Chapitre 19

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Aujourd'hui, c'est dur. Je ne veux pas me lever. Je ne veux pas avoir à confronter le regard de mes amis. Je ne veux pas imaginer les pires scénarios pour Nathan. Je ne veux pas voir les ressemblances entre les deux garçons que je connais. Je veux rester sous ma couverture.

Mais ma mère n'est pas du même avis, car elle tire le drap et allume la lumière, me forçant à me redresser pour ne pas l'avoir dans les yeux.

Je grogne mon mécontentement.

- Lessy, aller ! Debout ! Tu as école !

J'aimerai lui dire mes découvertes. Mais j'en suis incapable. Et je ne peux pas lui montrer mon journal, je la connais, elle lirai toutes les pages si elle apprenait son existence.

Alors je n'ai d'autres choix que de me lever, d'endurer cette journée.

Treize février.

- Yan, t'es où ? J'suis au parc depuis une demi-heure ! je me plains au téléphone.

- J'arrive, je dois juste finir... Quelque chose, me répond-il évasivement.

- Quoi ? C'est quoi ?

- Rien, ne t'en fais pas.

- J'aime pas les cachotteries, Yan ! Tu le sais ! je t'en supplie, dis-moi tu fais quoi ?

- Tu fais quoi.

- Bah... j'attends au parc.

- Lessy, t'as pas compris la blague, rit-il.

Prenant conscience de son humour douteux, je ne peux pas empêcher un sourire de se former sur mes lèvres.

- Haha, très drôle. Mais quand est-ce que tu arrives ? Qu'est-ce que tu fais ?

- T'es pas patiente Princesse ! Demain on est le quatorze, c'est la saint-Valentin. Je peux pas te gâcher la surprise, quand même ! J'arrive dans cinq minutes.

La veille du malheur.

Va-t-on m'annoncer la mort de Nathan demain ?

Je ne peux pas me concentrer sur ça. Pas maintenant. Je ne dois pas laisser les émotions remonter. Afficher un sourire. Faux. Mais qui parait vrai. Juste un sourire. Que je ne veux pas faire. Que je ne comprend pas. Mais j'ai appris à le coller sur mon visage, à remonter le coin de mes lèvres, à sourire, à rire, même si je ne le veux pas. Devant le miroir, je m'entraine. Un sourire en coin ? Non, trop coincé. Je laisse voir mes dents ? Ark ! trop faux, ça se voit à dix kilomètres ! J'abandonne. Aucun ne me va. Tous reflètent ma détresse, ma tristesse... Et ma haine. Oui, je suis en colère. Je me déteste. Je déteste ma vie, ce monde. Où est ce monde rose bonbon dans lequel j'aurais dû vivre ? Ce monde rempli de joie que les médecins m'ont promis ? Il est où ?

J'avance sur le trottoir, le cœur en miette, la rage me permettant de continuer, de ne pas lâcher cette vie. Le désespoir guide mes pas jusque chez Noah. Pourquoi est-ce que je suis ici ? Je n'avais pas prêté attention au chemin que j'ai emprunté.

Non, je dois faire demi-tour. Je ne peux pas le déranger avec mes problèmes. Avec ma théorie.

Quand j'suis avec toé, j'suis aux petits oiseaux et quand t'es pas là, j'te vois dans ma soupe. J'trippe sur toi.

Je me retourne les yeux ronds, le corps figé sur le chemin, mes jambes tremblantes. Non...

La porte s'ouvre soudainement, mais je ne bouge pas. Noah me voit, debout dans son jardin, le regardant, la respiration coupée.

- Lessy ? Ça va ?

- Lessy ? Ça va ?

- Oui. On va au parc ?

Il me pousse sur la balançoire et je ris. On croirait une enfant de six ans. Mais ça me rends heureuse. Je lâche la balançoire et me jette vers Yan. Il me rattrape dans ces bras et me fais tourner en l'air en riant.

Il me repose par terre, ses mains sur mes hanches, son regard orageux plongé dans le mien, ses dents mordant sa lèvre. Il sait comment s'y prendre pour me faire défaillir. Il rapproche son visage du mien, son front contre mon front.

- Je t'aime bébé, me murmure-t-il. Tu te souviens de la phrase que je t'avais dite, il y a six mois ?

- ni mele tye, je lui répond sur le même ton. Je t'aime en elfique.

- Tu es plus importante à mes yeux que ne peut l'être tout l'or du monde, ajoute-t-il.

- T'as retenu toutes les phrases de Disney ou quoi ? je ris.

Il sourit, mais se contente de m'embrasser.

- Lessy ? Lessy ! Qu'est-ce qu'il se passe ?

La voix de Noah me ramène à la réalité. Il est à côté de moi, ses mains sur mes épaules.

- Lessy ?

Est-ce que... Est-ce que sa phrase signifie... Est-ce qu'il... C'est impossible. Je ne peux pas... C'est pas possible. Je... Non... Je n'arrive pas...

- Lessy, parle-moi ! Fin, non, mais genre, ... Bref, t'as compris !

Est-ce qu'il ressent vraiment... Mais... J'ai toujours cru qu'il... Non. Je dois m'être trompée quelque part... C'est impossible.

- Lessy ! Fais-moi signe que ça va ! Y faut-tu que j'appelle quelqu'un ?

Je le regarde dans les yeux. Il est inquiet pour moi. Trop pour un ami. Je ne sais pas comment lui décrire ma théorie, ma réponse. Il voit mon regard désespérer. Qu'est-ce que j'aimerai pouvoir parler !

- Viens chez moi, tu m'expliquera ce qu'il y a, dit-il en me prenant la main pour m'entrainer vers chez lui.

Oh, pitié ! Et si...

La faute au silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant