La tension est palpable dans l'air. Je suis assise à la table, entourée de ma famille, mais je me sens si loin d'eux. Mes mains sont posées sur mes genoux, crispées, mes ongles s'enfonçant dans ma peau. J'essaye de respirer calmement, de ne pas craquer. La voix de ma mère résonne dans la pièce, froide et tranchante comme d'habitude.
-Pourquoi tu ne fais pas plus d'efforts, Leya ? On dirait que tu cherches à nous embarrasser à chaque occasion," dit-elle en coupant son steak avec une précision chirurgicale. Son ton est poli, mais je sais ce que cela signifie vraiment. C'est un reproche, encore un.
Je garde la tête baissée, concentrée sur mon assiette. Ne dis rien, Leya. Ne réagis pas. Mais ses mots s'enfoncent en moi comme des poignards. Emyle, mon frère, mange en silence, ignorant la scène comme il le fait toujours. Serena est déjà partie, bien sûr. Elle s'est éclipsée, prétextant une soirée entre amis. Je l'envie. Elle sait s'échapper, elle.
Mon père est là, pour une fois. Mais il ne dit rien. Il ne dit jamais rien quand ma mère s'en prend à moi. Il ne l'arrête jamais. Je sens son regard sur moi, mais il est absent. Comme toujours.
-Tu as encore parlé de toi au lycée,continue ma mère. Des rumeurs... des choses que tu laisses traîner. Tu ne penses jamais à la réputation de cette famille, n'est-ce pas ?
Son ton monte, et je sens une boule se former dans ma gorge. Je sais où ça va mener. Elle va encore me rabaisser devant tout le monde, comme à chaque fois.
-Serena, elle au moins, sait comment se comporter. Elle ne nous fait pas honte. Pourquoi tu ne peux pas être plus comme elle ?
Là, ça y est. Cette comparaison, encore une fois. Mon cœur se serre. J'ai envie de crier, de lui dire que je suis fatiguée d'être jugée, d'être comparée. Mais je reste muette. À quoi bon ? Rien de ce que je pourrais dire ne changera quoi que ce soit. Elle a déjà son idée sur moi.
-Tu me déçois, Leya. Tu nous déçois tous.
Je relève la tête, croisant son regard. Mon cœur bat trop fort dans ma poitrine, et je sens ma colère monter. Je ne peux pas laisser ça passer. Pas cette fois.
-Je te déçois ? Ma voix est faible, tremblante, mais je continue. Papa est à peine là. Serena fait ce qu'elle veut, quand elle veut, mais c'est moi le problème ? Moi, qui essaye toujours de tout bien faire ?
Je sens mes mains trembler sous la table. Mon père lève enfin les yeux vers moi, mais il ne dit rien. Il ne fait rien.
-Tu crois vraiment que tout ça est de ma faute ?! Je me lève brusquement, la chaise raclant le sol. Tout ce que tu vois, c'est ta précieuse réputation. Rien d'autre ne compte pour toi, n'est-ce pas ?
Le silence tombe sur la pièce comme une chape de plomb. Ma mère me regarde, impassible, ses yeux plus froids que jamais. Elle ne crie pas, elle ne se défend même pas. Elle n'a pas besoin de le faire. Son regard suffit à me faire comprendre que, pour elle, je ne suis qu'une erreur.
-Ton père aurait honte de toi s'il voyait ce que tu es devenue,finit-elle par lâcher, calmement.
Ces mots... ils me frappent si fort que j'ai l'impression de suffoquer. Je me tiens là, incapable de bouger, incapable de respirer. Ma vision se brouille, et mon cœur se brise un peu plus. Je sens les larmes monter, mais je les retiens, à tout prix. Je ne veux pas lui donner cette satisfaction. Pas devant elle.
Je tourne les talons et quitte la pièce, mes jambes tremblant sous moi. Je monte les escaliers en courant, mes pas résonnant dans la maison vide. Chaque marche semble peser une tonne, chaque respiration est un effort. Je claque la porte de ma chambre derrière moi et m'effondre sur le sol, à bout de souffle, les larmes coulant enfin.
J'ai crié. J'ai osé. Mais rien n'a changé. Rien ne changera jamais.
Je reste là, recroquevillée sur moi-même, et pour la première fois, je me rends compte que cette maison, cette famille... ce n'est pas un refuge. C'est une prison dont je ne pourrai jamais m'échapper.
Et tout ça parce que j'étais sorti avec John... Au final , peut être qu'elle avait raison sur le fait que c'est une mauvaise personne.
