Le jour se levait doucement sur la petite ville endormie. Des lueurs bleues, roses et mauves éclairaient les rues étroites du village, adoucies par quelques rubans de brumes flottants au-dessus du sol.
Soudain, un homme sortit d'une petite maison d'un joli blanc crème. Il portait au cou une écharpe verte dont les bouts effilochés pendaient à quelques centimètres du trottoir de goudron. On voyait dépasser de cette dernière une gigantesque moustache coupée en brosse. Il commençait à fermer sa porte quand il s'arrêta brusquement. Il avait omis de retirer ses pantoufles. Une dizaine de secondes plus tard – un record – il ressortit avec cette fois des chaussures de cuir aux pieds. De son nez rougi par le froid s' échappaient de petits nuages blancs qui disparaissaient au bout d'un instant. Il ferma soigneusement la porte et cacha la clé derrière une plaque indiquant « Magdeleine et André Moreau ». Il disparut au bout de la rue, trottant entre les lampadaires s'éteignant un à un.
Un quart d'heure plus tard, il réapparu, un paquet de biscottes la main. Il s'essuya rapidement les pieds – visiblement pressé de se mettre au chaud. Il s'arrêta subitement la main sur la poignée : la porte était entrouverte. Elle était pourtant close lorsqu'il était sorti ! Il chassa cette idée d'un froncement de sourcil et n'y pensa plus. En rentrant chez lui, la première chose qu'il fit fut de mettre ses pantoufles, le paquet de biscottes toujours entre ses mains. Il entra dans la cuisine et déposa le paquet de biscotte sur la table de bois verni, l'ouvrit et prit une biscotte qu'il coinça entre ses dents, la grignotant peu à peu. Il ouvrit un placard, en sortit deux tasses, deux assiettes et un pot de confiture de fraise. Puis il commença à préparer du café tout en chantonnant un air vieux d'au moins trente ans. Quand il eut fini, il disposa le tout sur la table et appela :
« Magdeleine ! Le petit déjeuner est servi ! »
Il n'eut pas de réponse.
« Magdeleine ? » appela-t-il à nouveau.
Toujours rien. Inquiet, il se dirigea vers le salon. Il ouvrit la porte et, à peine entré, se figea, ses yeux dilatés de terreur, ses cheveux sel et poivre blanchissants un peu plus.
Magdeleine était étendue à terre, un poignard enfoncé jusqu'à la garde dans la poitrine. Une tache rouge commençait à se former autour de la blessure, souillant le parquet parfaitement ciré.
« Tudieu ! Magdeleine ! »
Encore sonné, il prit sa femme par les épaules et la secoua, froissant sa robe de chambre doublée de fourrure synthétique.
Il appela d'un ton désespéré :
« Magdeleine, Magdeleine ! Répond-moi ! »
Évidemment, ladite Magdeleine ne répondit pas, sa tête ballotée de part et d' autre. Comprenant que toute tentative de reanimation était inutile, il fila hors de la maison sans prendre le temps d'enlever ses pantoufles et galopa dans la direction du commissariat de police. Il faillit se faire écraser à plusieurs reprises par des voitures dont les conducteurs lui hurlèrent des grossièretés que nous ne reporterons pas ici. Le dénommé André Moreau commençait à prendre de l'age et arriva à bout de souffle au commissariat pourtant assez proche.
Quelques minutes plus tard, il revint accompagné d'un inspecteur qui venait visiblement de finir d'enfiler son manteau. André laissa l'inspecteur passer le premier et le vit entrer dans le salon... et en ressortir aussitôt d'un air furieux.
« Vous m'avenir fair perdre mon temps ! Autrefois on faisait des farces au boulanger, au fleuriste, au boucher, mais pas au gendarme ! » sur ces mots, il sortit en claquant la porte.
Abasourdi, André pénétra doucement dans le salon et encore plus stupéfait, il vit Magdeleine assise sur son fauteuil à bascule, tricotant tranquillement.
Il jeta un regard tremblant vers la porte d'entrée entrebâillée puis un nouveau vers le salon. Magdeleine avait disparue.
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Le Paquet de Biscottes
Short StoryQu'est il arrivé à Magdeleine Moreau 64 ans, poignardée dans son salon ?