La nuit enflammée de Peter et Andrew avait marqué le domaine. Les bruits de leurs ébats avaient mis les murs épais du manoir à rude épreuve, éveillant les curiosités des domestiques. Après avoir renvoyé Peter dans les quartiers des domestiques, le Duc s'était plongé dans un sommeil profond qu'il n'avait connu depuis des mois.
Lady Vickridge gravit les marches en direction des appartements privés du marquis. Son pas était assuré, elle était sur le point de gérer une situation particulièrement délicate.
Arrivée devant la porte massive de la chambre du marquis, la gouvernante frappa vivement. Devant le calme absolu, elle frappa de plus belle. Après de longues secondes, la porte finit enfin par s'ouvrir. Andrew se tenait debout, ses cheveux en bataille, nu comme un vers, le regard encore marqué par les plaisirs de la veille. Derrière lui, les draps froissés dévoilaient ses ébats nocturnes.
Andrew fronça les sourcils, visiblement agacé par cette interruption.
-Que se passe-t-il ? J'avais enfin réussi à trouver le repos !
Lady Vickridge, mal à l'aise devant la colère naissante du marquis, s'empressa de lui répondre.
-Je m'en excuse, Monseigneur, mais la baronne de Montclare souhaite vous rencontrer.
Le noble observa sa domestique, hébété.
-Et en quoi cela me concerne-t-il, Lady Vickridge? Beaucoup de personnes souhaitent me rencontrer dans ce pays, ce n'est pas pour autant qu'il faut venir m'importuner dans mes quartiers.
Andrew était sur le point de refermer la porte, pressé de se glisser à nouveau sous les draps mais Lady Vickridge l'interrompit, un vent de panique sur le visage.
-Monseigneur ! Elle est déjà...là. Elle attend en ce moment même dans le couloir.
Le visage du noble déformé par l'exaspération, soupira lourdement. Se sentir coincer l'horripilait. Il regarda par-dessus l'épaule de sa gouvernante et perçut au bout du long couloir un attroupement de domestiques.
-Bien. Faites-la entrer dans quelques instants. Je vais me faire habiller. Ne la quittez pas des yeux, je soupçonne cette pintade d'être les yeux et les oreilles de ma mère.
Lady Vickridge hocha vivement la tête, elle travaillait depuis suffisamment longtemps pour la famille d'Harrington pour savoir que les suspicions du marquis envers sa propre mère étaient fondées.
Quelques minutes plus tard, la baronne fut introduite dans la chambre du Duc. Andrew, cette fois vêtu d'un magnifique costume, cintré à la perfection, s'appuyait contre le bureau, d'un air nonchalant.
-Monseigneur Harrington ! Quel plaisir de vous revoir ! Commença-t-elle avec un sourire mielleux.
Andrew répondit à la jeune femme par un simple sourire crispé.
-Je tenais à vous féliciter pour votre somptueuse cérémonie. Je ne doute pas un seul instant, que votre retour de guerre ne soit passée inaperçue auprès des aristocrates.
Elle marqua une pause, observant Andrew, cherchant une réaction. En vain, elle reprit la parole.
-Quel dommage que ce délicieux moment que nous partagions ait été écourté par les frasques de l'un de vos domestiques.
Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres d'Andrew. Elinor remarqua que c'était la première expression qu'il daignait lui montrer.
-Oui, en effet. Ce garçon me donne beaucoup de fil à retordre, dit-il d'un ton léger plein de sous-entendus.
Elinor de Montclare fronça légèrement les sourcils, intriguée par le comportement du noble. Ce dernier semblait particulièrement absent, plus que d'ordinaire.
Qu'importe, la duchesse Harrington l'avait averti, elle devait faire preuve d'une certaine ténacité si elle souhaitait obtenir ce dont elle rêvait. Et ce que la baronne désirait le plus au monde, c'était Andrew Harrington.
Elle fit un pas vers lui, feignant de s'intéresser à la décoration de la pièce.
-Monseigneur Harrington, j'ai ouïe dire que votre combat d'escrime contre le jeune Will Falkner approchait. Je ne doute pas un seul instant que votre première représentation en tant que Duc ne fasse sensation.
Andrew, l'esprit toujours ailleurs, hocha la tête distraitement.
-Hmm... Il ne s'agit là que d'un divertissement pour ces gentilhommes.
La baronne était déconcertée face au manque d'enthousiasme du noble, elle qui espérait une quelconque branche à laquelle se rattacher. La jeune femme ne se laissa pas déstabiliser pour autant. Elle s'approcha du marquis, papillonnant des yeux, prenant une profonde inspiration pour faire gonfler sa poitrine corsetée sous le regard peu scrupuleux d'Andrew.
-Si ce combat n'avait pas lieu dans un club pour gentleman, je me serai faîte une joie de vous y accompagner, Monseigneur, minauda la baronne en papillonnant des yeux.
Andrew la regarda, médusé. Il était surpris par l'aplomb soudain de la noble qui lui avait paru si naïve lors de leur dernière rencontre. Un long sourire moqueur se dessina sur ses lèvres lorsqu'il comprit qu'elle était chaperonnée par sa mère. Elinor était une belle femme, éduquée, cultivée et de haut rang. Elle était tout ce dont un homme comme Andrew pouvait rêver mais l'idée même que la duchesse ait un quelconque rôle dans cette manigance, le rebutait invariablement. Il hésita un instant à la souiller et la renvoyer auprès de la Duchesse, cela aurait été une parfaite réponse aux manigances de sa mère.
Mais souiller de la sorte une femme de son rang allait impliquer un scandale de plus pour Andrew. Il ne souhaitait pas faire d'esclandre, au risque que la Duchesse l'estime davantage redevable envers l'évêque Falkner.
-Mademoiselle de Montclare, je suis particulièrement flatté, j'aurais été ravi de passer du temps en votre délicieuse compagnie mais j'ai beaucoup faire depuis mon investiture. Ma mère a dû certainement vous le faire savoir.
C'était une façon subtile pour le marquis de faire comprendre à la jeune femme qu'il était parfaitement conscient de sa complicité avec sa mère.
Face au sous-entendu du marquis, Elinor lui adressa un sourire pincé, à son tour, une amère déception sur le visage.
-Bien-sûr, Monseigneur Harrington. Je comprends parfaitement, dit-elle avant de prendre une profonde inspiration, cela m'apprendra à débarquer sans être conviée. Quelle impolie je fais !
La baronne fit mine de prendre un air exagérément navré.
-Ne dîtes pas de sottises Mademoiselle, je suis le seul à blâmer pour ne pouvoir vous offrir une compagnie à la hauteur de votre beauté. Revenez donc me voir lorsque ce combat sera passé, nous déjeunerons dans les jardins du domaine.
Mademoiselle de Montclare qui avait presque perdu tout espoir, adressa un large sourire au Duc. Malgré la poudre, le noble pouvait voir les joues de la jeune fille se rosirent. Quelle ravissante idiote, pensa-t-il.
La baronne tira sa révérence avant de tourner les talons. Andrew l'observa, en silence, suspicieux, malgré sa naïveté, elle restait potentiellement dangereuse si elle était manœuvrée par sa mère.
Andrew poussa un long soupir en pensant à William Harrington, son père, cinquième Duc d'Ashford. Le regard du marquis se porta vers le tiroir du bureau dans lequel reposait la chevalière qui lui promettait un avenir déjà tracé.

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L'amant du Duc [EN RÉÉCRITURE]
De Todo[BxB] En 1859, durant l'époque victorienne en Angleterre, un jeune paysan, Peter, est envoyé travailler en tant que domestique dans les écuries du domaine d'AshFord. Le Maître des lieux, le marquis Andrew Harrington et future Duc, est rentré de la g...