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  Le bruit des gouttes qui s'écrasaient sur les carreaux ressemblait à une mélodie mélancolique. Une personne au fond de la salle de classe vide espérait que leur son suffise à camoufler ses hoquets étouffés.

Il lui semblait qu'un poignard lui avait été planté droit dans le cœur, répandant une douleur lancinante dans sa poitrine. Quelque chose dans sa gorge l'empêchait de respirer correctement... Etait-ce le poids de son chagrin ? Ou bien celui de sa solitude ? Il n'en avait pas la moindre idée. Des perles d'eau salée roulaient par dizaines sur ses pommettes pâles. Ses mains claires tremblaient tant qu'il n'était pas certain de pouvoir en faire quoi que ce soit. Et encore aurait-il fallu que sa vue troublée cesse de flouter le décor autour de lui.

Recroquevillé entre le bureau et l'armoire, Draco Malfoy laissait libre cours à sa tristesse. Il laissait la rage le secouer tout entier, lui coupant la respiration de façon irrégulière.

Le claquement d'une porte que l'on ouvre puis referme nerveusement, des pas précipités dans sa direction, et enfin des yeux qui l'auraient fascinés si les circonstances avaient été différentes. Pourtant, à cet instant, leur beauté lui semblait tout aussi fade que le reste du monde.

La violence de ses soubresauts s'accentua soudain, les larmes lui obscurcirent la vue, un râle de souffrance lui échappa. Il se courba davantage, les doigts crispés sur le cœur à s'en griffer la peau, comme s'il essayait de l'arracher. Peut-être que s'il n'était plus là, il n'aurait plus mal ? Peut-être ne ressentirait-il plus rien ?

Le stoppant dans son élan d'idées noires, une paire de bras l'entoura. C'était brusque, mais on sentait la volonté d'être délicat dans l'intention. C'était doux, il n'était plus seul.

Il nicha sa tête contre le thorax de ce nouveau venu. Dans ce torse qu'il connaissait si bien et qu'il était le seul à connaître résonnaient des battements. Les battements d'un cœur vivant. Et il était bien le seul. A cette pensée, le sien lui parut broyé avec une violence telle que son être tout entier se contracta de douleur. Harry resserra son étreinte autour de Draco, la mâchoire crispée comme s'il essayait de retenir ses larmes.

- Je suis là, murmura-t-il à son oreille, la gorge serrée, On est tous là.

Draco entrouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il voulait le contredire, lui crier son désaccord, hurler sa souffrance au monde entier, mais il n'en fit rien.

Harry lui glissa les doigts contre la nuque, répétant au moins un millier de fois cette phrase. Pourtant, à chaque mot qui passait ses lèvres, une larme roulait sur sa joue. Mais il ne tremblait pas. Non, il ne tremblerait pas. Plus jamais. Il allait venger cette vie que le Mal lui avait encore volée. Qu'il avait volée à tous ceux qui avaient le courage de se dresser contre lui.

Le chagrin gonfla dans la poitrine de Draco. Il prenait de plus en plus de place, l'étouffait de l'intérieur comme une masse noire de douleur contenue. Encore, encore et toujours plus d'espace. Il fallait qu'elle sorte. Cette souffrance allait le tuer.

Alors il ouvrit la bouche, puis il hurla.

Il hurla sa peine.

Il hurla son désespoir.

Il hurla sa rage et son chagrin, sa colère d'avoir perdu un de ces si rares êtres qui le considéraient comme un homme, comme un humain, et non cette arme que tant d'autres s'obstinaient à voir en lui.

Sa voix se cassa, comme brisée en un million d'éclats de verre dispersés dans sa gorge. Il reprit son souffle, puis recommença, chassant d'un revers de mains ces mots inutiles qui ne lui venaient pas, et qui, de toute façon, n'auraient pas suffit pour exprimer les sentiments qui menaçaient de le faire exploser.

Il lui sembla que sa propre voix l'assourdissait, si bien qu'un grand silence suivit ce cri déchirant qu'il ne se souvenait même plus d'avoir poussé. Un grand vide s'empara de lui.

Que s'était-il passé ? Comment cela avait-il pu arriver ? Chacune de ses pensées à peine formulées semblaient disparaître dans son esprit. Ses forces le quittèrent, son corps glissa contre le jeune homme qui ne l'avait pas lâché depuis son arrivée.

A présent, plus rien ne comptait. Tout était fini. La seule personne à laquelle il s'était jamais attachée venait de mourir. Quoi qu'en disent les gens autour de lui, désormais, il était seul. Oublié, avec sa peine pour seule compagnie.

Le tonnerre retentit dehors.

L'Ordre du Phénix venait d'annoncer la mort de Severus Rogue, sacrifié pour le monde des sorciers.

OS DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant