Chapitre 1

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Il ne fait pas encore froid, et pourtant nous sommes en hiver. Le réchauffement climatique, d'après certains. Pour moi, c'est autre chose, mais je ne saurais pas quoi. Une raison qui m'est inconnue, mais que je sais exister. Pour le moment, j'en profite. Je me balade sous un faible soleil, sous une petite pluie, sous les nuages qui me surveillent. Je me balade, seule, les mains dans les poches, un casque sur les oreilles. Je me balade, jusqu'à ce qu'il fasse nuit noire, jusqu'à ce que ma playlist s'arrête, jusqu'à cette rue qui m'est familière. Sans que je ne sache d'où vient ce sentiment.

Aujourd'hui, je me balade aux abords d'un beau parc fleuri. Je frôle les rares feuilles avec ma main, tout en écoutant mes musiques préférées. Je contemple les arbres nus, attendant que la neige vienne recouvrir leurs fines branches. J'écoute, le casque baissé, le silence qui m'envahit. Je sens, au plus profond de mon être, le sentiment qui me parcourt quand je me pose devant cette rue, ou quand je pense à la cause de cet hiver clément. Je suis cette sensation aveuglément, comme si elle me menait vers la réponse de cette étrange énigme.

Mes pas me mènent devant une petite boutique bleutée. Tea Shop, dit l'enseigne. Les vitres, décorées pour l'hiver, me laissent entrevoir un intérieur confortable rempli de gros fauteuils. Deux pots de fleurs se dressent devant l'entrée, une photographie les surplombe. Je ressens plus de fraîcheur qu'avant, et cela me plaît : L'hiver va bientôt être l'hiver.

Quand je pousse la porte, un dingeling m'accueille chaleureusement. Le doux froid environnant dans cette boutique me fait me sentir à l'aise, encore mieux que chez moi. Au comptoir, je me fige en découvrant une femme aux cheveux blancs. Pas comme un signe de vieillesse, mais plutôt de ressemblance avec la neige, cette neige que j'ai tant espéré. Et ses yeux, bleus comme la glace. Mon cœur bat plus vite, comme si j'avais enfin trouvé ce que je cherchais. Un frisson me parcourt quand la femme se retourne.

— Que voulez-vous ? fait-elle d'une voix douce comme la neige, lisse et sans imperfections comme la glace.

— L'hiver, je réponds, sans réfléchir.

Elle a un rire cristallin.

— Il est tout près, ne vous inquiétez pas, continue-t-elle. Que voulez-vous à boire ?

— Un thé. Blanc, je réponds en pensant à ses cheveux.

— Je vous laisse vous installer.

En m'asseyant près de la fenêtre, je me rends compte que je sens moins de frais qu'au comptoir. Il doit y avoir un radiateur près de moi. Mais... Qu'est-ce qu'était cette phrase ? Il est tout près, ne vous inquiétez pas. Sait-elle quelque chose à-propos de cet hiver déréglé ? Je laisse mes pensées divaguer jusqu'à ce qu'une main vienne me toucher l'épaule. Je me redresse brusquement, et faillis renverser la tasse que porte la barmaid.

— Oh, pardon, je ne voulais pas ! Je suis désolée, je m'excuse.

— Ne vous inquiétez pas. Elle n'est pas renversée, c'est ce qui compte. Je vous ai rajouté de la chantilly. Ça ressemble à de la neige, ça devrait vous plaire.

— Oui, j'adore la chantilly, merci ! Je... euh, je veux dire, merci.

Elle me donne la tasse avec un sourire qui me réchauffe le cœur. Pourtant, avec ce froid qui est revenu, je risque plus de geler que de me réchauffer. Je la regarde repartir vers son comptoir, d'une démarche qui la fait paraître léviter, comme le vent frais de décembre.

Je touille le thé avec ma cuillère et le goûte. Je fais une grimace de dégoût, à cause de la chantilly. Je n'aime pas la chantilly, même si sa jumelle - bien plus naturelle - est une de mes choses préférées. Je ne sais pas ce qui m'a pris de dire que j'adorais la chantilly à cette inconnue. Ou même que je voulais un thé blanc, car je n'en avais jamais goûté. Après avoir terminé à contrecœur ma tasse de thé, je vais l'apporter au comptoir.

HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant