettre, me murmure-t-il, suffisamment bas pour que seuls moi et ceux tout proches puissent entendre.

Je ne réponds pas, mordant ma lèvre, incapable de soutenir son regard intense. Il se retourne ensuite vers la foule, haussant la voix pour s'adresser à tout le monde.

— Fin de la fête. Vous pouvez rentrer chez vous, je ne veux plus entendre un bruit dans ce hangar.

Les murmures commencent à fuser, les gens se dispersent rapidement, certains dans une hâte visible, d'autres jetant des coups d'œil discrets dans ma direction, comme pour m'évaluer. Aylan garde ses yeux rivés sur moi jusqu'à ce que la pièce soit presque vide, ne lâchant pas une seule seconde sa posture d'autorité.

Je me sens soudainement vulnérable, mon corps toujours sous le choc de la montée d'adrénaline et de l'alcool. Le regard d'Aylan est la seule chose qui me retient de sombrer dans une rébellion encore plus dangereuse. Son avertissement silencieux flotte dans l'air entre nous, aussi menaçant que le tir qu'il vient de faire.

Émir et Alil restent à distance, conscients que ce n'est pas le moment de plaisanter. Leur soutien, si évident quelques minutes auparavant, semble s'évaporer face à la colère d'Aylan. Ce dernier range lentement son arme dans son étui, ses gestes mesurés, comme s'il prenait un malin plaisir à faire durer le moment.

— Tu n'as aucune idée des gens avec qui tu joues, Aela, dit-il d'une voix calme, mais empreinte de menace. Ce genre de spectacle pourrait te coûter plus cher que tu ne le penses.

Je le fixe, mon corps toujours droit, refusant de montrer une quelconque faiblesse. Mais la gravité de ses mots m'atteint, et pour la première fois depuis longtemps, je me rends compte que j'ai peut-être franchi une ligne dangereuse. Pourtant, une part de moi reste en défi.

— Tu me sous-estimes, Aylan, dis-je, ma voix plus calme maintenant, mais toujours pleine de provocation. J'ai gagné ce soir, et tu n'as pas aimé ça. C'est tout ce qu'il y a à dire.

Son regard se durcit encore, et il fait un pas vers moi, réduisant l'espace entre nous jusqu'à ce que je puisse sentir la chaleur de son corps près du mien. Sa présence est écrasante, et je lutte pour ne pas reculer.

— Ce que tu as gagné ce soir n'est qu'un sursis, Aela, murmure-t-il, presque trop bas pour que je l'entende. Garde ça en tête. Si tu continues à te comporter ainsi, je ne serais pas aussi indulgent la prochaine fois.

Je serre les poings, ressentant une vague de colère monter en moi, mais je reste immobile, refusant de céder sous la pression. Nos regards s'affrontent, une bataille silencieuse s'engageant entre nous.

Après un instant qui semble durer une éternité, Aylan tourne les talons et commence à s'éloigner, son dos rigide de frustration contenue. Juste avant de sortir, il se retourne et lance d'une voix ferme :

— N'oubliez pas, Kaan vous attend dans son bureau ce soir. Et un conseil, cette fois, gardez la tête froide.

Je ne réponds pas, le regard toujours fixé sur lui, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans l'ombre du hangar. Dès qu'il est hors de vue, je laisse échapper un souffle que je ne réalisais pas retenir. Mon cœur bat encore fort, mais une étrange sensation de soulagement m'envahit.

— Eh bien, c'était... intense, dit Alil, s'approchant enfin de moi avec un sourire amusé mais prudent.

Émir, qui est resté en retrait tout ce temps, secoue la tête avec un mélange de consternation et de respect.

— Tu as des tripes, Aela. Mais franchement, tu joues avec le feu. Kaan n'aime pas les imprévus, et Aylan est... particulier quand il s'agit de maintenir l'ordre ici.

— Je m'en fous de ce qu'ils aiment ou non, rétorqué-je, les yeux brillants de défi. Ce soir, c'était mon moment. Et personne ne pourra me l'enlever.

Émir et Alil échangent un regard, mais ne disent rien. Je sais qu'ils comprennent, au fond. Ils savent ce que c'est de vouloir prouver quelque chose, de montrer que l'on est plus fort que les attentes des autres. Mais je sens aussi qu'ils s'inquiètent pour moi, et peut-être ont-ils raison.

— Allez, c'est l'heure d'aller voir Kaan, me dit Alil en me tapotant l'épaule. Fais attention à ce que tu dis. Ce type peut paraître calme, mais il a la main lourde quand il le faut.

Je hoche la tête, consciente du danger, mais déterminée à ne pas laisser la peur dicter mes actions. Ensemble, nous nous dirigeons vers le bureau de Kaan, mon esprit déjà tourné vers ce qui m'attend.

Le hangar est maintenant presque vide, et le bruit des fêtes et des combats a laissé place à un silence lourd. Je marche à côté de mes compagnons, mais je sens que je suis seule dans cette bataille. Ce qui se jouera dans le bureau de Kaan sera décisif, et je dois être prête à affronter tout ce qui m'attend.

Devant la porte du bureau, Émir pose une main sur mon bras, un sourire encourageant sur son visage.

— Bon courage, me dit-il doucement.

Je le remercie d'un signe de tête, puis j'entre, le cœur battant, suivis de près par les deux autres.

Jeux de pouvoir- tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant